Quels sont les fondements de la légitimité du pouvoir de l'État ?
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Notre sujet nous met en présence de trois concepts-clés : successivement l'État, le pouvoir et la légitimité.
Or, s'interroger sur les fondements de la légitimité du pouvoir de l'État revient aussi à s'interroger sur les fondements
de l'État et du pouvoir, si du moins l'on ne considère pas que l'État vienne légitimer après coup l'exercice de son
pouvoir et quand bien même il le pourrait suite à un abus de pouvoir.
Si la légitimité est donc bien ressentie comme telle, ce sont les fondements historiques et conceptuels de
l'État qui nous intéressent en premier lieu, puisque – comme nous allons le voir – l'État reste indissociable de
l'exercice du pouvoir et de la souveraineté.
La question que nous devons nous poser est donc la suivante : Quels
sont les fondements historiques de l'État et quel est sa nature pour que l'exercice de son pouvoir nous apparaisse
comme légitime (puisque tel est le présupposé de notre sujet) ?
I – De la cité antique à l'État moderne
Historiquement, l'État est une réalité tardive ; le terme n'apparaît qu'au 16ème siècle sous la plume de
Machiavel.
Est-ce à dire qu'auparavant les hommes ne connaissaient pas d'organisation politique ? Au contraire, cela
nous conduit à l'aveu que l'État n'épuise pas la réalité politique, qu'il n'en est qu'une manifestation (moderne) et que
d'autres formes l'on précédé, notamment la Cité antique.
En effet, pour les Grecs, l'organisation politique passe par la polis, c'est-à-dire la Cité, qui nous a fourni le
terme de politique.
Si l'on suit Aristote qui, dans la Politique, soutient que l'homme est un animal politique, la Cité
peut alors se définir comme un mode d'existence communautaire spontané,
voire comme un mode de vie.
En effet, à l'inverse de notre sentiment moderne
d'étrangeté vis-à-vis de l'État (« le plus froid des monstres froids », disait
Nietzsche), le citoyen grec fait corps avec la Cité, il n'est ce qu'il est que
parce qu'il s'intègre en elle comme dans une totalité vivante.
Cependant, et
cette précision est de taille, tous les habitants de la Cité ne sont pas
citoyens, loin s'en faut.
Sont exclus de la citoyenneté les métèques
(étrangers), les femmes, les hilotes (esclaves), etc.
; autrement dit, les
citoyens sont les seuls à participer activement à la vie politique de la Cité.
L'idée de l'État apparaît uniquement avec la volonté de distinguer des
gouvernants et des gouvernés, c'est-à-dire d'instaurer des rapports d'autorité
et d'obéissance, d'où l'idée que l'État est liée dès son surgissement à celle
d'un pouvoir qui transcende les volontés particulières.
Mais, comme le
remarque Machiavel, l'autorité ne doit pas se confondre avec le seul « fait »
de commander, c'est-à-dire au simple exercice de la force au sens où l'on a
du pouvoir sur quelqu'un, mais elle doit être légitime et correspondre au
« droit » de commander, au sens où l'on a le pouvoir de.
Examinons cette
thèse en nous intéressant à la théorie de l'État que formule le philosophe
anglais Hobbes dans Le Léviathan.
II – Hobbes et la théorie de l'État
Pour penser la genèse de l'État, Hobbes se figure un état de nature,
c'est-à-dire une époque où les hommes, livrés à eux-mêmes et mus par leurs
seuls passions (compétition, gloire et défiance), possèdent un droit de nature
que l'on peut définir comme la liberté que chacun a d'user de sa propre
puissance, comme il le veut lui-même pour la préservation de sa propre
nature, autrement dit de sa propre vie et, par conséquent, de faire, selon son
jugement et sa raison propres, tout ce qu'il concevra être le meilleur moyen
adapté à cette fin.
Dans cet état, qui est un état de guerre de tous contre tous, les
hommes possèdent donc un droit égal sur toutes choses, droit qui se traduit
par l'usage de leur propre puissance, c'est-à-dire de ce qui est en leur
pouvoir (force physique, ruse, alliance, etc.), pour se défendre ou s'approprier
quelque chose.
Or, une telle situation demeure proprement invivable, à tel
point que les hommes en viennent à abdiquer de leur droit de nature, au profit
d'un souverain, seul détenteur légitime du pouvoir.
C'est donc par contrat
(celui que Rousseau nommera « contrat social ») que les hommes
reconnaissent l'autorité d'une personne qui les représente tous.
Mais, par ce
contrat, c'est la nature même du pouvoir qui change.
En effet, suivant le droit de nature, chacun est libre d'user de sa puissance propre ; le pouvoir est donc
simplement synonyme de puissance, même si celle-ci n'est pas forcément physique.
Or, à la suite du contrat, le
pouvoir se définit comme le droit de faire une action quelconque ; autrement dit, l'acte accompli par le pouvoir l'est
en vertu d'une procuration, d'une autorisation, délivré par celui dont c'est le droit, c'est-à-dire le contractant luimême, celui qui délègue son droit au souverain.
Il ne suffit donc pas de dire comme Max Weber que l'État possède le monopole de la violence physique
légitime, car l'État n'est pas réductible à sa force armée ou à sa police.
La légitimité nous renvoie de manière large à
l'exigence de justice, par contraste avec un état de nature, où le droit de chacun d'user de sa puissance est égal à
celui des autres, et où, par conséquent, il n'y a point de justice ou d'injustice, de légitimité ou d'illégitimité dans son
usage.
C'est, à l'inverse, une fois la convention établie, c'est-à-dire la règle fixée selon laquelle chacun abdique de.
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