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Quelles questions vous posent le progrès des sciences et des techniques ?

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« Il s'agit de réfléchir sur le sens même du progrès des sciences et des techniques et de ramener toutes les interrogations à des questions fondamentales.

Le progrès des techniques est-il bénéfique ou nuisible à l'homme, le rend-t-il plus autonomes ou plus esclave ? Est-ce que ces progrès peuvent modifier nos conceptions morales ? Apporte-t-il des progrès dans d'autres domaines que le sien comme le domaine moral ou politique ? Les progrès techniques nuisent-ils à la nature ? 1) La technique modifie-t-elle nos conceptions morales ? Selon Hans Jonas dans le Principe La technique a transformé en profondeur l'essence de l'agir humain.

La technique a considérablement augmentée la portée de l'agir humain.

La portée causale déborde tout ce que l'on a connu autrefois.

La promesse technique s'est transformée en menace, ce que l'homme pourra faire à l'avenir n'a pas d'équivalence par le passé.

Elle a fait apparaître de nouveaux devoirs.

L'éthique antique est inopérante à l'heure de la technique.

Aujourd'hui, les conséquences de certains actes ne seront visibles que dans quelques centaines d'années.

L'exemple de la pollution, de la surexploitation des ressources forestières, des pêches abusives, de la disparition des déchets nucléaires) .Aussi tous nos pronostics à long terme sont incertains.

Le principe responsabilité voudra donc que l'on favorise les hypothèses pessimistes au profit des hypothèses optimistes.

Le mal est toujours certain.

Le principe responsabilité dit « Agis de telle façon que les effets de ton action soient compatible avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre.

» Il s'agit d'un droit à l'existence d'une vie pas encore actuelle.

Ce principe est programmatique, il vise quelque chose qui ne s'est pas encore produit.

L'homme s'est vu remettre une essence, il en est responsable.

Il n' y a donc pas d'échappatoire à notre responsabilité face au développement technique.

Il faut donc une préscience, une anticipation.

Il faut une métaphysique que n'a pas encore la science.

Le principe responsabilité pressent l'impossible, il veut le limiter.

Il doit aller au devant des abus.

Tous les possibles demeurent une fois que l'action s'est produite.

Il faut que les conséquences des actions soient voulues. Il faut pour cela que des principes soient voulus pour que les conséquences soient voulues.

Il faut donner à l'agir humain une dimension de volonté et qu'elle soit au principe de ses réalisations. Car la réalité humaine correspond à quelque chose de non- voulu.

L'agir a pris des dimensions cosmologique.

La menace des civilisations technologiques repose sur l'idée que la technologie domine aussi l'homme comme elle domine la nature.

C'est l'étant dans sa totalité qui est menacé.

Jonas prône l'heuristique de la peur.

La peur détecte la menace, il faut faire la preuve que ce pressentiment est fondé.

Il faut avoir une intelligence de la peur, et connaître ses vraies faces.

On doit se prémunir par avance.

Le problème est qu'il n'y a pas de principes éthiques sans menace…risque de cercle herméneutique.

Il faut que l'imagination anticipatrice accompagne l'imagination technologique.

Il faut aller du côté du non- connu.

Mais le cours des choses ne nous laisse pas du temps devant nous.

Il faut un point d'arrêt au dynamisme du progrès.

Il faut revenir à l'équilibre.

La technique doit nous obliger à modifier nos conceptions morales. 2) La technique est-elle neutre ? Aussi l'illusion de la « neutralité » et de la pure instrumentalité de la technique a été récemment dénoncée, et on a insisté sur l'autonomisation quasi irréversible du processus technologique contemporain.

Il est pourtant légitime de se demander si, au niveau le plus profond, il y a par rapport à Marx autre chose de changé que le signe algébrique affectant la même essence du technique.

Là où l'on s'aperçoit que le mouvement technologique contemporain possède une inertie considérable, qu'il ne peut être dévié ou arrêté à peu de frais, qu'il est lourdement matérialisé dans la vie sociale, on tend à faire de la technique un facteur absolument autonome, au lieu d'y voir une expression de l'orientation d'ensemble de la société contemporaine.

Et là où l'on peut voir que « l'essence de la technique n'est absolument rien de technique » voir Heidegger, La Question de la technique).

Aussi, penser que nous ne sommes pas responsable du développement technique, c'est penser que la technique est neutre, qu'aucune instance politique, idéologique n'est à l'origine de grandes orientations de celle-ci.

On ne vit pas dans un monde de machines indépendantes, derrière il y a un projet de civilisation.

Aussi, il doit toujours y avoir une part de spirituel, de projet humain derrière la technique.

L'homme doit être conscient de ce projet.

Le véritable danger de la technique est de produire celle-ci alors que l'homme n'est pas encore prêt pour la maîtriser, ou que sa visée n'est pas le bien de l'humanité.

Une technique n'apparaît jamais sans raison, elle doit correspondre aux besoins du temps. 3) Le progrès technique nuit-il à l'intégrité de la nature ? Selon Martin Heidegger dans la question de la technique dans Essais et conférences : « Elle aussi est un dévoilement.

C'est seulement lorsque nous arrêtons notre regard sur ce trait fondamental que ce qu'il y a de nouveau dans la technique moderne se montre à nous. Le dévoilement, cependant, qui régit la technique moderne ne se déploie pas en une pro-duction au sens de la poiesis.

Le dévoilement qui régit la technique moderne est une pro-vocation) par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite et accumulée.

» C'est ce qu'il appelle l'arraisonnement du monde.

Cet arraisonnement n'a rien en vérité de technique.

Il fait la différence entre le commettre et le dévoilement.

Cet arraisonnement entrave le véritable dévoilement qui n'est possible en définitive qu'avec l'art.

La technique provoque la nature, et la transgresse au sens la science moderne a permis à l'homme d'aller au-delà de ses limites.

Un paysan par exemple en labourant sa terre ne la provoque pas.

Il n'y a plus d'accord entre l'homme et la terre, il doit la transformer pour en tirer une énergie, une matière qui ne se trouve pas comme telle disponible.

Construire un barrage, une carrière de minerais, une centrale nucléaire est une provocation. Sciences & techniques obéissent à un destin commun qui est celui de la rationalité.

Le principe fondateur de celle-ci est le principe de raison selon lequel l'homme doit rendre raison de tout ce qui est.

L'homme se trouve soumis à un impératif dont il ne perçoit plus l'origine.

Il est alors exposé à un danger suprême: celui de perdre toute possibilité d'entendre le sens d'être autrement que dans son acception technique.

Pour la technique, le réel est un fonds destiné à l'arraisonnement. La technique peut donc se retourner contre la nature après en être issue et constituer un danger pour elle, et ce en un sens qui n'est pas exclusivement matériel, mais qui est aussi spirituel.

Dans son analyse de la technique, Heidegger, très au-delà de la bonne conscience écologique, met en lumière une certaine relation d' « arraisonnement » : à force de vouloir se rendre « maître et possesseur de la nature », comme le disait Descartes, l'homme met, selon la riche métaphore heideggerienne, la nature « à la raison » : Heidegger parle aussi d' « arraisonnement » , comme si la technique abordait la nature en pirate ; Qu'est-ce à dire ? Dans sa conférence titrée « La question de la technique », Heidegger part de la question suivante : « quelle est donc l'essence de la technique moderne pour que celle-(ci puisse s'aviser d'utiliser les sciences exactes de la nature ? » Pour répondre à cette question, il faut inverser le rapport traditionnel entre science et technique.

En apparence, la technique suit les sciences exactes de la nature ; en réalité, la relation est presque inverse : c'est l'application technique qui renforce un certain aspect de ces sciences naturelles : « La physique moderne n'est pas une physique expérimentale parce qu'elle applique à la nature des appareils pour l'interroger, mais inversement : c'est parce que la physique –et déjà comme pure théorie- met la nature en demeure de se montrer comme un complexe calculable et prévisible de forces que l'expérimentation est commise à l'interroger », ajoute Heidegger.

Et peut-être en effet peut-on aller jusqu'à dire que lorsque la science travaille, elle a déjà en vue les applications techniques, qui peut-être alors l'orientent dans ses travaux : c'est bien ce que veut dire Heidegger quand il dit que c'est pour appliquer son « questionnement », sa mise à la question, que la physique est expérimentale. La technique humaine, explique-t-il plus largement, accomplit un destin remontant à la philosophie grecque et au nom duquel elle organise la nature en objet : ce faisant, l'homme viole et épuise un certain « fonds », non pas celui des réserves quantitatives de minéraux, mais celui d'une réserve de dévoilement et d'étonnement.

est-il d'ailleurs si faux que notre rapport à la nature soit devenu à ce point médiatisé par la technique que nous ayons du mal à voir ce qu'est la nature ? Bref, c'est cet enjeu de la technique qui, aux yeux de Heidegger, illustre le mieux l'oubli de l'Etre dont il veut se faire le penseur.

Mais, dire que la technique contribue à l'oubli de l'Etre, ce n'est certes pas le rejeter en tant que telle : ce serait un grand contresens que de voir pour autant chez Heidegger une diabolisation ou un refus de la technique. « Nous pouvons utiliser les objets techniques et nous en servir normalement, mais en même temps, nous en libérer, de sorte qu'à tout moment nous conservions nos distances à leur égard.

Nous pouvons faire usage des objets techniques comme il faut qu'on en use.

Mais nous pouvons, du même coup, les laisser à eux-mêmes comme ne nous atteignant pas dans ce que nous avons de plus intime et de plus propre.

Nous pouvons dire « oui » à l'emploi indispensable des objets techniques et nous pouvons en même temps lui dire « non », en ce sens que nous les empêchions de nous accaparer et ainsi de fausser, brouiller et finalement vider notre être.

Mais si nous disons ainsi à la fois « oui » et « non » aux objets techniques, notre rapport au monde technique ne devient-il pas ambigu et incertain ? Tout au contraire.

Notre rapport au monde technique, devient d'une façon merveilleuse, simple et paisible.

» Heidegger. Pour Heidegger, le phénomène fondamental des Temps modernes est la technique dont la science n'est qu'une des multiples facettes.

La technique n' ajs simplement chez lui un sens étroitement technologique, mais a une signification métaphysique et caractérise le type de rapport que l'homme moderne entretient avec le monde qui l'entoure.

la position fondamentale des Temps modernes, « n'est pas technique parce qu'on y trouve des machines à vapeur, bientôt suivie du moteur à explosion.

Au contraire des choses de ce genre s'y trouvent parce que cette époque est l'époque technique ». On se représente traditionnellement la technique comme la mise en oeuvre de procédés pour obtenir un résultat déterminé.

La technique est une activité humaine consistant dans la fabrication et dans l'utilisation d'instruments ou de machines répondant aux besoins de l'homme.

Selon cette façon banale de voir, les installations techniques modernes ne seraient pas essentiellement différentes des installations techniques artisanales ni même des outils employés dans les anciens métiers.

Elles permettraient simplement d'obtenir avec une rapidité et une efficacité sans cesse accrues ce qui demandait autrefois de longs efforts ou était même hors de portée de l'homme.

Cette représentation instrumentale de la technique est bien exacte mais elle n'est pas pour autant vraie c'est-à-dire ne nous révèle pas encore l'essence de la technique.

Elle tend en outre à nous laisser croire que la technique moderne serait quelque chose que l'homme aurait à sa disposition et dont il pourrait se rendre maître. « Le dévoilement qui régit la technique moderne est une provocation par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui comme telle puisse ê extraite et accumulée ».

L'interrupteur électrique, objet technique fait venir la lumière, la dévoile, mais ce dévoilement, loin de signifier le surgissement ou le jaillissement de l'être, est une sommation à comparaître.

De la même façon, la centrale électrique met le fleuve en demeure de livrer sa pression hydraulique, qui met elle-même en demeure les turbines de tourner qui mettent elles-mêmes le courant électrique en demeure de circuler.

L'industrie extractive met le sol en demeure de livrer le charbon qu'il recèle. L'agriculture moderne met la nature en demeure de produire les fruits qu'elle porte en elle. Heidegger caractérise cette essence provoquante de la technique par le terme « Das Gestell », auquel il donne une signification inédite, celle d'arraisonnement.

« Gestell : ainsi appelons nous le rassemblement de cette interpellation qui requiert l'homme, c'est-à-dire qui le provoque à dévoiler le réel comme fonds dans la mode du commettre. Ainsi appelons- nous le dévoilement qui régit l'essence de la technique et qui n'est lui-même rien de technique ».

La technique moderne, en tant que « Gestell », ne règne pas seulement là où l'on utilise des machines, même si ces dernières jouissent « d'une situation privilégiée...

fondée sur la priorité accordée à tout ce qui est matériel, c'est-à-dire supposé élémentaire et objectif au premier chef », mais « englobe tous les secteurs de l'étant ».

La science moderne, en particulier, à travers le projet mathématique de la nature, met la nature matérielle en demeure de se montrer comme un complexe calculable de forces, et est ,de ce point de vue, régie de part en part par l'essence de la technique. Dans l'horizon du comportement provoquant, l'homme n'a plus affaire à des objets, mais considère tout ce qui est dans une perspective utilitaire comme un fonds disponible : « Tout (l'étant dans sa totalité) prend place d'emblée dans l'horizon de l'utilité, du commandement, ou mieux encore de celle du commanditement de ce dont il faut s'emparer...

Plus rien ne peut apparaître dans la neutralité objective d'un face à face.

Il n'y a plus que [...] des stocks, des réserves, des fonds .

» Dans ce vaste fonds que sont la nature et le monde en général, l'homme lui-même, la plus importante des matières premières, devient un fonds dont il faut s'assurer de la disponibilité... L'exploitation de l'étant ne s'effectue pas au hasard, mais de façon méthodique, selon des plans. L'exploitation de l'étant ne s'effectue pas au hasard mais de façon méthodique, selon des plans.

La planification n'a pas simplement pour objet de prévoir et de prévenir les besoins futurs de l'humanité, mais bien plutôt d'organiser, de mettre en ordre ce qui est afin d'en garantir la disponibilité.

La mise en ordre de l'étant est une des composantes essentielles du processus d'exploitation de la nature, car elle est la condition de possibilité de sa réussite, c'est-à-dire de son développement. Cette planification à outrance, ce dirigisme qui règne sur tous les districts de l'étant, ne veut pas dire pour autant que l'homme serait le maître ni même l'organisateur de ce processus d'exploitation planétaire.

Loin d'être entre les mains de l'homme, la technique, en tant qu'arraisonnement, tient l'homme en son pouvoir.

: « ...

il y a longtemps que les puissances qui, en tout lieu et à toute heure, sous quelque forme d'outillage que ce soit, accaparent et pressent l'homme, le limitent et l'entraînent, il y a longtemps que ces puissances ont débordé la volonté et le contrôle de l'homme, parce qu'elles ne procèdent pas de lui ».

L'homme n'est pas le sujet mais le « fonctionnaire » de la technique.

Les dirigeants, les technocrates, contre l'arbitraire desquels il est devenu monnaie courante de s'indigner, ne sont eux-mêmes que les « ouvriers » requis pour mettre en sûreté la totalité de l'étant et qui ont reçu pouvoir de décision pour cela. De plus, la technique suscite elle-même les besoins qui vont lui permettre d'accroître sa domination.

Il serait illusoire de croire, en particulier, que les avancées technologiques travailleraient à l'avènement d'une vie plus heureuse sur cette terre.

Cette croyance est cependant soigneusement entretenue, car elle permet de justifier la poursuite de l'exploitation organisée de l'étant.. »

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