Qui a peur de la liberté ?
Extrait du document
«
La liberté semble être un élément central, peut être l'élément le plus important de la modernité.
Tout le monde y
aspire.
Etre libre c'est être soi, faire et dire ce que l'on veut.
Il semble que ce n'est pas la liberté qui fait peur, mais
plutôt ce qui la contraint.
Peut-on alors dire que certaines personnes pourraient avoir peur de la liberté ? Si oui,
lesquelles ?
I) La liberté peut-elle faire peur ?
A) Tout le monde aspire à la liberté ; ceux qui ne sont pas libres veulent le devenir, et ceux qui le sont déjà en
désirent toujours plus ou du moins luttent pour qu'on ne leur en enlève pas une part.
La liberté semble être,
depuis Locke, la préoccupation centrale de la modernité en tant qu'elle a permis de fonder le libéralisme
politique, courant politique dominant en son sein.
[Locke, Second Traité du gouvernement civil]
B) Il semble donc impossible que cette notion centrale de la modernité, si désirable par tous puisse faire peur.
Comment en effet peut-on imaginer avoir peur de quelque chose que l'on désire, que tous désirent ? Ne doiton pas penser que nous désirons la liberté pour nous seuls, tout en craignant celle de l'autre ? Je ou autrui
avons peur de la liberté, dans le sens où elle n'est pas uniquement mienne, mais partagée par tous.
II) Qui la liberté d'autrui peut-elle mettre en péril ?
A)
La liberté semble pouvoir mettre en péril toute personne qui fonde son pouvoir sur une liberté absolue pour
elle-même.
En effet, la liberté n'est pas la licence ; elle ne peut pas être définie par le fait de vouloir faire
tout ce que je veux.
La liberté d'autrui borne la mienne afin que toutes puissent cohabiter.
Or pour un
dictateur ou un gourou, par exemple, il est préférable que leurs sujets ne soient pas libres afin qu'ils
n'entravent pas leur propre liberté.
[George Orwell, 1984]
B)
Le meilleur témoignage de la peur de la liberté d'autrui semble se trouver dans le droit pénal.
En effet, par
le biais du droit pénal et donc de la peine, nous privons certains individus de leur liberté.
En faisant ceci,
nous témoignons du fait que nous refusons que certains individus soient libres, en tant qu'ils mettent en
danger la société et ses membres.
Les tueurs, violeurs etc.
semblent devoir être privés de leur liberté parce
que non seulement ils s'en servent mal, mais aussi parce qu'ils mettent en danger celle des « honnêtes
gens ».
III) La liberté d'autrui est-elle la seule à pouvoir faire peur ?
A)
Ont peur de la liberté ceux qui la désirent toute entière pour eux-mêmes ainsi que la société qui doit veiller
à la cohabitation de ses membres ; celle-ci doit donc priver certains de leur liberté pour ne pas nuire à celle
des autres.
Nous pouvons avoir peur de la liberté d'autrui, mais pouvons-nous avoir peur de notre propre
liberté ? Il semblerait que non puisque c'est ce que nous la revendiquons en permanence.
Peut-être n'avonsnous pas peur de la liberté elle-même, mais plutôt de ce qu'elle induit, à savoir, la responsabilité.
Devant le
droit, je suis responsable de mes actes en tant que je suis libre de les commettre.
La peine est atténuée
voire annihilée quand l'individu a commis un acte sous la contrainte ou s'il n'était pas conscient au moment
des faits.
Ma liberté peut me faire peur dans le sens où ce que je fais ce que je choisis de faire et que rien
ne peut excuser un acte.
B)
Plus importante que la simple peur d'être responsable de ses actes et donc punissable pour tout acte
illégal, l'angoisse sartrienne.
Pour Sartre, l'homme est absolument libre.
La seule chose qu'il n'a pas décidé,
c'est sa condition d'homme libre.
Tout le reste est entre ses mains.
Chaque choix, chaque action va entrer
dans la définition de l'individu, définition dont il est le seul responsable.
Ces choix et actions ne peuvent donc
pas être faits à la légère et, par conséquent, une angoisse apparaît avec chacun d'eux.
Tout choix est
synonyme d'angoisse puisque tout choix participe de la définition de l'essence de l'individu qui les commet.
Chez Sartre, comme chez Heidegger, l'homme est toujours en projet ; son existence précède son essence ; il
existe avant d'être et sa liberté et ses choix d'homme libre vont lui permettre de se définir.
La liberté, en ce
sens peut faire peur, puisque chaque choix compte.
[Sartre, L'Existentialisme est un humanisme].
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