Qu'est-ce que la matière ?
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«
VOCABULAIRE:
MATIÈRE:
* C e en quoi les choses sont faites, par opposition à la forme.
* En logique (matière d'un raisonnement) : ce qu'énoncent les termes d'un raisonnement, indépendamment des relations qu'ils entretiennent les uns avec
les autres (contraire : forme).
* C hez A ristote, ce qui est susc eptible de recevoir une forme.
* En sc iences, les éléments constitutifs de la réalité physique
(atomes, molécules, etc.).
La matière est mouvante, changeante, putrescible, dangereuse, vénéneuse, venimeuse, mortelle; voilà ce qui effraie les hommes et les angoisse, car cela
signifie pour eux monstruosités, maladies, souffrances, vieillissement et mort, en regard d'un désir d'incorruptibilité et d'éternité.
O utre cet aspect
existentiel, la matière, dans l'effarante diversité d e s e s formes, étonne et s u s c i t e le désir de connaissance.
Elle émerveille a u s s i p a r l a beauté des
paysages, des floraisons et épanouissements, dans les trois règnes du minéral, du végétal et de l'animal.
LE REFUS ET DÉGOÛT DE LA MATIÈRE
C ertains philosophes, tel Platon, tel P lotin qui « avait honte d'avoir un corps «, aspiraient à n'être qu'une âme pure, éternelle, infiniment paisible : à se
confondre avec l'Erre immobile et impassible.
I l s concevaient l'existence terrestre comme une pénitence, due peut-être (comme le suggère Platon) à
quelque c rime inconnu ou oublié.
Le suicide les tentait, mais une interdiction divine et traditionnelle pesait sur cet acte.
Les choses, dans leur singularité,
étaient rejetées comme apparences et illusions voisines du non-être.
Les abstractions , comme vérités éternelles, retenaient seules leur attention.
UN MÉLANGE DE BEAUTÉS ET D'HORREURS
Le monde sens ible présente de sublimes beautés et d'immondes horreurs.
C omment démêler c e tissu de contradic tions ? Le judéo-c hristianisme explique
l'une et l'autre face par le péché originel de l'homme qui aurait entraîné une dégradation universelle, non sans que demeurent des signes montrant que la
terre a été un P aradis.
T outes les personnes souffrent au moins d'un complexe physique : trop grand, trop petit, cheveux raides, crépus, trop gros, trop maigre, boutons, verrues...
Si seulement, pensons-nous, tel défaut nous avait été épargné !
La chirurgie es thétique permet d'espérer remodeler notre corps , le c orps propre; et la génétique suggère que l'on pourra façonner les enfants à la perfection.
C hac un as pire à la plus belle apparence physique, et les magazines nous présentent constamment des "modèles" que l'on voudrait suivre comme la mode.
Il n'est guère possible de faire actuellement la différence entre « remodelage et auto mutilation.
Le sensible
Notre rapport au sensible est indépassable.
La terre constitue le second versant du corps de l'homme.
A lors que les civilisations traditionnelles ont cherc hé
un sentiment d'alliance avec la nature, célébrant ses sublimes beautés, comme par exemple dans la peinture chinoise de paysages, le monde moderne
cherc he l'exploitation sans frein, aveugle et totale de la terre, fasciné par les forces que recèlent la matière.
Le sentiment romantique d'union avec la terre
s'est donc perdu en faveur d'un rapport de forces.
Les nuisances ac tuelles le montrent assez.
A lors que les Égyptiens de l'A ntiquité divinisaient les animaux en les jugeant dignes d'un c orps humain comme piédestal, le monde moderne force l'élevage
et multiplie les abattoirs intensifs.
Science moderne et exploration de la matière
L a s c ienc e moderne n'a plus auc un souci pour les apparences sensibles et le s ymbolisme des corps.
La matière est pour elle abstraite et une.
Elle en
cherc he la nature en la déc omposant : cellules végétales et animales , atomes sécables, particules élémentaires éphémères, et finalement fuite de la
matière en énergie.
C ette énergie a été exploitée en titanesque puissance de mort avec les bombes nuc léaires.
C 'est finalement l'idolâtrie de la force qui
l'emporte contre la contemplation des singularités du monde.
Il se produit là encore une totale unification, une réduction à une puis sance incontrôlée de
néantissement.
Les déchets nucléaires que les techniciens ne savent pas rendre anodins prédis ent c lairement d'atroces des tructions.
N'y a-t-il pas là une
effarante irresponsabilité?
T out cela proc ède d'un violent res sentiment de l'homme envers les aspects négatifs ou inutilis ables de la matière; la haine manichéenne des corps, sous
des apparences trompeuses d'un appel à l'harmonie et la santé, es t plus forte que jamais.
L'homme aspire à devenir maître et possesseur de la nature et
joue les apprentis sorciers.
Le lien simple et sage avec la nature semble définitivement perdu, et les écologistes profonds déclarent désirer la disparition de
la majorité de l'humanité afin de préserver une nature qu'ils idolâtrent.
Nous sommes excessivement éloignés de l'alliance avec la nature que les civilisations traditionnelles avaient établie.
a.
Une fausse évidence
Les notions de matière et d'esprit sont a priori simples à saisir.
Elles corres pondent toutes deux à une expérience cons tante et évidente.
L'esprit s e saisit
lui-même par la conscience.
La matière et les corps extérieurs sont sais is par la perception, notre propre corps par la sensation interne.
Mais l'analyse de la
c o n s c ienc e a montré que l'esprit pouvait s e fourvoyer sur lui-même, au point que son existence en tant que substance distinc te du corps s 'est révélée
contestable (cf.
chapitre 1 p.
9).
N'en es t-il pas de même pour la matière ? Si l'on veut examiner en quoi elle cons iste, et quels sont ses rapports avec
l'esprit, les choses ne sont en effet pas si claires .
b.
Exemple
Q uand on parle de la matière d'un vêtement ou d'un objet, on parle de ce en quoi ils sont faits, c e qui constitue leur étoffe ou leur « matière première », s ur
lesquelles on a effectué ensuite une mise en forme ou un traitement c himique.
C 'es t cela qui permet à A ristote de distinguer, dans un objet, la cause
matérielle de la cause formelle.
P our une statue sculptée, par exemple, la matière, c'est le marbre ; la forme, c'es t la figure de la statue.
M ais appliquée à
l'ensemble de la réalité extérieure, et non pas à tel ou tel objet, peut-on dire ce qu'est la matière ? Non pas quelle est la matière de la statue, ni c elle du
marbre, mais la matière commune à tout objet et présente derrière toutes les différences de structure, de forme et de propriétés des corps.
c.
Définition problématique
Si la matière est présente en tout corps, elle n'est pas un corps en partic ulier, ni une substance chimique spéc ifique, elle n'est, autrement dit, rien de
constitué, est-elle même quelque chose ? P lotin établit ainsi le caractère d'être « en puissance » de la matière.
C ela signifie qu'elle es t susceptible de
devenir toutes chos es, qu'elle est potentiellement tout et n'importe quoi, du marbre mais aussi de l'eau, etc.
O r, si on la définit ainsi, son être nous échappe
: soit elle est une matière concrète, définissable, mais c'est alors un corps particulier, soit elle est un support général, un « porte-empreinte de toute chose
» (P laton, Timée), et dans ce cas on ne peut qu'en faire une s orte de non-être, non achevé, non déterminé.
Si elle est sans forme ni consistance, n'est-ce
pas paradoxal ? Que res te-t-il d'elle ?.
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