Quelles sont les limites de l'objectivation scientifique de l'esprit ?
Extrait du document
«
Introduction: Qu'entendre, tout d'abord, par « esprit »? Il semble d'abord très surprenant de considérer l'esprit d'un
point de vue objectif.
N'accorde-t-on pas naturellement que l'esprit est avant tout subjectif? C'est toujours l'esprit
de quelqu'un , voire de quelque chose que l'on considère de prime abord.
On dit que quelqu'un a de l'esprit, ou fait
un trait d'esprit .
L'esprit n'est donc objectivé que dans le cadre de la connaissance, lorsque celui qui est sujet de
connaissance, l'homme, cherche à se déterminer lui-même comme objet de connaissance.
La volonté de retranscrire
tout le mécanisme, le fonctionnement de l'esprit de façon à le cerner, le conceptualiser, s'exprime alors dans tout
ce que nous entendons par sciences humaines.
Ainsi, la psychologie, la sociologie, l'ethnologie et autres sciences
humaines cherchent-elles à obtenir une défintion de l'homme en cherchant à définir son « esprit ».
Il peut alors
s'agir de l'esprit d'un individu, d'une classe sociale, d'un peuple...
Or, le but de cette objectivation de l'esprit est de
le reconstruire, le poser comme un objet de connaissance en mettant à jour les différents rapports de cause à effet
qui le constituent.
Seulement en est-il de l'esprit comme des autres objets de connaissance? D'abord, l'esprit, source du raisonnement,
pourrait fonder toute sa réflexion sur autre chose que de la réflexion.
L'intuition n'est-elle pas ce qui est n écessaire
à la connaissance d'un objet? Il paraît alors difficile de retraduire cette intuition sous la forme de la médiatisation.
Cette intuition serait ainsi ce qui fonde tout raisonnement sans être toutefois rationalisable.
Pourtant, nous ne
pouvons nous contenter d'intuitions dès l'instant où nous cherchons à établir un savoir, une connaissance.
La
science nécessite un travail de compréhension et d'expression tel qu'il puisse être compris par d'autres personnes
que celui qui en fait l'expérience.
Ce passage à l'universel n'est-il pas d'ailleurs le propre de l'esprit? S'en tenir à
l'intuition, ce serait alors, par volonté de préserver l'esprit , oublier que le propre de l'esprit est la connaissance.
Enfin, si le propre de l'esprit est la connaissance, cette dernière n'est peut-être pas son essence? Celle-ci pourrait
bien n'être rien d'autre que l'existence, phénomène intraduisible dans le langage de l'objectivation scientifique.
I/ La connaissance nécessite d'abord une intuition qui est indémontrable.
.
Lorsque la science rend objectif l'esprit, elle s'assure de montrer comment celui -ci parvient à une
connaissance.
Or, toute science ne peut se passer de démonstration : tout résultat obtenu doit ainsi être justifié.
Il
s'agirait alors de démontrer absolument toutes les étapes du fonctionnement de l'esprit et de justifier tout
raisonnement de façon purement logique.
Ainsi, quend bien même nous pourrions supposer un inconscient, comme le
fait la psychanalyse freudienne, cet inconscient doit encore pouvoir être déterminé de façon à le définir, le
conceptualiser, et le cerner.
Le postulat des sciences de l'esprit , comme celui de toute science, est donc de
chercher à tout démontrer.
Or, cela est-il véritablement possible? Ne devons-nous pas penser que même la science
est fondée sur des évidences intuitives qui portent de la certitude tout en ne pouvant être démontrées ? L'intuition,
qui échapperait à toute médiatisation, à toute reconstruction a posteriori, est peut être la source véritable d'où
jaillit l'esprit.
Suivons ici ce que Descartes nous enseigne dans ses Règles pour la direction de l'esprit.
« J'entends
par intuition, non la croyance au témoignage variable des sens ou les
jugements trompeurs de l'imagination, mauvaise régulatrice, mais la
conception d'un esprit pur et attentif, si facile et distincte qu'aucun doute ne
reste sur ce que nous comprenons(...), la conception ferme qui naît dans un
esprit pur et attentif des seules lumières de la raison, et qui , plus simple, est
conséquemment plus sûre que la déduction elle-même.
» L'intuition est donc
considérée par cet auteur comme le fondement de tout le processus de
déduction d'une part, et d'autre part comme ce qui possède un degré de
certitude supérieur à toute déduction.
Bien que la déduction ne puisse être
fausse lorsqu'elle est faite avec attention, l'intuition lui est supérieure bien
qu'elle ne puisse être représentée de façon objective.
Elle est et reste une
évidence indémontrable.
Il est à noter également que Spinoza déclare la
connaissance intuitive, celle du troisième genre, comme étant la suprême
forme de la connaissance et l'aboutissement de toute déduction.
L'objectivation de l'esprit, qui ne peut médiatiser cette intuition fondamentale,
ne peut dès lors jamais prétendre pouvoir cerner l'esprit.
II/ L'objectivation de l'esprit est un travail permanent et
nécessaire pour penser.
Seulement, si nous considérons que l'esprit trouve toute sa force et
tout son accomplissement dans l'intuition, ne risque-t-on pas de réduire tout
savoir à un savoir immédiat? En effet, dire que l'intuition n'est pas cernable de façon conceptuelle et lui accorder
une aussi grande valeur, ce serait ôter par là même toute valeur au concept et, du même coup, ...à l'esprit.
Comment alors considérer tout travail de réflexion, tout effort de compréhension si l'on admet que la connaissance
est immédiate? Il nous faut bien passer par la médiatisation, par un effort de reconstruction de l'esprit si nous
voulons apprendre quelque chose sur lui.
Aussi, nous ne pouvons reprocher aux sciences humaines de chercher à
déterminer l'esprit pour pouvoir le comprendre: cela est un travail nécessaire pour parvenir au savoir.
Cela est.
»
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