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Rapports du droit et du devoir

Extrait du document

« A.

Les droits des uns sont les devoirs des autres On peut remarquer tout d'abord la réciprocité fondamentale qui paraît exister entre le devoir et le droit.

Ce qui est un droit pour moi correspond chez autrui à une obligation à mon égard.

Et réciproquement, mes devoirs envers autrui sont l'exacte contrepartie de ses droits.

Par exemple, un salarié à temps plein a le droit aujourd'hui d'exiger de son employeur cinq semaines de congés payés ; l'employeur a le devoir de lui accorder ce congé. Auguste Comte, réfléchissant sur cette réciprocité, en concluait que la notion de droit pouvait disparaître sans dommage et que la notion de devoir suffisait.

En effet, si tout le monde fait son devoir envers tout le monde, les droits de tous se trouveront assurés sans qu'il soit nécessaire d'en parler.

Et mieux vaut ne pas trop parler des droits, car chacun a un sentiment très vif de ses droits et, en leur nom, réclamera volontiers plus qu'il ne lui est dû. Il vaut bien mieux qu'on me parle de mes devoirs envers autrui et qu'on fasse silence sur mes droits, de peur de fournir des arguments à des revendications individualistes ruineuses pour l'ordre social : « Chacun a des devoirs envers tous, écrit Auguste Comte dans son Discours sur l'ensemble du positivisme ; mais personne n'a aucun droit proprement dit.

» B.

Défendre son droit est un devoir Il peut en effet être périlleux pour la morale de trop mettre l'accent sur l'exigence des droits (car l'égoïsme de chacun est insatiable), mais il est aussi dangereux d'oublier les droits au profit des devoirs, car sous le nom d'« ordre moral », on peut justifier la pire des oppressions.

L'univers éthique conçu par Auguste Comte est un peu étouffant. Il fait songer à ces dictatures où tout « ce qui n'est pas interdit est obligatoire ».

La notion de devoir ne saurait exclure la revendication du droit.

Bien mieux, la personne humaine étant une valeur de premier plan, nous avons le devoir de défendre notre droit. Rousseau dira: « Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité et même à ses devoirs.

Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout.

Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme.

» C'est dans le « Contrat social » que l'on trouve l'une des affirmations les plus radicales de Rousseau concernant la liberté comme bien inaliénable, définissant l'homme en propre. L'idée que la liberté est un bien inaliénable, et que nul ne peut consentir à y renoncer pour appartenir à l'Etat, est une thèse centrale de la pensée politique de Rousseau.

Elle sous-tend tout le « Contrat social », où il s'agit de déterminer comment les hommes peuvent véritablement s'associer, obéir à un pouvoir commun, à des lois valant pour tous, sans abdiquer leur imprescriptible liberté. Cette fameuse formule s'inscrit dans un contexte polémique.

Rousseau vient de montrer, en accord avec Hobbes et les partisans de l'école du droit naturel, que toute société, tout Etat, ne peut reposer que sur des conventions : « Puisqu'aucun homme n'a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes.

» Rousseau entend maintenant se démarquer de ses prédécesseurs en refusant toute espèces de pacte de soumission qui lierait le peuple à des gouvernants, qui soumettrait la liberté des hommes à celle d'un autre.

C'est pourquoi il entend prouver que renoncer à sa liberté conduit à se détruire en tant qu'être humain, et que, par suite, nul ne peut le vouloir. Mais sans doute faut-il comprendre que la liberté pour Rousseau est constitutive de l'humanité : être humain, c'est être libre.

On peut aller jusqu'à dire que la liberté pour Rousseau prend la place du cogito chez Descartes.

Descartes considérait les animaux comme de simples automates, des machines, et la pensée seule assurait l'homme de sa différence essentielle avec les bêtes.

A cela Rousseau rétorque, faisant sienne les thèses sensualistes : « Tout animal a des idées puisqu'il a des sens […] et l'homme ne diffère à cet égard de la bête que du plus ou moins.

» Mais, alors que l'animal est régi par l'instinct, par des règles de comportement innées, fixées par la nature, l'homme est libre : « et c'est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme ».

Ce qui fait la grandeur de l'homme , sa spécificité, sa spiritualité, ce qui le définit en propre, ce n'est plus la raison, c'est la liberté. A partir de ces fondements, mis à jour dans le « Discours sur l'origine et les fondements parmi les hommes » (1755), Rousseau va s'employer à démontrer tous les arguments qui tentent de justifier l'esclavage privé et la sujétion politique. Il entend d'abord réfuter le parallèle établi par Grotius (1583-1645) entre l'esclavage privé et la soumission des peuples.

Si l'on pouvait comprendre qu'un homme se vende pour pouvoir survivre, il n'en resterait pas moins incompréhensive qu'un peuple se donne à un maître qu'il devra nourrir.

Rétorquer que le peuple gagne au moins sa sécurité revient à dire, selon Rousseau, que les compagnons d'Ulysse étaient en sécurité dans l'antre du Cyclope : ils attendaient tranquillement d'être dévorés chacun à leur tour.

Enfin, même si u peuple pouvait se donner, il ne. »

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