Quels sont les rapports entre religion et raison ?
Extrait du document
«
VOCABULAIRE:
RELIGION
Étymologie discutée.
Cicéron fait dériver le mot du latin relegere qui s'oppose à neglegere comme le soin et le
respect s'opposent à la négligence et à l'indifférence.
D'autres font dériver le mot de religare: La religion est avant
tout le lien qui rattache l'homme à la divinité : «La religion consiste dans un sentiment absolu de notre
dépendance.» (Schleiermacher).
La religion c'est le sentiment que l'homme ne s'est pas donné lui-même l'existence,
qu'il dépend d'un Être qui le dépasse infiniment.
Sociologiquement, les religions sont les divers cultes organisés (avec
leurs dogmes et leurs rites) pour rendre hommage à Dieu.
RAISON:
Si ses déterminations exactes varient d'un philosophe à l'autre, tous reconnaissent la raison comme le propre de
l'homme, et comme la faculté qui commande le langage, la pensée, la connaissance et la moralité.
Descartes
l'assimile au « bon sens », c'est-à-dire à la faculté de juger.
Kant distingue le versant théorique de la raison, qui a trait à la volonté de connaître, et le versant pratique, par
lequel l'homme se soucie de son action et entend en lui l'appel du devoir moral.
1) La foi se passe de la raison.
«Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point [...] C'est le coeur qui
sent Dieu et non la raison.
Voilà ce que c'est que la foi.» Pascal, Pensées
(1670).
• Pascal distingue deux modes de connaissance.
La raison «connaît» sur le
mode conceptuel et argumentatif, comme dans les mathématiques.
Mais Dieu
échappe à ce mode de connaissance.
Il serait vain, pour Pascal, de prétendre
en démontrer l'existence.
C'est le coeur qui «sent» Dieu.
La foi est donc une
connaissance immédiate et trop subtile pour pouvoir être argumentée.
• La raison peut néanmoins être mise au service de la foi, de façon indirecte:
c'est la célèbre théorie du «pari» pascalien, visant à convertir les incroyants.
II montre que l'homme a beaucoup à gagner en croyant, et, réciproquement
qu'il n'a rien à gagner en en croyant pas.
Il est donc, en pratique, raisonnable
de croire en Dieu, même si ce n'est pas rationnel, et n'a pas besoin de l'être.
2) La raison rejoint la croyance religieuse.
«Que la Loi divine invite à une étude rationnelle et approfondie de l'univers,
c'est ce qui apparaît clairement dans plus d'un verset du Livre de Dieu.»
Averroès, L'Accord de la religion et de la philosophie (1179).
• Les tentatives pour allier rationalité et religion n'ont cependant pas manqué.
Le philosophe musulman Averroès en
est un représentant.
Et il relève, à l'appui de ses dires, les nombreux passages du Coran qui incitent à la
connaissance.
Ainsi, pour lui, la connaissance scientifique du monde ne peut pas être contraire à ce que dit le Livre
de Dieu, car «la vérité ne peut contredire la vérité».
S'il y a des différences apparentes, elles tiennent au fait que le
texte religieux est fait pour être accessible à tous; tandis que la science, qui montre les vérités sans voile ni
métaphore, nécessite une éducation approfondie.
• Parmi les philosophes médiévaux qui se sont attachés à mettre la raison au service de la foi, il faut citer aussi
saint Anselme, qui a proposé la «preuve ontologique» de l'existence de Dieu (qui sera reprise par Descartes): celle-ci
consiste à dire que, Dieu étant défini comme l'«être maximum», celui qui a toutes les qualités poussées
à leur plus haut degré de perfection, son existence fait nécessairement partie de sa définition.
Car l'existence est
une plus grande perfection que la non-existence.
La raison démontre donc que Dieu existe.
3) La raison nous montre que la religion est une illusion.
«[Les idées religieuses] sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants
de l'humanité; le secret de leur force est la force de ces désirs.» Freud, L'Avenir d'une illusion (1927).
• Pour Freud, il ne suffit pas de dire que la religion est une erreur, qui décrit de manière erronée la réalité et donne
aux prêtres un ascendant illégitime sur les gens assez crédules pour les croire.
La religion a une force propre, celle
du désir.
Elle est, comme l'ensemble des comportements humains, une des manifestations de la libido.
Pour Freud, la
croyance en un Dieu providentiel est une projection de la figure paternelle, qui permet de se prémunir contre les
angoisses rencontrées dans la réalité.
La religion est une pathologie, une névrose obsessionnelle, qui nous maintient
dans un stade infantile et dont il faut se délivrer pour parvenir à l'âge adulte.
• La critique freudienne est à double tranchant, car elle permet aussi de voir que certaines critiques de la religion
reproduisent, au nom de la science et de la liberté de penser, les mécanismes qu'elles croient critiquer.
Ce qui se
prétend «discours rationnel» n'est souvent pas moins dogmatique et pas moins symptomatique de certains désirs et
angoisses que la religion..
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