qu'entend-on lorsqu'on dit que la science n'est qu'un ensemble de systèmes hypothético-déductifs
Extrait du document
«
INTRODUCTION: Le vulgaire se représente volontiers le savant sous espèces d'un chercheur en blouse blanche
expérimentant dans son laboratoire et cherchant l'explication du monde dans lequel nous vivons.
Aux yeux de certains théoriciens de la science, cette conception passe pour périmée : la science ne serait qu'un
ensemble de systèmes hypothético-déductifs.
Que faut-il entendre par là ?
I.
Précisons d'abord le sens des mots.
« Hypothétique » s'oppose à « catégorique » et est à peu près synonyme
de « conditionnel ».
Une proposition catégorique affirme qu'une chose est effectivement il pleut, Louis XIV est mort
en 1715.
Au contraire, dans une proposition hypothétique, on ne prétend pas affirmer une réalité; on suppose, par
convention expresse, que certaines conditions déterminées sont données : ainsi nous pouvons supposer que la
royauté sera rétablie en Espagne ou que Louis XVI ne fut pas arrêté à Varennes; lorsqu'il propose un problème à ses
élèves, le professeur de physique suppose une balle lancée dans le vide à une certaine vitesse, un volant d'une
masse déterminée faisant tel nombre de tours à la seconde, etc.
Pourquoi forme-t-on ces hypothèses ? pour étudier ce qui se passerait ou se serait passé, si les conditions
supposées se réalisaient ou s'étaient réalisées.
De la donnée constituée par l'hypothèse, on tire par raisonnement
logique les résultats auxquels il faut s'attendre.
C'est ce qu'on appelle déduction : la déduction est l'opération de
l'esprit par laquelle de propositions données on tire les conséquences qui en découlent.
II.
On voit dès lors ce qu'il faut entendre par un système hypothético-déductif.
C'est une construction logique dont les éléments ou les principes de base sont de pures hypothèses : l'esprit se les
donne, et il n'y a à l'origine aucune donnée qui s'impose.
Ensuite, à partir de ces données hypothétiques, l'esprit
procède par déduction, enchaînant indéfiniment les propositions suivant les lois posées d'avance et faisant partie de
l'hypothèse de départ.
Comme type de système hypothético-déductif, ou du moins comme construction se rapprochant le plus de cet idéal,
nous signalerons les sciences mathématiques.
Le géomètre, par exemple, au début de son étude, énonce les
définitions, les axiomes et les postulats : c'est l'hypothèse.
Il n'affirme pas (catégoriquement) qu'il y a quelque part
une figure correspondant à sa définition de la circonférence ou du cône : ce cône et cette circonférence, il suppose
qu'ils existent et il affirme que, s'ils existent, ils auront les propriétés qu'il va déduire de la définition posée; de
même, il n'affirme pas que le plus court chemin d'un point à un autre est la ligne droite; mais que, s'il existe un
monde dans lequel cette proposition 'se vérifie, il s'ensuivra les conséquences qu'il établit.
III.
Les mathématiques nous donnent une idée de la forme idéale de la science, que nous sommes amenés
à concevoir comme un ensemble de systèmes hypothético-déductifs.
Les mathématiques, en effet, ne s'occupent que de la quantité dans ses
déterminations les plus générales.
Mais on pourrait, suivant la même méthode,
constituer une science d'autres réalités.
C'est ainsi que DESCARTES avait
rêvé d'une physique hypothético-déductive : « Je me résolus de laisser tout
ce monde ici...
et de parler seulement de ce qui arriverait dans un nouveau, si
Dieu créait maintenant, quelque part, dans les espaces imaginaires, assez de
matière pour le composer.
».
DESCARTES avoue qu'il ne put appliquer sa
méthode à l'explication des êtres vivants et déduire des propriétés de la
matière les particularités de la vie animale.
Mais la science a fait des progrès,
et on peut rêver d'un jour où, de la définition, sinon de la matière, du moins
du principe vital et même du principe pensant, on pourra déduire toute la
physiologie et toute la psychologie.
alors il serait vrai que la science est un
ensemble de systèmes hypothético-déductifs.
CONCLUSION.
L'idéal que suppose cette conception est magnifique.
A ce
degré de développement, la science aurait atteint son' but essentiel, qui est
de faire comprendre : l'objet étudié n'ayant d'autre réalité Oie celle que nous
lui aurions donnée par nos définitions, nous posséderions une intelligence
adéquate de son essence.
Mais on ne peut pas admettre que les bases de
départ de la science puissent être complètement hypothétiques : le principe
d'identité et ses dérivés immédiats, qui constituent l'armature de la
déduction, s'imposent à nous et sont catégoriques.
Ensuite, si un système
hypothético-déductif peut s'édifier, c'est parce que nous avons des connaissances catégoriques, et c'est -pour
mieux comprendre le monde réel que l'esprit échafaude ses constructions hypothétiques.
La véritable science est
donc catégorique et la conception d'une science réduite à un ensemble de système hypothético-déductifs n'est
qu'un paradoxe résultant de l'importance prise par les mathématiques comme auxiliaires des sciences expérimentales,
importance qui a pu les faire croire reines alors qu'elles ne sont que de modestes servantes..
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