Rôle de l'esprit critique en sciences ?
Extrait du document
«
I.
Qu'est-ce que l'esprit critique?
Il y a en nous une crédulité naturelle qui nous pousse à accepter passivement les idées qui se présentent à notre
esprit, soit qu'elles lui soient venues spontanément, soit qu'elles lui aient été suggérées du dehors.
Il vient
cependant un moment où, mis en défiance par notre propre expérience ou par les contradictions entre ces opinions
venues du dehors, nous commençons à prendre conscience des conditions légitimes de l'affirmation vraie.
C'est alors
que surgit l'attitude critique, le pouvoir de nier, au moins à titre provisoire, l'idée première, le doute méthodique.
L'esprit critique n'est pas autre chose que la mise en oeuvre de cette attitude réfléchie de l'esprit averti des
dangers de la « précipitation », comme disait DESCARTES, et soucieux de n'affirmer qu'à bon escient.
C'est, en
somme, le besoin de preuve.
II.
Rôle de l'esprit critique dans la science.
Le rôle de l'esprit critique dans la science est capital.
En effet :
A.
— La connaissance scientifique se constitue, pour une large part, en opposition à la connaissance vulgaire.
Le
premier obstacle qu'elle rencontre pour se constituer, c'est, dit G.
BACHELARD, « l'expérience première, l'expérience
placée avant et au-dessus de la critique qui, elle, est nécessairement un
élément intégrant de l'esprit scientifique ».
Elle exige donc d'abord que soient
révoquées en doute aussi bien les apparences sensibles que les explications
faussement ,« évidentes » du sens commun.
B.
— Même en Mathématiques, l'esprit critique a été un des agents les plus
féconds du progrès de la science, en tant qu'il a exigé des démonstrations
pour des propositions qui primitivement étaient apparues comme des données
de l'expérience sensible, voire comme des évidences de la raison.
Même de
nos jours, de fausses évidences peuvent encore parfois faire illusion, celle,
par exemple, qui paraît exiger que toute fonction continue ait une dérivée (cf.
G.
BOULIGAND, Les aspects intuitifs de la mathématique, p.
222).
C.
— Mais c'est surtout dans les sciences expérimentales que l'esprit critique,
a un rôle manifeste.
— 1° La méthode expérimentale implique en effet une
démarche inconnue, du moins sous cette forme, des Mathématiques :
l'hypothèse, qui est, comme dit Cl.
BERNARD, une « idée anticipée », donc
provisoire, de la loi à établir.
A l'égard de cette hypothèse, le « doute critique
» s'impose.
C'est en ce sens que Cl.
BERNARD (Introd.
à l'étude de la
médecine expérimentale, I, chap.
II, § VI) a écrit que « le douteur est le vrai
savant », le douteur qui « ne doute que de lui-même et de ses interprétations
» devant être distingué du sceptique qui « croit à lui-même », mais ne croit
pas aux lois de la nature.
Il est nécessaire, en effet que le savant suspende
son jugement, si vraisemblable que son hypothèse lui paraisse, jusqu'à ce qu'elle ait reçu la confirmation de
l'expérience.
— 2° Même quand cette confirmation a été obtenue, l'esprit critique a encore un rôle pour empêcher le
savant de transformer en vérités définitives et absolues les vérités expérimentales qui sont toujours des vérités
approchées.
Ceci s'applique particulièrement aux « grandes hypothèses » ou théories qui ne sont que des synthèses
provisoires et sujettes à révision.
— 3° Ajoutons enfin que, contrairement à ce qu'on dit parfois, l'esprit critique
n'est pas purement négatif.
Loin de s'opposer à l'esprit d'invention ou de découverte, il en est la condition : « C'est
pour avoir douté d'une hypothèse de CROOKES que ROENTGEN a découvert les rayons X; c'est pour avoir douté des
hypothèses de GAY-LussAC et de LIEBIG, douté de ses propres hypothèses, que PASTEUR a trouvé sa théorie des
ferments » (Paul LAPIE).
Conclusion.
La science n'est pas le scientisme.
Celui-ci est une contamination de la science par l'esprit
dogmatique.
Tandis que l'esprit dogmatique aboutit à un savoir clos et qui se croit définitif, l'esprit critique fait de la
science un savoir toujours ouvert et toujours susceptible de progrès..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Rôle de l'esprit critique dans la connaissance scientifique ?
- LES LEÇONS ANGLAISES: Extension de l’esprit critique
- Un critique écrit: « La littérature n'a pas pour vocation de se mêler des débats politiques ou sociaux. À vouloir jouer ce rôle, elle se pervertit et ne parvient même pas à être efficace ». Ce jugement vous paraît-il fondé ? Vous appuierez votre réflexion
- Un critique contemporain définit l'esprit du XVIIIe siècle en ces termes: "Il fallait édifier une politique sans droit divin, une religion sans mystère, une morale sans dogme." Dans quelle mesure et avec quelles nuances ce jugement se trouve-t-il vérifié
- L'expérience dans la vie a-t-elle les mêmes caractères et le même rôle que dans les sciences ?