Qu'est-ce qu'un souvenir ?
Extrait du document
«
Le souvenir est rattaché à la faculté de la mémoire.
Qu'il s'agisse de garder le souvenir ou de le retrouver, la
mémoire est opposée à l'oubli, synonyme de perte et de destruction, mais aussi parfois de libération.
À l'ambivalence
de l'oubli correspond celle de la mémoire.
Survalorisée, elle est signe de puissance intellectuelle, comme en
témoignent les jeux de type Trivial Pursuit.
Mais elle est aussi un poids lourd à porter pour ceux qui s'enferment dans
leurs souvenirs et ne peuvent plus envisager l'avenir.
La mémoire est aujourd'hui un concept clé dans de nombreux
domaines : l'histoire, l'information, les ordinateurs, les traditions, etc.
Peut-on dégager cependant la spécificité du
souvenir et ainsi comprendre les différentes évaluations dont il fait l'objet ?
1.
DÉFINITION DU SOUVENIR
A - Souvenir, mémoire, oubli
De multiples phénomènes sont rapportés à la mémoire par opposition à l'oubli.
C'est en ce sens que tout acte de
conservation est appelé un « acte de mémoire » comme le stockage des informations dans un ordinateur, un musée,
ou une bibliothèque.
Mais l'activation sur écran d'une information mise en réserve est-elle un souvenir ? Il manque évidemment un
aspect essentiel du souvenir : un rapport au temps.
Tout ce qui n'est pas oublié n'est pas nécessairement l'objet
d'un souvenir.
Je peux avoir gardé en mémoire la définition du triangle sans que celle-ci ne constitue un souvenir,
car la définition du triangle n'est pas une réalité temporelle, susceptible d'être passée, présente où future.
B - Le redoublement du souvenir
Le souvenir comprend en fait plusieurs moments.
Il faut qu'il y ait eu une expérience passée, par exemple prendre
le thé avec sa tante.
Il faut ensuite que nous gardions trace de cet événement, puis qu'à une date ultérieure, nous
retrouvions cet événement.
Il s'agit d'un souvenir dans la mesure où son objet est passé.
Il se donne comme
évocation du passé alors même qu'il est présent à notre esprit.
Il y donc deux actes de souvenir dans le souvenir : un acte de conservation de la représentation de l'événement
passé, et un acte d'actualisation de cette représentation.
2.
SOUVENIR ET RAPPORT AU PASSE
A - Une conscience du temps
Le souvenir compris dans sa spécificité concentre l'expérience même du temps.
Sans mémoire, la conscience serait
purement ponctuelle ; elle vivrait dans un présent perpétuel.
Le souvenir correspond à une conscience du passé et
du présent.
Dans une expérience présente (la considération actuelle de notre souvenir) nous nous tournons vers le
passé tout en mesurant sa radicale différence avec le présent.
B - Reconnaître le passé et ouvrir l'avenir
Le redoublement du souvenir a mis en évidence le fait que tous nos souvenirs ne sont pas actualisés en même
temps, mais que certains restent à l'état latent ou inconscient, tandis que d'autres remontent à la surface de notre
conscience.
Il est éclairant de remarquer que le double sens du mot « mémoire » reflète l'ambivalence dont elle fait
l'objet.
La psychanalyse permet en effet de comprendre que la répétition de la souffrance est le résultat de l'état
inconscient du souvenir, tandis que le souvenir conscient, rappelé, correspond à un acte de guérison, de libération.
C'est parce qu'il n'est pas rappelé à la conscience que le souvenir hante le présent sous la forme du symptôme.
Il ne
passe pas.
En s'inspirant de ce traitement psychanalytique du souvenir, on peut donner sens à l'expression « devoir de
mémoire », employée notamment à propos de l'holocauste juif : il s'agit bien de passer d'une mémoire inconsciente à
l'assimilation consciente du passé comme passé.
Cette reconnaissance du souvenir permet de sortir de la menace de
la répétition pour ouvrir un avenir véritablement autre..
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