Qu'est-ce que l'illusion ?
Extrait du document
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Introduction
Au regard de notre rapport spontané de confiance avec le réel, l'illusion apparait comme une déstabilisation, une
situation de crise.
Comment se repérer, se fier à ce qu'on voit et pense alors que les apparences se révèlent
trompeuses ? Quel critère de vérité peut-on alors trouver ? Étymologiquement, l'illusion, c'est ce qui se joue de
nous ; elle nous effraie parce qu'elle nous trompe.
Pourtant, à trop vouloir s'en débarrasser, ne perd on pas une
certaine fonction positive de l'illusion ? Ne peut-on pas supposer qu'entre la fuite et l'abandon, il existe une
troisième voie, celle qui consisterait à en démonter le mécanisme ? L'illusion nous montre-t-elle les limites de notre
connaissance et de notre rapport au monde, ou en est-elle le point de départ, le fondement, l'impulsion initiale qui
nous amène à dépasser la confiance spontanée dans le réel ?
I.
Spécificité et origine de l'illusion.
A.
Tout d'abord, il convient de distinguer l'illusion et l'erreur : Kant, dans « l'introduction à la dialectique
transcendantale », section de la Critique de la raison pure, distingue
l'apparence logique et l'apparence transcendantale.
L'apparence logique n'est
qu'un « défaut d'attention aux règles de la logiques », il suffit donc d'être
attentif pour corriger l'erreur, tandis que l'illusion, par définition, ne disparait
pas avec l'attention, elle résiste.
On ne saurait par exemple rien faire pour
que la mer ne nous apparaisse pas plus élevée à l'horizon qu'auprès du rivage.
Même si l'on sait que son niveau est le même en tout point, on continue de
voir l'horizon en hauteur.
L'illusion n'est donc pas due à un problème de
connaissance, puisque les sens eux-mêmes nous présentent la mer comme
plus élevée.
L'illusion est irréductible, tandis que l'erreur peut être annulée.
B.
Pourtant, l'illusion n'est pas non plus l'hallucination, puisqu'une
apparence n'est ni vraie ni fausse, mais elle est trompeuse ou non trompeuse,
elle correspond ou non à la réalité.
Lorsque nous voyons le soleil tourner
autour de la terre, l'apparence n'est pas fausse, c'est notre discours résultant
d'une illusion d'optique qui est faux.
L'illusion, contrairement à l'hallucination
ne nous sépare donc pas de la réalité.
Freud, au chapitre 6 de l'Avenir d'une
illusion distingue entre l'illusion et l'idée délirante ou hallucination.
L'illusion
renvoie à un possible qui n'est pas nécessairement faux ou en contradiction
avec la réalité.
En effet, imaginer que le soleil tourne autour de la terre n'est
pas en contradiction avec ce nous voyons.
Par contre, dans l'hallucination,
nous percevons ou imaginons quelque chose de radicalement contradictoire :
voir une oasis dans le désert alors qu'il n'y en a pas, c'est vraiment être en
rupture avec le monde réel.
L'idée délirante est essentiellement - nous soulignons ce caractère - en contradiction avec la réalité ;
l'illusion n'est pas nécessairement fausse, c'est-à-dire irréalisable ou en contradiction avec la réalité.
Une
jeune fille de condition modeste peut par exemple se créer l'illusion qu'un prince va venir la chercher pour
l'épouser.
Or ceci est possible ; quelques cas de ce genre se sont réellement présentés.
[...] Ainsi nous
appelons illusion une croyance quand, dans la motivation de celle-ci, la réalisation d'un désir est
prévalente, et nous ne tenons pas compte, ce faisant, des rapports de cette croyance à la réalité, tout
comme l'illusion elle-même renonce à être confirmée par le réel.
L'illusion est un obstacle à la connaissance d'autant plus dangereux, que sa caractéristique essentielle est de
court-circuiter le jugement à l'insu de la conscience.
Elle constitue une intrusion de l'affectivité dans le champ de la
raison.
Problématique.
L'illusion ne peut se confondre avec l'erreur.
L'erreur n'est que la conséquence d'une défaillance de la raison, alors
que dans l'illusion la part de l'affectivité est prépondérante.
L'illusion n'est pas toujours erronée, même si la croyance
qu'elle suppose n'a pas été élaborée par la raison : certaines illusions peuvent même correspondre à la réalité.
Enjeux.
La distinction entre illusion et idée délirante est pertinente pour comprendre ce qui distingue le psychisme perturbé
du psychisme "normal".
S'il est normal d'avoir des illusions, dans la mesure où on peut y voir une sorte de ruse
créatrice de l'affectivité, l'idée délirante s'en distingue par son caractère nettement exagéré.
L'idée obsessionnelle,
la bouffée délirante peuvent s'avérer extrêmement dangereuses pour l'individu et pour son entourage, dans la
mesure où elles peuvent être le signe d'une psychose..
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