Qu'est-ce que gouverner?
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Introduction
On distingue communément l'acte de faire les lois (légiférer) et celui de les exécuter (gouverner).
Si la raison
courante considère l'acte de gouverner (du latin gobernare qui signifie manoeuvrer, administrer...) comme un art
c'est bien parce qu'elle reconnaît la nature riche et complexe de celui-ci.
Définir cet acte, en philosophie politique,
comme exercice du pouvoir politique dans un État, c'est déjà renvoyer à une double question : qu'est-ce que la
politique, quel est son rôle ?
Ce questionnement double fut celui de nombreux philosophes qui, de l'Antiquité Grecque jusqu'à nos jours, ont
interrogé le pouvoir politique aussi bien d'un point de vue moral que pragmatique (cynique diront certains !).
Mais
loin d'être en présence d'une réponse univoque, nous sommes bien plutôt témoins de l'absence de consensus sur la
nature et les exigences propres à l'exercice du pouvoir.
Ce manquement est dû non pas un silence, bien au
contraire.
Qu'il s'agisse de sa conception théorique (multiplication des théories politiques dans l'histoire) ou de son
effectivité (ses applications concrètes selon chaque État), cet art s'impose manifestement dans une riche diversité
de formes et de réflexions.
Est-il alors possible de dégager, au sein d'une telle diversité, les principes fondamentaux
qui définissent l'acte de gouverner ? Ces principes ne sont-ils pas, paradoxalement, ceux de la contradiction ?
Une approche antique et philosophique de la notion de pouvoir politique peut permettre d'envisager une rupture
entre l'approche théorique du pouvoir et son effectivité même.
Cette réflexion sur l'action du pouvoir politique rejoint celle, primordiale, sur les valeurs (morale) et les origines
à partir desquelles s'enracine tout pouvoir.
I.
Gouverner : un idéal philosophique
C'est à cette même question – qu'est-ce que gouverner ? - que de nombreux philosophes de l'Antiquité grecque ont
souhaité répondre.
En arrière plan de cette réflexion se situe toujours le constat de l'actualité politique au moment
ou celle-ci s'énonce.
Qu'il s'agisse de Platon ou d'Aristote, il y a le même souci de critiquer (au sens neutre de
détermination des limites) le pouvoir en place.
Mais au nom de quels critères ? Qu'est-ce qui permet en effet de
fonder et de déterminer l'action de gouverner ?
Platon, disciple de Socrate, fonda une théorie idéale du pouvoir tel qu'il doit
être compris et utilisé mais celle-ci fut mortifiée par la condamnation à mort
de Socrate et les nombreuses désillusions de Platon à l'égard de ceux qui
détenaient ce pouvoir.
Cependant il parvint à déterminer sur quels principes,
idéaux, se fonde l'action du pouvoir politique.
C'est en termes de « vertu »,
de « sagesse », de « justice » et d' « art » que Platon aborde la politique (Cf.
Protagoras, 319 a – 325c ; la République, VII, 519c – 521c ; le Gorgias, 458e
- 461b).
La vision platonicienne de la politique, toute emprunte de sagesse
philosophique, s'oppose à celle des sophistes.
En effet les vertus
philosophiques propres au bon exercice du pouvoir ne s'enseignent pas par la
rhétorique, en dehors de toute considération morale et philosophique.
Selon
lui la politique est précisément cet art de gouverner l'État que seuls
possèdent les philosophes et qui réclame bien plus que la simple aisance et
ruse discursive.
Une vision idéale de l'art de gouverner est affirmée par
Platon, celui-ci est l'expression même d'un savoir du « Bien », du « Juste »,
sage et proprement philosophique (philo sophia signifie « j'aime la sagesse »
!).
La vertu politique, sera, plus qu'un simple souci de moralité, cette capacité
même de comprendre ce qu'est le « Bien » en soi (Idée) et de savoir le
transmettre à la communauté.
L'intérêt commun est donc, selon Platon,
affaire du seul « philosophe-roi » (ou « roi -philosophe »).
Lui seul peut
gouverner en vertu d'Idées propres à un gouvernement juste et sage.
Aristote fonde l'activité politique sur une « éthique » (réflexion sur les questions concernant la moralité humaine)
reconnaissant un « Souverain Bien » (Cf.
Éthique à Nicomaque) qu'il faut atteindre.
Même si l'activité politique rend
possible, au-delà d'elle même, l'accès à ce « Souverain Bien » par « contemplation théorétique du divin », elle ne
doit pas chercher dans les « Idées » platoniciennes les critères de compréhension du réel.
Avec Aristote, la nature
humaine est consacrée par son essence politique.
L'homme est un « animal politique » (un « vivant des cités ») (Cf.
La Politique, livre I) dont la finalité est la « vie bienheureuse ».
Dès lors gouverner sera défini par Aristote comme
pouvoir d'adoucir les moeurs de l'État par des institutions, par la culture.
Selon le « Stagirite » (Aristote), trois types
de gouvernement peuvent être envisagés, qui respectent tous des principes justes et sages en distinguant les
pouvoirs (exécutif, judiciaire, législatif) : la monarchie, l'aristocratie et la république sont les trois figures saines d'un
gouvernement digne de ce nom.
Mais Aristote, en bon observateur de la réalité, constate que ces trois formes
correctes du pouvoir politique peuvent être dégénérer respectivement en tyrannie, oligarchie ou en démocratie.
Deux conceptions de l'art de gouverner se confrontent.
D'un côté celle, platonicienne, d'un idéalisme politique et, de
l'autre côté, la théorie aristotélicienne qui prône un rationalisme politique.
Mais toutes deux reconnaissent
néanmoins les valeurs morales et divines comme moteur de l'activité politique.
Et suprêmement, les germes d'une.
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