Qu'est-ce que la routine ? Quelle influence exerce-t-elle sur la vie individuelle et sur la vie sociale ?
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Qu'est-ce que la routine ? Quelle influence exerce-t-elle sur la vie individuelle et sur la vie sociale ?
INTRODUCTION.
— L'homme est fier de son intelligence qui lui permet de créer, d'inventer, de s'adapter.
Mais, en
réalité, une petite fraction de son activité seulement est dirigée par l'intelligence.
Dans la plupart de ses actes
interviennent des mécanismes tout montés; bien plus, quelques-uns d'entre eux sont complètement automatiques.
Parmi ces derniers se classent les routines.
Que faut-il entendre exactement par une routine et quelle influence la routine exerce-t-elle sur la vie individuelle et
sur la vie sociale ?
I.
- QU'EST-CE QUE LA ROUTINE ?
Le mot routine, diminutif de route, désignait primitivement un de ces sentiers qui n'ont jamais été tracés
délibérément, mais qui se sont formés comme d'eux-mêmes par le passage répété des piétons, et qu'on emprunte
ensuite automatiquement, parce qu'ils sont ainsi tracés.
Ce retour à l'origine du mot routine nous fait déjà entrevoir
les caractères distinctifs de la routine, de la routine individuelle comme de la routine sociale.
A.
La routine individuelle.
— a) Chez l'individu, la routine est un genre d'habitude.
Habitude et routine, en effet,
présentent les mêmes traits essentiels : toutes deux ont la même origine : elles s'acquièrent par la répétition des
mêmes actes; elles ont des effets analogues : elles dispensent de l'attention et de la réflexion; elles diminuent la
conscience et le besoin d'effort.
b) Néanmoins, il y a de notables différences entre l'habitude et la routine et on ne saurait employer régulièrement
ces deux mots comme synonymes.
Tout d'abord, routine ne se dit que des habitudes actives, c'est-à-dire consistant dans des savoir-faire, dans des
façons d'agir.
Ce mot ne peut pas désigner des habitudes passives consistant dans un besoin acquis par la
répétition ou dans une accoutumance.
Ainsi, on parlera de la routine du gardien d'un monument public, qui ouvre et
ferme les portes à la même heure et dans le même ordre.
On n'attribuera pas à la routine l'impossibilité de se passer
de tabac ou l'insensibilité au froid.
Ensuite, toute habitude active n'est pas une routine.
Le terme de routine implique une absence à peu près complète
d'intelligence et de volonté.
Au contraire, il n'y a pas incompatibilité entre l'habitude et l'activité réfléchie.
En premier lieu, si l'habitude s'acquiert par répétition, cette répétition peut être méthodique, par conséquent
intelligente et volontaire.
Il n'en est pas de même de la routine qui se forme d'elle-même, sans qu'on l'ait voulu et
même sans qu'on ait eu conscience de sa formation.
Aussi attribuera-t-on à l'habitude et non à la routine l'aisance
et la rapidité de la dactylo, la facilité avec laquelle nous écrivons ou lisons.
Au contraire, on parlera de la routine
paysanne : le jeune paysan qui a reproduit sans les discuter les gestes de son père et pratique sans songer à mieux
les procédés de culture traditionnels dans son village est conduit par la routine.
En second lieu, si le mouvement habituel est automatique, il reste.
sous le contrôle de l'intelligence qui l'adapte aux
circonstances et veille à son exécution.
Aussi, l'exercice d'une habitude la développe et a pour résultat un progrès.
Ainsi, la dactylo exerce une certaine surveillance sur les mouvements de ses doigts; aussi acquiert-elle toujours plus
de rapidité et plus d'aisance.
Dans l'acte routinier, au contraire, il n'y a pas de contrôle de l'esprit : les actes se
suivent en vertu de la répétition seule et non par un choix implicite de l'esprit; ils deviennent plus aisés, mais non
pas plus habiles.
B.
La routine collective.
— Si l'individu contracte si facilement un grand nombre de routines, c'est qu'il vit dans un
milieu routinier : ses routines personnelles sont associées à des routines sociales.
a) La routine sociale est une forme particulière de la coutume : toutes deux consistent en des manières générales
d'agir ou de se comporter.
Mais la routine sociale est une forme inférieure de la coutume : elle est une coutume
inconsciente d'elle-même et par là même exclusive et asservissante.
Celui qui se conforme à la coutume sait très
bien qu'on pourrait agir différemment; il agit même différemment suivant le milieu dans lequel il se trouve : on
change de costume — le costume est la coutume dans la manière de s'habiller — quand on quitte un salon pour le
laboratoire, la caserne ou même la campagne, et avec le costume on dépose un comportement particulier pour en
revêtir un nouveau.
Au contraire, celui qui suit sa routine ne pense pas qu'il puisse procéder différemment; ses
habitudes routinières persistent même lorsque les circonstances ont changé : ainsi, s'il est routinier, l'employé
retraité conserve les manies contractées durant sa vie de bureau et s'adapte difficilement au rythme de sa nouvelle
existence.
b) La routine sociale est encore plus au-dessous de la tradition.
La tradition est une coutume, mais une coutume
qu'on a conscience de tenir de ses ancêtres et à laquelle on est fidèle par attachement à ceux dont on descend.
Rien d'analogue dans la routine, encore plus vide d'affectivité que de conscience.
Ainsi, la routine se présente comme une forme inférieure de l'habitude, soit de l'habitude individuelle, soit de
l'habitude sociale ou coutume.
II.
- INFLUENCE DE LA ROUTINE.
Ces comparaisons faites et la nature de la routine précisée, il sera facile de déterminer son influence sur la vie
individuelle et sur la vie sociale..
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