Raisonnement hypothético-déductif
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«
Qu'est-ce qu'un raisonnement hypothético-déductif ?
INTRODUCTION.
— II n'est personne qui ne sache en quoi consiste le raisonnement, et quoique le mot de « déduction » appartienne
au vocabulaire de la philosophie, il est d'un usage assez courant pour qu'il ne soit pas permis d'en ignorer le sens.
Plus récent et plus
complexe, au contraire, le terme de « raisonnement hypothético-déductif » peut paraître à certains plus ou moins mystérieux.
Pour éclaircir ce petit mystère nous partirons de la notion familière de raisonnement et nous verrons ce qu'y ajoutent les mots qui
l'accompagnent.
I.
— CE QU'EST UN RAISONNEMENT.
« Faculté ou action de raisonner », disent au mot « raisonnement » le Dictionnaire de l'Académie ainsi que celui de LITTRÉ.
Mais il nous
semble plus conforme au bon usage des mots d'appeler « raison » la faculté de raisonner et « raisonnement » l'acte propre de cette
faculté.
Quoi qu'il en soit d'ailleurs, étant donné que nous avons à dire ce qu'est «un» raisonnement, et non « le » raisonnement, c'est
de la seule action de raisonner qu'il est question ici.
Pour préciser en quoi elle consiste, le mieux est de la comparer à l'opération mentale à laquelle on l'oppose, l'intuition.
Comme l'indique l'étymologie, l'intuition est une vue; elle se réduit à un coup d'oeil de l'esprit procurant immédiatement une
connaissance.
Le raisonnement ne se réduit pas à ce coup d'oeil : l'esprit qui raisonne part bien de données intuitives, mais il lui faut passer par des
intermédiaires plus ou moins nombreux pour aboutir à une connaissance nouvelle.
L'objet de connaissance n'est pas vu : il est conclu.
Nous pouvons donc définir le raisonnement l'opération mentale qui de propositions ou de faits donnés conclut à des propositions ou à
des faits qui ne sont pas immédiatement donnés.
Ou encore, pour revenir à l'acception étymologique du mot, raisonner c'est compter ou calculer : un « livre de raison » est un livre de
comptes; « rendre raison » et « rendre compte » dans certains de leurs usages, sont des expressions synonymes.
Je vois (intuition) les
trois consommateurs assis à la table d'un café; je n'ai pas besoin de les compter.
Mais si je veux savoir le nombre de personnes qu'il y
a dans la salle, il faut que je les compte.
Dans des cas plus favorables, je les calcule : huit tables de six, par exemple, me donnent
quarante-huit.
Ces quarante-huit personnes, je ne puis pas les tenir ensemble sous le regard de mon esprit en me rendant compte
qu'elles sont bien quarante-huit; je n'ai pas l'intuition de leur nombre : ce nombre est conclu ou calculé.
II.
— CE QU'EST UN RAISONNEMENT DÉDUCTIF.
Le raisonnement déductif procède par déduction ou, plus simplement, consiste dans une déduction, et la déduction s'opposant à
l'induction, la comparaison avec cette dernière nous aidera à préciser en quoi elle consiste.
A.
— L'induction.
Dans l'usage ordinaire du mot, « induire » c'est conclure, mais sans recourir aux formes logiques des opérations rationnelles : il y a
donc quelque chose d'intuitif dans ce genre d'induction; de plus, la conclusion induite laisse le sentiment de manquer de rigueur et
d'être quelque peu conjecturale.
Nous retrouvons les mêmes nuances dans l'usage de ces mots en philosophie.
On parle sans doute de l'induction complète, qui consiste
à affirmer de toute une classe ce qui a été constaté de tous les individus de cette classe : ce raisonnement est parfaitement explicite et
ne laisse place à aucun aléa.
Mais, en fait, cette opération mentale constitue une déduction, car elle ne tire de la donnée de départ que
ce qui est contenu.
D'ailleurs, quand ils parlent d'induction, les philosophes entendent toujours la forme d'induction que, lorsqu'on
l'oppose au processus mental dénommé induction complète, on qualifie d'incomplète ou d'amplifiante.
Cette induction, disait-on autrefois, consiste à « conclure du particulier au général » ou de quelques cas à tous les cas de la môme
espèce : mais la conclusion n'est pas obtenue par un raisonnement explicite dont le vice logique serait rendu trop apparent par cette
explicitation; elle relève de la pensée intuitive, de cette intuition divinatrice qui s'aventure au-delà du rigoureusement certain.
Aujourd'hui, cette conception est jugée inexacte et on revient à l'idée d'ARISTOTE pour lequel celui qui induit ne « conclut » pas, mais «
voit » dans un cas particulier le type de cas innombrables ou la loi qui les régit.
Or, « voir » c'est
procéder par intuition : non pas, dans ce cas, par cette intuition qui donne immédiatement l'objet,
mais par celle qui anticipe sur le donné immédiat.
On la qualifie couramment de « divinatrice », et
cet adjectif indique suffisamment qu'elle n'est pas exempte de risque d'erreur.
En quelque sens qu'on le prenne, le mot « induction » suggère donc : d'abord, connaissance
intuitive; ensuite, affirmation quelque peu conjecturale.
B.— La déduction.
Étant donné qu'il s'oppose à l'induction, le raisonnement déductif présente les caractéristiques
contraires : il n'est pas intuitif, mais la conclusion à laquelle il aboutit est rigoureusement certaine.
Sans doute, à l'analyser, on aboutit à un ensemble d'intuitions : c'est par intuition, pour reprendre
l'exemple donné, que je vois que huit tables de six convives font quarante-huit convives.
Mais ce
que je « vois », c'est la rectitude du calcul exprimé par le verbe « font » et non les quanrante-huit
convives eux-mêmes : la déduction consiste précisément dans ce calcul, rapprochant des données
intuitives différentes, elle fait apparaître une affirmation qui s'y trouve impliquée ou qui en résulte
nécessairement.
De cette nécessité il suit que la déduction exclut toute conjecture.
Les prémisses entraînent la
conclusion sans possibilité d'erreur : ce serait se contredire que de rejeter la conclusion après avoir
accepté les prémisses.
De ces remarques il résulte, non pas seulement que la déduction est la seule forme de
raisonnement rigoureux ou logique, mais encore qu'il n'y a pas d'autre raisonnement que la
déduction.
Le terme de « raisonnement inductif » est pour le moins impropre étant donné : d'une part, que, présentée sous forme de
raisonnement, l'induction ne constitue qu'un raisonnement incorrect; d'autre part, que la proposition inductive est obtenue par une sorte
d'intuition.
Quant au terme de « raisonnement déductif », il constitue un pléonasme; « déduction » est synonyme de « raisonnement »
et ne fait que suggérer un peu mieux le processus de celle opération.
Nous pouvons donc définir le raisonnement déductif ou le raisonnement tout court : une opération qui conclut de propositions données
d'autres propositions qui en découlent nécessairement..
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