Racine, dans les Préfaces d'Andromaque et de Britannicus, allègue le jugement d'Aristote sur « le héros d'une tragédie » : « Bien loin d'être parfait, il faut toujours qu'il ait quelque imperfection. » Dans quelle mesure Racine opposait-il ainsi ses trag
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Cette discussion sur le héros de la tragédie est une de celles qui reviennent le plus souvent chez ceux qui cherchent à établir les règles du théâtre. Le principe d'Aristote est d'ailleurs universellement accepté. Mais, comme pour le « vraisemblable », il y a bien des façons de l'interpréter. Corneille pensait que Rodrigue avait quelque imperfection parce qu'il avait un moment d'hésitation avant de provoquer le comte et parce qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'aimer aussi profondément Chimène ; qu'Auguste avait à faire un effort sur lui-même avant de se montrer clément, etc. Inversement, comment dire que certains personnages de Racine ont « quelque imperfection »; au moment où la tragédie les met en scène, ils sont toute imperfection ; ils sont la proie d'une passion aveugle, étouffant toutes les qualités ou vertus qu'ils ont pu avoir.
«
Racine, dans les Préfaces d'Andromaque et de Britannicus, allègue le jugement d'Aristote sur « le héros d'une
tragédie » : « Bien loin d'être parfait, il faut toujours qu'il ait quelque imperfection.
» Dans quelle mesure Racine
opposait-il ainsi ses tragédies aux tragédies cornéliennes ?
Cette discussion sur le héros de la tragédie est une de celles qui reviennent le plus souvent chez ceux qui
cherchent à établir les règles du théâtre.
Le principe d'Aristote est d'ailleurs universellement accepté.
Mais, comme
pour le « vraisemblable », il y a bien des façons de l'interpréter.
Corneille pensait que Rodrigue avait quelque
imperfection parce qu'il avait un moment d'hésitation avant de provoquer le comte et parce qu'il ne pouvait pas
s'empêcher d'aimer aussi profondément Chimène ; qu'Auguste avait à faire un effort sur lui-même avant de se
montrer clément, etc.
Inversement, comment dire que certains personnages de Racine ont « quelque imperfection »;
au moment où la tragédie les met en scène, ils sont toute imperfection ; ils sont la proie d'une passion aveugle,
étouffant toutes les qualités ou vertus qu'ils ont pu avoir.
C'est d'ailleurs ce que leur reprochaient les cornéliens en
leur opposant des héros chez qui dominaient jusqu'au bout les vertus d'énergie et de maîtrise de soi.
Le mot
imperfection prend donc un sens différent chez Corneille et chez Racine.
Toutefois on fausserait la signification du théâtre de Racine si on l'opposait constamment au théâtre de Corneille.
Il
y a eu chez Racine un certain flottement.
Comme il était naturel, Racine voulait plaire, réussir.
Il était sensible aux
reproches des partisans de Corneille qui ne désarmèrent jamais et qui lui reprochaient de n'exceller que dans le «
tendre », de ne jamais approcher le « sublime ».
Jusqu'au bout il a voulu prouver qu'il était capable de réussir dans
la tragédie grande comme dans la tragédie de passion; c'est pour cela qu'il a écrit la tragédie politique de
Britannicus, les tragédies d'Iphigénie et de Mithridate où le drame de l'ambition et de l'énergie politique tient autant
ou plus de place que le drame du sentiment.
C'est surtout à ces tragédies plus voisines de l'idéal cornélien que peut
s'appliquer le principe d'Aristote.
Agrippine a une énergie cornélienne, mais (comme tant de héros cornéliens) elle ne
recule pas devant le crime.
Agamemnon a toute l'énergie nécessaire pour être le « roi des rois », mais il consentira
pour cela au sacrifice de sa fille.
Mithridate est l'ennemi redouté des Romains, capable à lui seul de leur tenir tête ;
mais il a la faiblesse d'être amoureux et jaloux.
Tous restent d'ailleurs différents des héros cornéliens, parce que,
chez eux, l' « imperfection » est beaucoup plus grave; chez Corneille, après un semblant d'hésitation, l'énergie
balaye tout.
Chez Agamemnon, au contraire, chez Mithridate, la lutte est difficile et la victoire imparfaite.
L'explication sera donnée à la fois par le génie propre de Racine et par cette évolution des goûts et des mœurs que
nous avons étudiée.
Plan.
— Il se fait par analyse du mot imperfection et par une revue des pièces de Racine qui les divise en deux
groupes.
— I.
Sens du mot imperfection chez Corneille et chez Racine.
— II.
Pièces de Racine où les héros ne sont
qu'imperfection.
— III.
Pièces où sont mêlés le « grand » et l'imperfection.
— IV.
Explication..
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