Quels moyens peuvent etre utilisés pour s'adresser a notre sensibilité ?
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Introduction
Notre sensibilité est double : elle est à la fois sensorialité et sentimentalité.
Être sensible, c'est avant tout être
réactif, comme on dit qu'une plante ou un appareil photographiques sont sensibles à la lumière.
Ils y réagissent.
On
peut donc supposer qu'à cette double nature sensible, deux sortes de moyens peuvent s'appliquer : ce qui excitera
nos cinq sens, et ce qui touchera notre cœur.
Mais il faut également considérer que ces moyens doivent être
adaptés aux fins.
Et que vise-t-on au juste quand on veut s'adresser à notre sensibilité ? Est-ce une communion
entre celui qui s'adresse et celui à qui l'on s'adresse, ou au contraire, existe-t-il une asymétrie fondamentale entre
les deux ? le problème est donc de savoir s'il peut y avoir, en fonction des moyens utilisés pour s'adresser à notre
sensibilité, union au sein de l'homme entre sensorialité et sentimentalité, et si ces moyens relient ou sépare celui est
touché et celui qui touche.
I.
S'adresser aux sens, c'est s'adresser à notre sensibilité
A.
Notre corps, en tant qu'il est doté d'organes perceptifs, et même, pourrait-on dire, en tant qu'il est tout
entier perceptif (car la peau, organe du toucher, l'enveloppe tout entier) est la première condition de toute
sensibilité.
S'adresser à notre sensibilité, c'est donc d'abord s'adresser à notre corps.
C'est pourquoi la
sensibilité a si mauvaise réputation dans la tradition philosophique.
Tout ce qui se rapporte à la sensibilité
prise au sens de sensualité est en fin de compte une passion, dans la mesure où, selon la définition de
Descartes dans Les passions de l'âme, ce n'est pas l'âme qui produit
ces sensations, mais le corps.
La sensibilité s'oppose alors à la pensée,
qui est la seule chose que notre âme produit totalement.
Le risque,
c'est de céder à une passion (au sens courant cette fois) en prenant
le bien pour plus grand qu'il ne l'est.
Mais alors, la sensibilité n'a un
mauvais crédit que parce qu'elle n'est pas une source de connaissance
suffisante.
En effet, nous dit Descartes, quand on nous chatouille
avec une plume, cette sensation ne nous apprend rien sur la plume en
question.
B.
Mais pour la philosophie sensualiste, dont Condillac est le
représentant avec son Traité des sensations, toute connaissance est
en dernière analyse une sensation du corps mémorisée, comparée
avec d'autres sensations.
Condillac imagine ainsi une statue qui peu à
peu s'éveillerait à la conscience, et il montre que c'est le sens du
toucher qui est tout à fait décisif.
En effet, aucun des autres sens ne
permet de prendre conscience de soi : en sentant l'odeur de rose, la
statue sera tout entière odeur de rose, elle ne fera pas la différence
entre ce qu'elle est et la source extérieure de cette odeur.
Au
contraire, par le toucher, la statue peut, en posant ses deux mains
l'une contre l'autre, se sentir et avoir la conscience de soi.
Dans cette
perspective, la sensibilité a un rôle fondamental dans la connaissance,
et toute excitation d'un organe des sens est un moyen de s'adresser à
notre sensibilité : aussi bien les paroles que les gestes.
C.
Sartre, dans L'être et le Néant élabore une réflexion tout à fait intéressante sur la caresse.
Selon lui la
caresse n'a d'autre but que d'imprégner de conscience et de liberté le
corps d'autrui.
La caresse est donc le moment de la réconciliation du
corps et de la conscience.
Mais pour pouvoir provoquer cette
réconciliation chez autrui et ainsi aboutir à une réelle caresse, il faut
que celui qui caresse consente également à se faire chair, à s'incarner
réellement.
Pour voir l'incarnation de l'autre (c'est-à-dire le voir non
comme corps, mais comme liberté dans une chair), il faut que je sois
moi-même incarné, que je consente donc à être liberté dans un corps.
Cette analyse nous montre, de façon plus large, que pour s'adresser à
la sensibilité de l'homme, le meilleur moyen reste de se révéler soimême sensible.
Si la réciprocité n'est pas maintenue, si l'on cherche à
s'adresser à la sensibilité de l'autre sans être soi-même sensible, on ne
pourra passer que par le sadisme, c'est-à-dire par la relation
asymétrique, la torture.
Transition : pourtant, la sensibilité n'est pas que corporelle, elle est
aussi spirituelle.
Comment, dès lors, émouvoir quelqu'un ?
II.
Toucher le cœur, émouvoir
A.
La rhétorique est l'art oratoire qui a vu naissance dans l'Antiquité.
»
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