Qu'est-ce que l'expérience ?
Extrait du document
«
• définitions de l'Expérience
L'expérience consiste en ceci : j'éprouve quelque chose, et cette sensation non durable transforme ma pensée.
Donc le sens plus précis d'expérience porte sur toutes les modifications et sur tous les progrès ressentis.
Enfin on
oppose, dans l'usage courant, l'expérience à la mémoire ou à la raison.
Et on constate que l'expérience propose une
technique et des connaissances.
Car on admet par ce terme l'idée de provoquer, dans certaines conditions,
l'apparition de certains phénomènes.
L'observation, en effet, prépare l'expérience.
Et très vite les sciences
expérimentales habituent notre esprit à cette réussite concrète.
Les philosophes insistent sur : « Si toute connaissance débute avec l'expérience, cela ne prouve pas qu'elle dérive
toute de l'expérience ».
Car la réflexion de Kant voudrait mettre en garde le chercheur contre tous les pièges
possibles de la nature, de la fantaisie et de l'imagination.
Et l'expérience est décrite par les mots de Alquié : le
donné de l'expérience, le fait ou l'idée est « l'objet d'une constatation pure à l'exclusion de toute fabrication, de
toute opération, de toute construction de l'esprit ».
Nous apprenons quelque chose grâce aux épreuves de l'échec
et de la douleur, et peu à peu s'exerce la raison.
• Expérience et imagination
Si mon esprit s'intéresse à quelque chose et requiert l'expérience, c'est en général que j'ai été étonné, contrarié et
surpris.
L'expérience constitue la base même d'un discours qui paraît nécessaire pour que j'arrive à m'expliquer ce qui
m'entoure.
Ce discours de l'esprit est-il si impérieux, puisque Durkheim déclarait : « Au lieu de décrire les choses, de
les analyser, nous nous contentons alors de prendre conscience de nos idées, de les combiner...
la science va des
idées aux choses, non des choses aux idées.
»
• Expérience et séduction
Notre pensée s'organise à la moindre expérience.
Et notre séduction est totale.
Bien sûr, la méthode objective prend
le contrepied de la sensibilité.
Car, avec Bachelard, nous avons appris à nous méfier des trois dangers les plus
terribles : la sensation, le sens commun et la pratique.
Si l'on étudie les systèmes de référence utilisés par Copernic
ou Einstein, nous découvrons combien la rupture épistémologique fut lente et difficile.
Car la pratique la plus
habituelle confortait les savants de l'époque.
Il faut donc apprendre à former l'esprit scientifique.
• Esprit scientifique : méthode d'apprentissage
On ne peut progresser du côté de la matière et du réel.
Il faut donc s'orienter du côté de l'esprit.
Là d'abord, nous
vérifions la paresse, l'inertie, souvent même proche de la régression.
Nos connaissances acquises installent en nous
un système d'habitudes et de réflexes et nous avons constitué des séries de savoirs qui peuvent bloquer tous les
obstacles à vaincre.
Donc, il s'agit de liquider cette mémoire, de trouver cette « table rase », cette innocence.
Bachelard déclare : « Accéder à la science, c'est spirituellement rajeunir; c'est accepter une mutation brusque qui
doit contredire un passé ».
L'esprit scientifique est là même où il perçoit que l'expérience, la pensée et l'organisation n'offrent aucune continuité
et donc que tout est étrange.
Ainsi l'objectivité ne s'acquiert que si nous dépouillons tous les aspects sensibles et
que nous restons sur deux notions distinctes : le réel concret, le réel objectif.
• L'expérience pour le raisonnement
Les faits et les connaissances nous renvoient à des logiques.
Ainsi nous avons des faits bruts et Russell les compare
aux renseignements portés sur les passeports.
Notre référence, par exemple à l'histoire, se heurte très vite à des
difficultés insurmontables.
Ainsi que penser des preuves sur l'existence de Napoléon, est-il possible d'en parler
comme d'un fait simple ? Toutes nos expériences physiques relèvent de la même complexité.
Russell, pour expliquer
le soleil et les rayonnements, traduit l'expérience en termes précis : « Quelque chose a franchi les quatre vingt
treize millions de milles qui nous séparent du Soleil, pour produire un effet sur notre rétine, sur notre nerf optique et
sur le cerveau.
»
• Deux types d'expérience
Le sens commun, façon un peu banale d'expérimenter, n'apporte pas grand chose.
Mais ce réel concret n'excède
pas un champ d'observation énorme.
En revanche, celui que Russell appelle « inférence », permet un vrai progrès.
Car « ce qui caractérise le progrès de
la Science, c'est que les données deviennent de moins en moins nombreuses, et les inférences ( = raisonnement )
de plus en plus nombreuses.
L'homme ordinaire pense que la matière est solide, mais le physicien pense qu'elle est
une onde faite de probabilités et n'aboutissant à rien.
».
»
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