Revivre le passé, ou revivre à nouveau ?
Publié le 30/11/2022
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«
Revivre le passé, ou revivre à
nouveau ?
FRÉDÉRIC WORMS, PHILOSOPHE
Nous vivons dans le temps et celui-ci est réel, il exerce une force sur nous, par la double
surprise du souvenir qui ressuscite le passé ou de l'espoir d'une vie recommencée.
C'est
la puissance du revivre, dans les deux sens du terme.
On devrait dire d'abord ceci : le re- dans le verbe « revivre » prouve la réalité du temps.
Il
nous la rappelle, bien plutôt qu'il ne la prouve, car, mystérieusement, nous l'oublions.
Il nous rappelle sa double réalité.
La surprise que nous éprouvons quand un souvenir revient
nous prendre comme s'il était vivant, quand il nous fait réellement revivre ce qui nous a
affectés, cette surprise nous rappelle la réalité du passé.
Celle que nous ressentons lorsque la
vie semble paradoxalement revenir ou repartir, quand nous vivons à nouveau l'instant
présent, avec la ferveur du recommencement, cette surprise nous rappelle la réalité de
l'avenir.
Ces deux réalités nous sont rappelées dans le présent, dans la réalité du présent.
Ce que cette double surprise nous rappelle, surtout, c'est que le temps n'est pas une fiction,
n'est pas un spectacle (que nous contemplerions de l'extérieur : « tiens, il passe, il est passé !
») ; mais une force, une double force, et le présent, notre vie ici et maintenant, le point
d'application sensible de ces forces.
Ainsi, nos pensées s'associent comme elles veulent, ou comme elles peuvent, mais lorsque je
reviens constamment à la même scène, que je peux dater, où j'ai subi une perte ou une
violence, je ne peux plus en douter.
Ce n'est pas seulement le contenu du passé qui a une
réalité, que je devrai d'ailleurs vérifier, confirmer par des recoupements, construire dans un
récit, confier à l'histoire.
C'est bien autre chose : c'est la nature du passé en tant que tel qui
est une réalité, une puissance ou une force, un pouvoir d'attraction, qu'il exerce sur un esprit
qui lui-même ne peut plus douter de sa propre réalité, lui fût-elle prouvée seulement par la
souffrance ou par des pathologies, qui ont quelque chose de vital.
[...]
Il en va de même lorsque j'ai le sentiment de renaître.
Une guérison par exemple, une levée
d'écrou' ne se résument pas à la sortie enfin autorisée du corps au-dehors, échappant à ce qui
le retenait ; elles se traduisent aussitôt par des idées, des projets, des images mobiles et
motrices qui affluent de nouveau dans l'esprit comme le sang sur le visage qui avait blêmi.
Ces images seront donc plus que des images, au sens de simples représentations ; ce seront,
selon l'expression de la psychologie du XIXe siècle, des « mouvements naissants » ou, en
l'occurrence, renaissants.
Revivre, ce sera toujours esquisser, ébaucher, des....
»
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