Quelle valeur morale attribuez-vous à la pitié ?
Extrait du document
«
Introduction
"DEVENEZ DURS" écrit Nietzsche.
Selon lui, la pitié énerve par Contagion la « volonté
de puissance », fait du fort un faible, donne une âme de vaincu à qui était lait pour
vaincre ; elle maintient et multiplie par le monde les faibles, qui vont submerger les
forts.
Si l'on dégage la formule nietzschéenne de son contexte doctrinal, il semble
qu'elle garde une valeur directe et générale La vraie vertu — c'est le sens premier du
mot.
— est vigueur, effort tendu, aptitude virile à la lutte ; il n'est pas de vertu sans
dureté.
Mais la vertu n'est-elle pas aussi sociabilité, disposition à l'entraide,
compréhension et soutien du faible ? Ce qui explique l'apologie de la pitié par tant de
moralistes, avant tout chrétiens.
On ne peut la juger que si l'on sait d'abord
précisément ce qu'elle est.
I.
— Analyse de la pitié.
Il ne suffit pas de dire qu'elle est la sympathie dans le malheur.
Car la sympathie revêt
plusieurs formes.
Elle peut être à la rigueur une fusion affective, la perte de soi en
autrui souffrant.
Mais la pitié est une sympathie plus complexe.
Si elle comporte une
participation à la souffrance d'autrui, elle suppose pourtant, en celui qui l'éprouve, la
conscience distincte de sa situation propre.
Sans doute on fait sienne en quelque
mesure la misère de l'autre, mais on la considère encore d'un point de vue personnel
et privilégié ; on se sent extérieur et supérieur à celui qui inspire la pitié ; attitude
ambiguë et instable qui déterminera des conduites différentes et même opposées.
II.
EN QUEL SENS ON PEUT ET ON DOIT PENSER PAR SOI-MÊME
— A — Action et pensée.
Bien comprendre la position de Descartes: les nécessités de l'action sont impérieuses et il faut
souvent prendre partie sans raison suffisante : « Les actions de la vie ne souffrant souvent aucun délai, c'est une vérité
très certaine que, lorsqu'il n'est pas en notre pouvoir de discerner les plus vraies opinions, nous devons suivre les plus
probables ».
L'idéal reste pourtant d'agir selon les vérités que nous découvrons par un usage convenable de notre raison
et en commençant par nous défaire de tous préjugés.
Même s'il devait toujours rester quelque chose d'irrationnel dans
l'action, nous n'en devrions pas moins nous efforcer de penser par nous-mêmes : l'ordre spéculatif doit être
soigneusement distingué de l'ordre pratique, le jugement de l'action (Cf.
Pascal: « j'aurai aussi mes idées de derrière la
tête »).
L'essentiel est de garder son jugement libre, en se méfiant des passions qu'entraîne toute action, surtout
collective.
— B — Penser et repenser.
Cette liberté de jugement ne peut d'ailleurs s'acquérir qu'à l'école des Maîtres.
Il faut
commencer par penser par autrui si l'on veut parvenir à penser par soi-même ; mais il convient de ne jamais oublier que,
comme le disait Kant: « les élèves doivent aller à l'école, non pour y apprendre des pensées, mais pour y apprendre à
penser et à se conduire ».
Or il est remarquable que c'est en s'efforçant de penser par lui-même (comme ont fait tous les
grands penseurs) que l'individu rejoint le mieux l'humanité.
S'il est vrai que tout point de vue est faux, il est vrai aussi que,
selon une idée de Hegel, tout système est vrai en un certain sens, qu'il s'agit précisément de découvrir.
En lisant les bons
auteurs, on découvre ce qu'un écrivain contemporain a appelé « la communauté des grands esprits », c'est-à-dire qu'on
s'aperçoit que la vérité est universelle et que chacun peut y parvenir par ses propres moyens.
— C —, La pensée libre.
Mieux, chacun doit y parvenir par ses propres moyens.
« Pensez par vous-mêmes n'est pas
seulement un conseil théorique.
C'est une obligation morale.
Nous avons le devoir de nous servir de notre raison et de
résister à la paresse naturelle qui nous pousse à laisser les autres penser à notre place.
Sans doute il est difficile de
penser par soi-même, mais c'est à cette condition seulement que l'on est homme ».
« Toute notre dignité, disait Pascal,
consiste en la pensée [...].
Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la
morale ».
Et bien penser, penser vraiment, c'est se fier à la raison, juger selon sa
conscience et non selon la coutume ou selon l'humeur.
L'homme libre ne doit pas
s'abandonner l'automatisme ni se laisser guider par les caprices de son imagination ; il
ne doit pas non plus céder aux pressions de l'opinion, du milieu, mais se soucier
seulement de former des pensées justes : « l'individu qui pense contre la société qui
dort, voilà l'histoire éternelle, et le printemps a toujours le même hiver à vaincre »
(Alain).
CONCLUSION
Ainsi, quelles que soient les difficultés, nous devons nous efforcer de penser par nousmêmes, c'est-à-dire de n'écouter en nous, comme disait Socrate, que la voix de la
raison.
Cette attitude n'est pas inconciliable avec les nécessités de l'action, mais
conduit plutôt à une action sans fanatisme ; elle n'aboutit pas non plus à isoler
l'individu dans une stérile originalité : au contraire elle seule permet de former des
pensées vraiment humaines en formant des pensées justes.
« La plus haute valeur
humaine, dit Alain, c'est l'esprit libre »..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La pitié est-elle morale ?
- La morale peut-elle être fondée sur la pitié ?
- La princesse de Clèves: morale et société
- la morale peut-elle s'enseigner
- Suffit-il de faire son devoir moral pour être morale ?