Qu'est-ce qu'un dialogue authentique ?
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Le dialogue philosophique se construit grâce à l’amour de la sagesse, le philosophe tient sa raison d’être de la recherche du vrai. Le but n’est pas de détenir à tout prix cette vérité, mais d’avancer, toujours plus loin, perpétuellement, dans sa recherche, à l’image du proverbe : « Le sage cherche la vérité tandis que l’imbécile l’a déjà trouvée ». Le philosophe se questionne sans cesse, sans penser détenir la vérité, et essayant d’en trouver une avec le reste du monde. Ce n’est pas une course à l’enjeu attirant, mais une inlassable quête du savoir, qui n’a pas de fin.
«
« Pour un véritable dialogue », clament les grévistes mécontents.
M ais peut-on appeler ça un véritable dialogue, quand deux opposants se
confrontent, tentent de se convaincre l'un l'autre, tout en campant sur leurs positions, convaincus du bien fondé de leurs opinions ? Un « dialogue »
de ce genre mène soit à une impasse soit à la soumission d'un des deux interlocuteurs.
Nous nous demanderons alors quelles conditions il faut réunir
pour qu'un dialogue soit véritable.
Le dialogue doit avant tout se baser sur une reconnaissance de son ignorance: pourquoi dialoguer si l'on est persuadé de détenir la vérité ? Il est
également essentiel que le dialogue soit abordée comme une association, il faut reconnaître que l'autre a des connaissances à nous apporter qui
peuvent nous amener à revoir notre jugement : il faut donc y être disposé.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que le dialogue véritable est une
recherche commune de la vérité, où l'on avance, ensemble, grâce à l'autre, et non pas sur l'autre en le soumettant à notre opinion.
Définissons d'abord ce qu'est un dialogue.
Il s'agit d'un échange dans lequel on est tout à tour récepteur et émetteur, ce qui permet la
communication, sur la base d'une prise en considération, d'un respect, des paroles de l'autre, qui aboutit à un enrichissement mutuel.
Précisons
également que le terme véritable définie ce qui est vraie, sincère, et qui n'en a pas que l'apparence, et que le terme conditions englobe les qualités,
les règles nécessaires à l'élaboration d'un dialogue.
Le problème posé est donc de définir quelles qualités doit détenir un dialogue, un échange intellectuel, pour être sincère et instructif.
Un véritable dialogue ne peut s'établir si l'on a affaire à des interlocuteurs qui sont persuadés d'avoir entièrement raison, car ils négligeraient
alors les connaissances que pourraient leur apporter l'autre.
Q uand on croit que l'on détient l'exclusivité de la vérité, et que son partenaire se trouve
dans l'ignorance ou dans l'erreur, on cherchera à le convaincre, mais pas à l'écouter et à échanger avec lui.
O n usera de la rhétorique pour faire
passer pour vrai à ses yeux ce qui est incomplet, on rusera pour donner à son discours l'apparence de la vérité, mais l'on y aura rien gagné.
Le
dialogue en ce sens n'apparaîtrait alors que comme une joute oratoire où le vainqueur est celui qui soumet l'autre à son idée.
Or le dialogue n'est pas un combat, mais une alliance.
Il est donc nécessaire pour chacun des protagonistes de reconnaître s e s défauts, ses
faiblesses, s e s manques.
C e n'est qu'ainsi que l'on peut admettre et accepter son besoin de l'autre : si l'on nie le fait que notre théorie est
insuffisante, on n'acceptera pas que quelqu'un puisse nous aider à la compléter.
Le dialogue est avant tout suscité par un manque : celui d'une
connaissance autre qui achèverait la nôtre.
Les deux interlocuteurs ont tout deux des éléments nécessaires à la découverte d'une réponse à leur
question, mais s'ils refusent de les partager, et se bornent à leurs faibles théories incomplètes, ils ne peuvent aboutir à rien.
Mais ensemble, ils deviennent des alliés, ils se complètent et élaborent en commun une théorie supérieure à leurs pensées premières.
Rappelons la
célèbre phrase de Socrate « Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien » : le « je » se rapporte bien ici à une personne seule, un individu
distinct, mais « nous », à deux, ensemble, nous pouvons accéder au savoir.
Et cette coalition ne peut voir le jour que si deux « je », deux individus
séparés, reconnaissent la nécessité de dialoguer pour découvrir la vérité.
Et la force du dialogue, sa véracité, réside en premier lieu dans cette
faculté des deux interlocuteurs à s'associer pour grandir.
S'il est dur de reconnaître ses lacunes, il ne faut pas pour autant sombrer dans la soumission : un rapport d'égalité est nécessaire entre les
interlocuteurs.
Le dialogue s'oppose en effet au rapport de domination puisqu'il suppose un besoin mutuel.
Il ne faut donc ni imposer ses idées comme les
seuls valables, ni céder aux autres en pliant sous les arguments, sinon l'échange serait inutile, car on laisserait de côté la moitié des connaissances
nécessaires à l'accomplissement du dialogue.
On pense avec autrui, on ne pense pas pour autrui, ou par autrui.
L'idée se construit ensemble, on ne la
construit pas sur le sacrifice de l'opinion adverse.
Un respect de ce qui peut sembler étrange au premier abord est nécessaire pour apprendre et
comprendre : si l'on refuse une opinion avant même de se l'être fait présentée et développée, on l'aura fait arbitrairement, sans aucun moyen de
l'apprécier en tant que telle.
Et si l'on abdique, il faut le faire de sa propre volonté, parce qu'on a compris et qu'on reconnaît son erreur, et non par servitude.
Réfuter n'est pas ici
avoir raison de l'autre, ni triompher de l'interlocuteur en ayant réussi à défendre son opinion ; mais c'est au contraire participer à son avancée, l'aider
à construire une réflexion à laquelle on prend part.
C 'est également se prévenir soi-même de l'erreur : en identifiant ce qui est faux dans les thèses,
on progresse dans la construction de bases de plus en plus solides.
Il faut donc se laisser interpeller, critiquer et questionner par l'autre, car cela permet de prendre conscience des faiblesses de son raisonnement, et
de chercher de meilleures théories.
A lors que si l'on se conforte dans le bien fondée de notre opinion, nous perdons toute distance et nous enfermons
dans une vision subjective et limitée de la réalité.
Le véritable dialogue aboutit à une combinaison de théories que leurs créateurs ont associées en les affinant, en les revoyant avec soin : c'est un
travail commun long et difficile, qui n'a rien à voir avec une lutte à mort, comme semble parfois l'être les débats présidentielles, où les adversaires ne
cherchent qu'à se terrasser pour mieux prouver leur supériorité.
A u contraire, le dialogue ne peut exister que si l'on accepte sa propre infériorité.
Le dialogue est une alliance puissante et nécessaire de deux avis divergents, mais c'est aussi et surtout une quête de la vérité, qui participe à la
progression et l'enrichissement des deux protagonistes.
Le dialogue philosophique se construit grâce à l'amour de la sagesse, le philosophe tient sa raison d'être de la recherche du vrai.
Le but n'est
pas de détenir à tout prix cette vérité, mais d'avancer, toujours plus loin, perpétuellement, dans sa recherche, à l'image du proverbe : « Le sage
cherche la vérité tandis que l'imbécile l'a déjà trouvée ».
Le philosophe se questionne sans cesse, sans penser détenir la vérité, et essayant d'en
trouver une avec le reste du monde.
C e n'est pas une course à l'enjeu attirant, mais une inlassable quête du savoir, qui n'a pas de fin.
Il n'y a donc ni oppression ni soumission entre les deux interlocuteurs, mais communion et échange, et ce afin de toujours progresser.
Le dialogue est
une libération, qui nous délivre de l'ignorance, puis de l'opinion, pour nous conduire, à la science, celle des Idées du monde Intelligible de Platon ; ce
qui explique la place majeure du dialogue philosophique au sein de la théorie platonicienne, dont l'œuvre se présente exclusivement sous la forme de
dialogue.
Bien que le dialogue intérieur soit toujours possible, le véritable dialogue entre deux personnes est le principal facteur de découvertes.
Car, comme
l'a dit A imée Forest, « C 'est dans le dialogue que les idées se forment, plus encore qu'elles ne se communiquent.
», en effet, tout comme le langage
construit la pensée, le dialogue élabore l'idée.
Et Socrate, dans ses multiples dialogues, amène de cette façon ses interlocuteurs à réfléchir de
manière rationnelle, les mettant ainsi devant leurs propres contradictions et leur permettant de trouver des réponses : « De même que sa mère
accouchait les corps, lui accouchait les esprits », disait-il à cet effet.
Les conditions à la véracité d'un dialogue sont donc surtout du domaine du respect de la connaissance et de l'autre.
Un véritable dialogue est
un moment de plaisir et de partage, et pas un affrontement, et cela n'est possible que si les deux interlocuteurs se montrent humbles, à l'écoute,
avides d'apprendre et respectueux ainsi que reconnaissants l'un envers l'autre..
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