qu'est-ce que la morale indépendante ?
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«
PLAN
I.
— La plupart des philosophes ont fait reposer les préceptes obligatoires de la morale sur la métaphysique (P laton, A ristote, les Stoïciens, Descartes,
Leibniz, Spinoza).
Kant, au contraire, prétend que fonder la morale sur la métaphysique, c'est nous enlever l'autonomie.
P our lui, la volonté humaine trouve
en elle-même sa fin et sa loi ; les préceptes de la morale sont conçus a priori, et la morale doit être indépendante.
A)
Savoir où est son devoir est à la portée de tous.
Kant affirme qu'on n'a besoin d'aucune science ni d'aucune philosophie pour savoir ce que l'on doit faire.
Savoir où est son devoir est « à la portée de
tout homme, même le plus ordinaire ».
ce dernier, d'ailleurs, y parvient plus sûrement encore que le philosophe, car il ne risque pas de se laisser égarer
par des subtilités étrangères au devoir : « Pour ce que j'ai à faire afin que ma volonté soit moralement bonne, je n'ai pas besoin d'une subtilité poussée
très loin.
Sans expérience quant au cours du monde, incapable de parer à tous les événements qui s'y produisent, il suffit que je demande : peux-tu vouloir
aussi que ta maxime devienne une loi universelle ? ».
Chacun de nous n'a-t-il pas, en effet, fait l'expérience d'un conflit entre ses aspirations naturelles et
sa conscience qui l'oblige catégoriquement à satisfaire à d'autres exigences ? Que révèle une telle expérience, sinon que « tout homme trouve en sa raison
l'Idée du devoir et tremble en entendant sa voix d'airain quand s'agitent en lui des penchants qui cherchent à le faire désobéir à cette voix » ? Quiconque
est persuadé, en entendant cette voix, que ce que sa raison lui prescrit devrait prévaloir sur tout, et que sa volonté en est aussi, par conséquent capable.
En revanche, si un homme se demande : qu'est-ce qui en moi fait que je peux renoncer à mes désirs les plus forts et obéir à cette voix qui ne me promet à la
place aucun avantage et qui ne me menace d'aucun dommage si je lui désobéis ? Cette question, dit Kant, « ébranle l'âme tout entière par l'étonnement
sur la grandeur et la sublimité des dispositions intérieures présentes dans l'humanité et en même temps par l'impénétrabilité du mystère qu'elle recouvre...
On ne peut se rassasier de diriger son regard dans cette direction et d'admirer en soi-même une puissance qui ne recule devant aucune puissance de la
nature.
» (« Sur un ton supérieur pris en philosophie »).
B)
L'impératif catégorique.
Demanderais-je pourquoi « je dois », je ramènerais alors l'obligation morale à une obligation conditionnelle qui ne
vaudrait que relativement à autre chose de posé.
Kant ne peut admettre que le devoir puisse être déterminé par des
conditions empiriques.
Le devoir a sa source dans la raison et se définit, en dehors de tout rapport à des mobiles sensibles ou à des situations particulières.
I l prend la forme d'une loi rationnelle.
D'une part, cette loi s'impose au sujet comme une obligation absolue, cad impérieuse et inconditionnelle.
Elle
constitue donc un impératif catégorique qui se distingue des impératifs hypothétiques de l'habileté et de la prudence.
D'autre part, dans sa forme, elle se
réduit à un pur jugement : « tu dois », indépendamment de ce sur quoi elle porte.
La loi ne peut, en effet, être catégorique que dans la mesure où elle reste
libre de tout contenu.
A insi donc, la raison ne nous prescrit aucune obligation concrète du type : « Dans tel cas, tu dois faire ceci ».
M ais elle nous prescrit d'obéir aux règles qui
peuvent, sans contradiction, prendre la forme d'une loi universelle.
O n peut, par conséquent, dire qu'il n'y a qu'une seule formule du devoir : « A g i s
uniquement d'après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle.
» (« Fondements de la métaphysique des
moeurs »).
Par maxime il faut entendre le principe subjectif du vouloir, cad celui qui détermine intérieurement la volonté agissante.
C ette formule permet de
reconnaître dans tous les cas et sans hésitation son devoir.
Si je me demande par exemple si une promesse trompeuse est conforme au devoir, « le moyen
de m'instuire le plus rapidement, tout en étant infaillible, est de me demander à moi-même : accepterais-je bien avec satisfaction que ma maxime (de me
tirer d'embarras par une fausse promesse) dût valoir comme une loi universelle (aussi bien pour moi que pour les autres) ? [...] Je m'aperçois bientôt ainsi
que, si je peux bien voulir le mensonge, je ne peux en aucune manière vouloir une loi universelle qui commanderait de mentir : en effet, selon une telle loi, il
n'y aurait plus à proprement parler de promesse.
» (idem) .
La raison en est que si tout le monde mentait, on ne croirait plus aux promesses de personne.
Par
conséquent la maxime qui me pousse à faire une fausse promesse, « du moment qu'elle serait érigée en loi universelle se détruirait nécessairement ellemême.
»
C)
L'action accomplie par devoir n'a pas à se soucier de ses résultats.
Seule la bonne volonté, cad la volonté d'agir conformément aux prescriptions du devoir moral, vaut absolument.
C ertes les talents de l'esprit comme
l'intelligence, le jugement, la vivacité d'esprit, ainsi que les qualités de tempérament comme le courage, la persévérance, l'esprit de décision, sont, sans
aucun doute, des choses bonnes en elles-mêmes.
Le courage, par exemple, ne peut-il pas être mis au service du crime ? Il faut donc conclure qu'elles ne
sont bonnes qu'autant qu'elles sont les instruments d'une bonne volonté.
C es capacités sont en outre des dons de la nature ou du hasard.
Il en résulte que
si la morale kantienne exige que je mette en oeuvre tous les moyens dont je dispose pour faire mon devoir, elle ne fait pas de la réussite de mon entreprise
une condition de la moralité de mon action.
A utrement dit, l'absence de résultat ne peut rien retrancher à la valeur morale de l'action, pas plus que la
réussite ne peut y ajouter quelque chose.
Une action faite par devoir tire sa valeur morale, non du but qu'elle doit atteindre, mais de la maxime d'après
laquelle elle est décidée.
L'action accomplie par devoir a toute sa valeur en elle-même, se distinguant par là de toute action intéressée, qui fait du résultat
son seul but.
Elle n'a pas non plus à se soucier des résultats qui dépendent des capacités de l'agent et de circonstances contingentes.
II.
— C ette théorie est une conséquence du relativisme kantien.
La raison ne peut atteindre l'absolu, et par suite la métaphysique est une tentative
impossible ; fonder sur elle la morale, c'est lui ôter toute valeur.
Loin de subordonner la morale à la métaphysique, Kant fait de cette dernière une
dépendance de la morale (postulats de la raison pratique).
III.
— C ritique de la conception kantienne :
1° Si la volonté autonome dont parle Kant n'est pas la manifestation de l'ordre absolu, d'où vient son autorité ? La conséquence logique du moralisme
indépendant, c'est la « morale sans obligation » (Guyau).
2° En fait tout homme a une conception du monde et de la vie, et cette conception influe nécessairement sur sa conduite.
L'action implique une certaine
métaphysique latente ; il y a toujours une relation entre les conceptions spéculatives et les préceptes de la pratique.
« Prenez ma métaphysique, disait
Fichte, et vous saurez quelle est ma morale »..
»
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