Respecter la nature, est-ce renoncer à la transformer ?
Extrait du document
«
Introduction
Avec le formidable essor des sciences physiques aux XVIe et XVIle siècles, l'homme est entré avec la nature dans
une relation de compréhension/domination, favorisée par le développement des techniques.
Cette maîtrise
épistémologique et technologique lui donne les moyens de transformer pour son plus grand profit ce qu'il goûte, voit,
touche et sent : la matière première devient énergie ou oeuvre d'art, le venin du serpent venimeux se mue en
antivirus, et l'instinctif laisse la place au culturel.
Mais la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la nature, à laquelle l'homme lui-même appartient, peut-elle
s'accommoder d'une telle attitude à terme destructrice ? Pour véritablement la respecter, l'homme ne doit-il pas
renoncer à la transformer ?
L'enjeu de ce questionnement est de déterminer la place que l'homme doit occuper par rapport à la nature.
La
dignité et la valeur de l'un doivent-elles nécessairement s'effacer pour laisser la place à l'autre ?
I.
Respecter la nature, c'est renoncer à la transformer.
1.
La nature comme ensemble vivant requiert le respect dû à toute forme de vie.
Ce respect passe par une
renonciation à utiliser les êtres naturels comme autant de moyens destinés à satisfaire nos besoins (cf.
le débat sur
l'utilité de l'expérimentation animale).
En ce qui concerne le travail sur l'embryon humain, il est difficile de dire à quel
moment un amas de cellules devient véritablement un être humain; comme tout embryon peut devenir une
personne, une protection spécifique est nécessaire afin d'éviter des abus en termes de manipulations voire de
commerce.
C'est pourquoi un statut de l'embryon a été formulé pour encadrer la pratique scientifique et médicale.
De même, des débats vigoureux sont en cours pour que ne prévalent pas les seuls intérêts économiques dans le
développement d'organismes transgéniques: face au manque de visibilité pour les conséquences à long terme de ces
transformations la simple prudence incite à ralentir le développement de ces cultures.
On peut enfin se demander si toutes ces normes ne seraient pas l'expression du respect que l'homme doit à l'homme
et notamment aux générations futures.
La notion même de respect implique la capacité à renoncer à une domination
infinie, la capacité à laisser être ce qui est.
Sans aller jusqu'à attribuer un statut de personne à tous les organismes
vivants, une réflexion sur ce qu'est la nature normale de chaque espèce peut permettre de trouver à l'égard du
vivant un analogue du respect que nous portons aux hommes.
Il serait sans doute dommageable de niveler totalement le statut de la personne humaine et celui du vivant en
général; mais la question mérite d'être posée afin que les hommes prennent conscience de la portée de leurs actes
et ne rabaissent pas tout le vivant, et à terme l'être humain lui-même, au rang de pur matériau exploitable et
transformable à l'infini.
Si le respect envers l'homme doit demeurer une attitude spécifique, une réflexion normative à
propos de notre rapport au vivant s'impose de façon urgente.
2.
Le courant écologique « dur » souligne à ce titre qu'il ne s'agit plus de protéger l'homme de lui-même, mais de
protéger le cosmos tout entier contre l'homme.
L'idéal de maîtrise et de possession (sens fort de la « transformation
») doit laisser la place au respect contemplatif et à la symbiose (M.
Serres).
3.
L'éducation elle-même ne se donne plus pour but de contrarier d'éventuels penchants naturels, mais de
développer le potentiel naturellement propre à chaque enfant (on insiste ici sur la dimension socio-politicoculturelle
du sujet).
II.
Le véritable respect de la nature n'est pas l'inaction ou, pire, l'indifférence, mais la transformation
raisonnée
1.
Il est de la nature de l'homme libre de transformer le donné : la terre inculte devient champ de blé, et l'enfant
sauvage homme civilisé (cf.
Bergson et l'« Homo faber »).
L'« état de nature » n'est pas vivable (Hobbes).
Hobbes est considéré, avec Machiavel, comme le fondateur de la
politique moderne.
Contemporain de la Révolution anglaise du XVII ième siècle,
Hobbes sera frappé de la violence de la guerre civile et des conséquences
désastreuses de la vacance du pouvoir.
Au chapitre XII du « Léviathan », il
écrit : « Il apparaît clairement par là, qu'aussi longtemps que les hommes
vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans
cette condition que l'on nomme guerre, et que cette guerre est guerre de
chacun contre chacun.
»
L'expérience inédite qu'est la Révolution va amener Hobbes à se faire le
théoricien d'un pouvoir fort, de l'absolutisme.
Hobbes appartient au courant dit du « droit naturel » qui rompt avec
les conceptions politiques traditionnelles.
L ‘héritage antique affirmait avec
Aristote que « l'homme est un animal politique » et assurait la prééminence
de la communauté sur l'individu.
L'héritage chrétien, le droit divin,
interdisaient toute contestation de l'autorité politique, laquelle était censée
venir de Dieu.
La Réforme religieuse de Martin Luther au XVI
ième
ébranle la tradition.
»
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