Rôle de l'intelligence dans la formation du caractère.
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Rôle de l'intelligence dans la formation du caractère.
L'intelligence joue-t-elle un rôle important dans la formation du caractère ? Ce n'est pas l'avis de Ribot.
« La vie physique, dit-il, considérée dans sa plus haute généralité, se ramène à deux manifestations fondamentales :
sentir, agir.
L'intelligence n'est pas un élément fondamental du caractère ».
Aussi ce philosophe ne fait-il pas rentrer l'intelligence dans la répartition des caractères en trois grands genres : les
sensitifs, les actifs, les apathiques.
Quant aux intellectuels, ils ne constituent dans sa classification qu'une espèce
(ou sous-espèce).
Fouillée, au contraire, est d'avis que l'intelligence est un élément important du caractère.
Si l'on se range à son
opinion, on mettra les intellectuels sur le même rang que les sensitifs, les actifs et les apathiques.
On peut alléguer en faveur de la thèse de Ribot des arguments impressionnants.
L'intelligence étant ce qu'il y a de
plus impersonnel en nous, ne met pas entre les hommes des différences très tranchées.
Et c'est pourquoi Descartes
a pu dire que le bon sens (ou faculté de discerner le vrai d'avec le faux) est la chose du monde la mieux partagée.
Ribot fait remarquer que le génie ou le talent n'a aucun rapport avec le caractère.
Au contraire, la sensibilité est ce qu'il y a de plus intime, de plus individuel en nous.
Comme le disait Brunetière, nous
différons plus par nos manières de sentir que par nos manières de comprendre.
Or, comme les sentiments sont liés
aux tendances, au fond actif de notre être, on sera amené, dans cette théorie, à définir le caractère : une manière
spéciale, propre à un individu, de sentir et d'agir.
Le rôle de l'intelligence serait nul dans la formation du caractère si l'on allait jusqu'à soutenir que nos façons de
penser, nos habitudes intellectuelles dépendent uniquement de notre caractère, et que celui-ci est entièrement
inné.
Mais il est difficile et même impossible d'aller jusque-là.
A supposer même que l'intelligence soit un facteur moins important du caractère que la sensibilité et la volonté,
peut-on prétendre qu'elle n'ait aucune action sur lui ?
Laissons de côté le génie et le talent qui n'ont rien à voir ici.
Envisageons simplement l'intelligence comme fonction
directrice.
Dans le caractère, il n'y a pas que des éléments innés, il y a des éléments acquis : ce sont les habitudes.
Or les
habitudes ont une origine intellectuelle et volontaire ; un acte habituel a été primitivement voulu et réfléchi.
Prenons comme exemple une passion ; la passion n'est pas primitive, on pourrait la définir une habitude de la
sensibilité.
Or, parmi les causes qui la font naître, il en est une qui, de l'aveu général, a la plus grande importance :
c'est l'imagination, c'est-à-dire une forme de l'activité intellectuelle.
L'imagination nourrit la passion en embellissant
l'objet du désir, en le remettant sans cesse devant les yeux du passionné, en le rapprochant par l'espérance.
Il y a d'autres éléments intellectuels du caractère.
L'imitation en est un, non pas l'imitation spontanée et
involontaire, mais l'imitation réfléchie.
Nous nous proposons souvent un modèle, que nous cherchons soit dans le
passé, soit dans le présent.
Le héros du roman de Stendhal, le Bouge et le Noir, avait devant les yeux l'image de
Napoléon.
Qu'est-ce que se propose une société ou une famille religieuse, sinon de reproduire à un nombre plus ou
moins grand d'exemplaires la figure du fondateur ? Qui de nous n'a son héros favori, son modèle préféré ?
A défaut d'un modèle concret, nous nous proposons toujours un idéal.
Chaque homme se fait une certaine
conception de la vie, un certain plan d'existence.
Cet idéal modèle plus ou moins notre personnalité.
Sans doute
nous ne réalisons pas toutes nos ambitions, nous ne devenons pas toujours l'homme que nous voudrions être ; mais
il serait vain de nier l'influence d'une idée de ce genre sur la formation du caractère.
Ajoutons que l'idée de liberté, comme Fouillée l'a remarqué, est la plus efficace des « idées-forces ».
« Autant
l'homme veut, peut et devient fort, quand il se croit libre et puissant, autant il devient faible dans la pratique et
même incapable de vouloir, quand il ne croit pas disposer de lui-même, quand il se considère comme soumis à
quelque influence extérieure plus puissante que lui ».
Il n'est pas indifférent, dans la pratique, d'être fataliste ou de
croire à la liberté.
Fouillée fait remarquer très finement qu'en vertu même de la théorie des déterministes sur l'empire des idées, il est
nécessaire de fortifier chez les hommes l'idée du libre arbitre.
« C'est la foi en notre liberté qui nous donne notre
puissance d'initiative ».
L'attention (et l'attention implique l'intelligence) intervient puissamment aussi dans la formation du caractère.
Elle
consiste à maintenir dans la conscience une idée à l'exclusion des autres.
Que cette idée soit élevée à la hauteur
d'un principe, elle interviendra d'une manière habituelle dans le gouvernement de nous-même.
Qu'est-ce d'ailleurs qu'un homme de caractère ? C'est celui qui met sa conduite d'accord avec ses principes.
Il faut
donc avoir des principes.
Or qui nous les donnera, si ce n'est la raison.
Les moralistes anciens n'avaient donc pas
tort de définir l'homme sage ou vertueux : celui qui obéit à la raison.
L'action, quoi qu'en dise Ribot, ne vient pas
toujours d'en bas ; elle vient aussi d'en haut.
Méconnaître la part de l'intelligence dans la formation du caractère,
c'est oublier que celle-ci est une puissance directrice ; c'est comme si l'on disait que le mécanicien ne sert à rien
dans la machine.
Nous sommes donc amenés à définir le caractère : une certaine manière spéciale, propre à un individu, de penser,
de sentir et d'agir..
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