Qu'est-ce qu'un acte moral ?
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Qu'est-ce qu'un acte moral ?
introduction.
— On peut considérer la morale comme une théorie des actes moraux ou encore comme la discipline qui a pour rôle de
fonder et d e déterminer les normes d e l'activité morale.
Mais que faut-il entendre par « acte moral » ? En précisant cette notion
élémentaire, nous serons amenés à toucher aux problèmes fondamentaux de la morale.
Il ne sera pas inutile de nous arrêter tout d'abord, bien qu'il puisse paraître ne pas avoir besoin d'explication, au substantif : acte » :
qu'est-ce qu'un acte ?
Un acte est autre chose qu'un simple fait ou un événement.
On parle d'un fait physique, soit général comme la pesanteur, soit singulier,
comme une avalanche qui a coupé les communications téléphoniques ; de faits sociaux comme la dépopulation ou la désertion des
campagnes : ces « faits » ne sont pas des « actes », bien que, comme dans le cas du fait social, ils puissent résulter d'actes.
Un acte est un fait ou un événement dû à l'intervention d'un être conscient et libre : on attribue des actes à l'homme, mais non aux
animaux.
Pris absolument, le mot « acte » est synonyme d'acte volontaire et désigne l'accomplissement d'une volition.
Parfois, il est vrai, ce mot est accompagné d'un qualificatif qui exclut du fait considéré toute intervention de la volonté : ainsi, on parle
d'actes réflexes ou automatiques, instinctifs ou involontaires.
Mais ces actes sont attribués à un homme, jamais à des choses : c'est par l'
« action » des poids que les aiguilles de l'horloge avancent sur le cadran et que les marteaux sonnent les heures ; ces « actions » ne sont
pas des « actes ».
« Acte » est donc l'équivalent d' « action humaine », c'est-à-dire d'action d'un être susceptible de qualification morale.
Qu'ajoute donc à la notion d' « acte » le qualificatif « moral » ? — Cet adjectif est pris dans deux acceptions assez diverses.
Il s'oppose
parfois à « physique » et équivaut à « psychologique » : c'est ainsi qu'on peut dire que la psychologie a pour objet l'étude de l'homme
moral et, avant que se généralise le terme de « sciences humaines », on appelait « sciences morales » les sciences de faits dans lesquels
intervient le psychisme humain.
Mais plus souvent « moral » se distingue de « psychique », comme dans les termes « consciencepsychologique » et « conscience morale » : dans cette acception est « moral » ce qui est susceptible d'une appréciation par rapport à la
norme idéale de l'activité humaine.
Dans « acte moral », l'épithète pourrait être prise au premier de ces deux sens : on dirait alors, par exemple, que la marche ou le travail
du forgeron sont des actes physiques, tandis que la réflexion et les mouvements intérieurs de sympathie ou de colère sont des actes
moraux.
Mais cette acception est vieillie et n'a jamais été bien usuelle.
Ne peut guère être dit « moral » qu'un acte réalisant les conditions nécessaires pour qu'il puisse être qualifié du point de vue d e la
moralité, c'est-à-dire déclaré bon ou mauvais.
Dans ce sens, un acte mauvais aussi bien qu'un acte bon peuvent être qualifiés de moraux.
Mais il est beaucoup plus usuel d'identifier « acte moral » et « acte bon », l'acte mauvais étant qualifié « immoral », c'est-à-dire contraire à
l'idéal moral.
Entre les deux se situe l'acte
« amoral », qui n'est ni bon ni mauvais, parce qu'il lui manque quelque condition essentielle à la qualification morale.
A quelles conditions un acte peut-il être qualifié moralement ? — Il en est d'abord de psychologiques sans lesquelles il n'y a pas d'acte
humain susceptible de prendre, du point de vue de la moralité, une valeur positive ou négative.
Il en est ensuite de proprement morales
qui lui donnent effectivement une valeur, positive ou négative, c'est-à-dire le rendent bon ou mauvais.
Un acte moral est d'abord un acte humain, c'est-à-dire impliquant conscience, réflexion et liberté.
Les gestes que j'exécute sans y penser
sont des actes, car ils sont le fait d'un être pensant ; mais on ne peut pas voir en eux des actes humains ; si je leur attribue ce
qualificatif, c'est que je les considère, non pas en eux-mêmes, mais dans l'opération complexe dont ils font partie et qui, elle, est
proprement humaine : qu'on songe aux gestes d e l'orateur ou aux mouvements automatiques de celui qui exécute une décision
mûrement réfléchie, tel un voyage.
Considéré en lui-même, un acte automatique, comme celui du fumeur qui roule une cigarette, ou un
acte dont nous ne s o m m e s pas les maîtres, comme les cris poussés sous le coup d'une émotion incoercible, ne sont pas des actes
humains.
Les scolastiques les appelaient des « actes de l'homme » (« actus hominis »).
Un acte humain devient moral, c'est-à-dire susceptible d e jugement de valeur du point d e vue d e la moralité, s'il se rapproche ou
s'éloigne du type idéal de la conduite humaine...
Théoriquement du moins, il est des actes sans rapport avec cet idéal et qui cependant
peuvent être exécutés avec conscience, réflexion et liberté, et par suite constituent des actes humains.
Ils deviennent des actes moraux
s'ils constituent une démarche par rapport à l'idéal de la conduite humaine : le rangement de ma chambre, par exemple, qui est amoral
si je ne cherche que ma commodité ou s'il n'est déterminé que par la manie du changement, devient un acte moralement bon s'il est
inspiré par l'amour de l'ordre.
Notre élucidation de la notion d' « acte moral » serait incomplète si nous ne répondions pas à une dernière question : quels sont les
éléments constitutifs de l'acte moralement bon ? En d'autres termes, à quelles conditions un acte humain prend-il une valeur morale
positive ? Les moralistes distinguent dans l'acte moral deux points de vue : la matière et la forme.
La matière est constituée par l'acte même que l'on accomplit ou plutôt que l'on projette et que l'on croit accomplir ; pour le moraliste, en
effet, celui qui a résolu de tuer son ennemi, mais qui manque son coup parce que son arme s'est enrayée, est coupable d'homicide,
tandis que la mort d'un ami qu'il aurait tué sans le vouloir au cours d'une partie de chasse ne lui serait pas imputable.
Pour que l'acte soit
moral, sa matière, c'est-à-dire ce qu'on exécute ou pense exécuter, doit être bonne, c'est-à-dire conforme à l'ordre rationnel : il est
déraisonnable, par exemple, et par conséquent mauvais, de sacrifier la vie de l'esprit aux plaisirs des sens ou l'intérêt général à l'intérêt
personnel.
Mais un acte bon en lui-même ou matériellement peut être détourné de sa fin morale par le but que se propose l'agent.
Ainsi, il est bon
d'être aimable et serviable ; mais si cette amabilité et cette serviabilité ne visent qu'aux avantages qu'on espère, elles sont amorales ; il
faudrait même les qualifier d'immorales si on cherchait par là à obtenir un passe-droit qui ne pourrait être obtenu sans un manquement
au devoir professionnel.
Ainsi, ni ce que l'on fait ou croit faire, ni le but de l'action, ne suffisent à constituer un acte moralement bon.
Il ne suffit pas qu'un acte
soit bon en lui-même pour qu'on puisse le poser en vue de n'importe quelle fin.
Inversement, la fin ne suffit pas à justifier les moyens.
Et
la fin, c'est-à-dire la forme, et les moyens, c'est-à-dire la matière de l'acte, doivent être moralement bons.
Ne pourrait-on pas dire cependant que la bonté morale de l'acte dépend uniquement de l'intention ? Nous avons évité ce terme à cause
de son amphibologie, à la faveur de laquelle on peut en apparence ramener à l'unité deux éléments essentiellement distincts.
Souvent,
en effet, on entend par « intention » l'acte voulu, c'est-à-dire sa matière ; ainsi, le chasseur cause d'un accident mortel déclarera avec
raison qu'il n'avait pas l'intention de tuer son compagnon de chasse ; il veut signifier par là qu'au moment où il a tiré, c'est le gibier et
non un homme qu'il croyait avoir devant lui.
Mais ce mot désigne aussi le but dans lequel on agit : ainsi, je puis faire une libéralité.
dans
l'intention, c'est-à-dire dans le but de me rendre populaire.
On le voit, si l'intention suffit à constituer la moralité d'un acte c'est que ce
mot est pris dans deux acceptions différentes.
Il est donc plus clair de reconnaître à l'acte moral les deux conditions que les moralistes
appellent la matière et la forme.
Conclusion.
— En somme, la moralité consiste dans l'attitude de la volonté à l'égard du bien.
Mais le bien ne peut être atteint que par des
actes concrets et par là même limités et déterminés.
Ces actes, c'est la matière.
Le bien lui-même, c'est la forme qui donne un sens à
cette activité.
Aussi pourrait-on dire d'un mot que l'acte moral consiste dans une démarche vers le bien..
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