Rabelais fait donner par Gargantua à Pantagruel une éducation encyclopédique : « J'y veux un abîme de science », tandis que Montaigne préfère « une tête bien faite à une tête bien pleine » Vous apprécierez brièvement ces deux systèmes opposés et vous dir
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«
Rabelais fait donner par Gargantua à Pantagruel une éducation encyclopédique : « J'y veux un abîme de
science », tandis que Montaigne préfère « une tête bien faite à une tête bien pleine » Vous apprécierez
brièvement ces deux systèmes opposés et vous direz ensuite quel vous paraît être l'idéal d'une bonne
éducation.
Rabelais et Montaigne, dans des oeuvres d'une conception bien différente, ont proclamé la nécessité de réformer les
méthodes d'éducation en usage à leur époque.
Ils s'accordent à reconnaître que « c'étaient de bien grands bêtes
que les régents du temps jadis ».
Toutefois, chacun d'eux prétend substituer à un enseignement qu'il déclare
suranné un programme particulier, en harmonie avec l'idéal qu'il entend réaliser chez son disciple.
La méthode
préconisée par Montaigne semble en réaction directe contre le plan d'études élaboré quelque 40 ans plus tôt par
Rabelais.
Quelle est la substance de ces deux programmes distincts ? Concevons-nous, actuellement, la possibilité
d'admettre sans réserve l'un d'entre eux?
I.
Exposé de la méthode de Rabelais
Sources à consulter.
— Le livre I de Rabelais (Gargantua, chap.
XIV, XV, XXI, XXIII et XXIV) relate les principales
phases de l'éducation donnée à Gargantua.
En outre, au livre II (le Ier de Pantagruel), Gargantua adresse à son fils
Pantagruel une lettre dans laquelle il lui soumet le détail d'un programme plus large et plus élevé.
C'est à ce
document surtout qu'il convient de se référer.
Enoncé du programme.
— Pantagruel devra s'appliquer surtout à l'étude des langues anciennes, « premièrement la
grecque, secondement la latine et puis l'hébraïque et la chaldaïque et arabique pareillement ».
Cette connaissance
de ce que nous appellerions aujourd'hui « les humanités » constitue pour Rabelais la base de l'éducation pour tout
homme bien né.
Vient ensuite l'étude de l'histoire, de la géographie, de la géométrie, arithmétique, musique, astronomie, astrologie
et enfin du droit civil dont Pantagruel doit « savoir par coeur les beaux textes ».
Quant aux sciences naturelles : géologie, botanique, zoologie, médecine, il les possédera toutes et à fond.
En
somme, son père entend « voir en lui un abîme de science ».
Mais à cela ne se bornera pas son éducation.
Il ne doit pas oublier, en effet, que le développement du corps a son
importance : il apprendra le maniement des armes, la gymnastique, l'équitation.
Enfin qu'il se souvienne de se perfectionner au point de vue moral, par la pratique de la charité, l'amour de Dieu et
de son prochain, car « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ».
II.
Exposé de la méthode de Montaigne.
Sources consulter.
--- A Montaigne, ce programme a paru trop encyclopédique et surtout d'une pratique trop
difficile.
C'est une méthode plus souple qu'il préconise, en divers passages de ses Essais et notamment dans le
chapitre « de l'Institution des Enfants », primitivement conçu comme un précis d'éducation à l'adresse de Mme Diane
de Foy, comtesse de Gurson.
Enoncé du programme.
— Le programme que trace Montaigne dans cette lettre s'inspire du but à atteindre.
Le
disciple sera formé à l'image du précepteur.
Or ce dernier, qui ne saurait se nommer Epistemon, doit avoir « la tête
bien faite plutôt que bien pleine ».
En effet, ce qui importe, pour la pratique de la vie, c'est d'être à même de se bien conduire, non « par science
purement livresque » mais par connaissance raisonnée.
La faculté à développer en premier lieu sera donc la raison.
Pour cela, le précepteur, renonçant aux exercices de pure mémoire, dont la pratique ne comporte pas de variante,
étudiera les dispositions particulières de son élève, le « laissant trotter devant lui pour juger de son train ».
Lorsqu'il
le connaîtra, bien loin de « l'abêtir par téméraire avidité de science », tout lui sera prétexte à le faire réfléchir.
L'enfant passera les connaissances acquises « par l'étamine » et n'admettra rien sur une foi aveugle dans les
enseignements d'autrui.
Il sera d'ailleurs incité sans cesse à réfléchir et à questionner, car on s'attachera à piquer sa curiosité.
Ainsi, la
majeure partie de son bagage scientifique et littéraire proviendra, non des livres, mais de leçons de choses
adroitement choisies.
Le corollaire de cette éducation « amusante » ce sera l'obligation de faire des voyages.
De la sorte, l'enfant
apprendra l'histoire et la géographie, mais en éliminant ce que ces connaissances peuvent avoir d'aride.
Il lira à
toute heure dans le « grand livre du monde », ce qui est encore une façon de s'initier aux sciences naturelles.
Ces déplacements contribueront en outre, à son développement physique.
Les fatigues et dangers du voyage
endurcissent le corps, et Montaigne, à l'exemple de Rabelais, a réservé une large place aux exercices physiques.
L'enfant doit s'entraîner de bonne heure à la lutte, au saut, à l'escrime, aux longues chevauchées.
Mais l'utilité la plus grande de « ce commerce des hommes », ce sera de parachever son éducation morale en lui
révélant le coeur humain.
On peut affirmer que Montaigne aurait souscrit sans réserve à cette affirmation de P.
Charron « La vraie science et la vraie élude de l'homme, c'est l'homme ».
Or « en se frottant et se limant la cervelle
contre celle d'autrui » l'enfant, qui doit apprendre « ses mouvements propres » avant ceux des astres et de la
huitième sphère, constatera qu'il règne par le monde une grande diversité d'opinions et de sentiments.
Il s'efforcera « de contrôler les grâces et façons d'un chacun », de faire le départ entre les pratiques bonnes et
mauvaises.
Et surtout il s'apercevra combien les opinions, en apparence les mieux assises, manquent souvent d'un
fondement réel..
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