Quelle est la fonction de l'État: assurer notre liberté ou notre bonheur ?
Extrait du document
«
Introduction :
Bien définir les termes du sujet :
- « Fonction de l'Etat » : charge institutionnelle de l'Etat, ce qu'il doit accomplir pour jouer son rôle.
Celui-ci est
essentiellement politique, et est déterminé par les institutions, et les textes de lois.
- « La liberté » au sens général, est le pouvoir de se déterminer rationnellement, sans y être contraint par une force
extérieure.
Plus particulièrement, c'est aussi le pouvoir d'agir à sa guise dans la limite des lois, sans nuire à autrui.
- « Le bonheur » est un état stable de plénitude, de satisfaction, qui se caractérise par une absence complète de
troubles.
C'est la satisfaction de toutes les inclinations.
- L'emploi du terme « assurer » - notre liberté ou notre bonheur - implique une sorte de certitude et une certaine
garantie quant à l'obtention de ce bonheur ou de cette liberté, ce qui demande une "efficacité" de l'Etat.
Construction de la problématique :
Le sujet implique un choix : bonheur ou la liberté.
Il faudrait se pencher sur les différences conceptuelles
entre les termes de bonheur et de liberté, pour voir lequel des deux est le moins étranger à l'Etat (et lequel ce
dernier serait donc plus en mesure d' « assurer ».).
La définition de la liberté contient une double dimension, elle concerne aussi bien l'individu particulier que le
citoyen, alors que le bonheur n'a à voir qu'avec l'individu considéré dans sa singularité.
Se pose donc la question de savoir de quelle manière et dans quelle mesure l'Etat peut assurer notre bonheur
et notre liberté, et si c'est légitime.
I/ L'Etat doit assurer le bonheur et la liberté des citoyens :
Dans l'Antiquité, la sphère politique est celle de la liberté par excellence, elle caractérise la Cité qui vise le
bien vivre.
• Etre libre dans l'Antiquité, c'est participer à la vie de la Cité.
Cf.
Aristote La Politique, c'est-à-dire se regrouper
pour parler des choses communes.
Par la délibération politique, la Cité assure donc la liberté des citoyens.
• Cette liberté acquise au sein de la Cité permet de parvenir au Souverain Bien (= la « vie heureuse », le bonheur).
Cf.
La Politique, d'Aristote.
En effet, le bonheur consiste pour Aristote en l'accomplissement de soi, de ce qui nous
est propre, et la délibération politique en fait partie (ce qui nous est propre est l'activité de l'âme en conformité
avec la raison, et la délibération politique est une partie de cette activité)
- Ceci sans compter que l'homme est un « animal politique » (= un être sociable), et qu'en permettant le
rassemblement des individus, la Cité permet l'accomplissement de cette nature sociable, et donc l'accomplissement
de soi, et donc le bonheur.
• L'homme qui vit dans la cité sera donc heureux et libre, puisque tel est le but de la Cité.
C'est au second chapitre du premier livre de la « Politique » que l'on retrouve en
substance la formule d'Aristote.
On traduit souvent mal en disant : l'homme est un « animal
social », se méprenant sur le sens du mot « politique », qui désigne l'appartenance de l'individu à
la « polis », la cité, qui est une forme spécifique de la vie politique, particulière au monde grec.
En disant de l'homme qu'il est l'animal politique au suprême degré, et en justifiant sa position,
Aristote, à la fois se fait l'écho de la tradition grecque, reprend la conception classique de la
« cité » et se démarque des thèses de son maître Platon.
Aristote veut montrer que la cité, la « polis », est le lieu spécifiquement humain, celui où seul peut
s'accomplir la véritable nature de l'homme : la « polis » permet non seulement de vivre mais de
« bien vivre ».
Il affirme de même que la cité est une réalité naturelle antérieure à l'individu : thèse
extrêmement surprenante pour un moderne, et que Hobbes & Rousseau voudront réfuter,
puisqu'elle signifie que l'individu n'a pas d'existence autonome et indépendante, mais appartient
naturellement à une communauté politique qui lui est « supérieure ».
Enfin Aristote tente de
différencier les rapports d'autorité qui se font jour dans la famille, le village, l'Etat, et enfin la cité
proprement dite.
La cité est la communauté politique au suprême degré et comme elle est spécifiquement humaine,
« L'homme est animal politique au suprême degré ».
En effet la communauté originaire est la
famille : c'est l'association minimale qui permet la simple survie, la reproduction « biologique » de
l'individu et de l'espèce.
Composée du père, de la mère, des enfants et des esclaves, elle répond à
des impératifs vitaux minimaux, à une sphère « économique » comme disent les Grecs.
« D'autre
part, la première communauté formée en vue de la satisfaction de besoins qui ne sont pas
purement quotidiens est le village.
»
Il faut comprendre que famille et village sont régis par le besoin, par la nécessité naturelle de la vie, et ne sont pas propres à l'humanité.
Le cas de la « polis » est différent.
« Ainsi, formée au début pour satisfaire les besoins vitaux, elle existe pour permettre de bien vivre.
» Dans la
« polis » se réalise tout autre chose que la simple satisfaction des besoins : sa fonction initiale (satisfaire les besoins vitaux) découvre autre chose
de beaucoup plus important : non plus le vivre mais le bien vivre.
Non plus la simple vie biologique mais l'accès à la vie proprement humaine, qui
dépasse la sphère économique pour atteindre la sphère morale.
« Car c'est le caractère propre de l'homme par rapport aux autres animaux d'être le seul à avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de
l'injuste, et des autres notions morales, et c'est la communauté de ces sentiments qui engendre famille et cité.
»
Seule la cité, la « polis », transcende les simples nécessités vitales et animales et permet à l'homme d'accéder à sa pleine humanité.
Elle naît de la
mise en commun de ce qui est spécifiquement humain : la raison et les sentiments moraux.
Ainsi les modernes ont-ils tort de parler « d'animal
social » : ce qu'Aristote désigne est moins l'appartenance à une communauté quelconque, ou encore régie par des intérêts « économiques », que.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La fonction de l'Etat est d'assurer la liberté (SPINOZA)
- La fonction de l'État : assurer la liberté
- l'Etat a-t-il pour fonction d'assurer le bonheur des individus ?
- Kant: Liberté et bonheur
- Le bonheur est-il préférable à la liberté ?