Quelle connaissance la science nous donne-t-elle de la réalité ?
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«
INTRODUCTION
Rappeler la loi des trois états d'Auguste Comte et les espoirs mis en la science par le positivisme d'abord, puis par ce
qu'on appelle le scientisme.
Les explications théologico-métaphysiques, qui prétendaient atteindre l'absolu, ne
parvenaient pas à réaliser cet accord des esprits à quoi l'on reconnaît qu'une connaissance est certaine.
Les
explications positives de la science, au contraire, semblent s'imposer à tous et être hors de discussion.
On pourrait
donc croire que la science, et la science seule, nous donne du réel Une connaissance véritable.
Toutefois, dès la fin
du XIXe siècle, certains auteurs dénoncent ce que Brunetière appelle « la faillite de la science ».
Émile Boutroux,
déjà (De la contingence des lois de la nature, 1874), pensait que « le point de vue de l'entendement », qui est celui
de la science, n'était pas « le point de vue définitif de la connaissance des choses ».
Après lui Bergson et ses
disciples insisteront sur les insuffisances de la connaissance scientifique.
Nous allons nous demander d'abord en quoi
consiste cette connaissance scientifique pour déterminer ensuite dans quelle mesure elle nous permet d'atteindre la
réalité.
I.
QU'EST-CE QUE LA CONNAISSANCE SCIENTIFIQUE ?
— A — Caractères généraux de la science.
La science, selon Lalande, poursuit un triple effort d'assimilation :
assimilation des choses entre elles, assimilation des choses à l'esprit, assimilation des esprits entre eux.
Tout
d'abord, en effet, le savant cherche à découvrir l'unité et l'identité sous la multiplicité et la diversité des apparences
; l'explication est toujours, comme l'a montré Meyerson, une identification ; expliquer un phénomène, c'est montrer
qu'il est lié à un autre phénomène qui est sa cause et retrouver en quelque sorte la cause dans l'effet (par exemple,
l'hydrogène et l'oxygène dans l'eau).
D'autre part, la science s'efforce d'assimiler les choses à l'esprit, c'est-à-dire
de les rendre intelligibles ; l'intelligible est ce en quoi la raison se retrouve, se reconnaît ; ou en d'autres termes ce
qu'elle comprend.
Dire que le savant s'efforce de comprendre les phénomènes, c'est dire qu'il cherche à donner du
monde une représentation intelligible et rationnelle.
Or précisément seule une telle représentation est susceptible de
réaliser l'accord des esprits, leur assimilation.
C'est dans la mesure où ils se retrouvent dans une représentation
commune de l'univers que les différents esprits ont conscience de leur communauté.
On voit donc qu'en définitive la
connaissance scientifique est une connaissance qui vise à nous donner du monde une représentation rationnelle.
Elle
ne peut y parvenir, évidemment, qu'en saisissant les phénomènes à travers les principes mêmes de la raison, en
soumettant les apparences aux exigences de la raison.
De là certains principes de la connaissance scientifique qui
sont la condition de cette représentation rationnelle du monde, qui est le but de la science.
B — Les principes de la connaissance scientifique.
On peut, en s'inspirant des grands philosophes de la science
du XIXe siècle (Comte, Claude Bernard, Poincaré), considérer que les trois principes essentiels de la connaissance
scientifique sont le déterminisme, le relativisme et le matérialisme.
— Le principe du déterminisme consiste à poser
que tout phénomène a une cause et que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, ou encore que
rien ne peut se produire dans le monde sans que des conditions nécessaires soient remplies.
Claude Bernard disait
de ce principe qu'il est « le principe absolu des sciences expérimentales » et il ajoutait que « si un phénomène se
présentait dans une expérience avec une apparence tellement contradictoire, qu'il ne se rattachât pas d'une
manière nécessaire à des conditions d'existence déterminées, la raison devrait repousser le fait comme un fait non
scientifique ».
C'est qu'en effet un phénomène sans cause serait inintelligible.
— Le principe du relativisme
caractérise la science, selon Auguste Comte, par opposition à la métaphysique.
Il signifie, en effet, que le savant ne
prétend pas atteindre l'absolu et qu'il cherche seulement à établir entre les phénomènes des relations constantes.
On peut énoncer ce principe en disant que tous les phénomènes de la nature sont reliés les uns aux autres et que
par suite toute connaissance est relative à d'autres connaissances.
C'est ce que voulait dire Poincaré quand il
écrivait que « la science est un système de relations ».
— Enfin la science est matérialiste en ceci qu'elle s'efforce
d'expliquer les phénomènes naturels sans faire intervenir des âmes ou des puissances cachées ; le principe du
matérialisme dans la science pourrait s'énoncer sous la forme suivante : « tout est extérieur à tout ; il n'y a point
d'intérieur dans les choses ».
— C — Les tendances mathématiques de la science.
Ces principes de la connaissance scientifique expliquent
qu'elle tende aux Mathématiques comme à son idéal.
L'intelligibilité qu'elle recherche à travers ces principes, en
effet, se trouve au plus haut point dans les Mathématiques.
Les objets mathématiques sont parfaitement rationnels
et la méthode déductive qu'emploie le mathématicien est la seule qui satisfasse pleinement la raison.
Aussi voit-on
que le savant cherche toujours à considérer son objet sous un aspect mathématique, c'est-à-dire à substituer des
déterminations quantitatives à des données qualitatives.
C'est ainsi qu'à des notions vagues et subjectives comme
sont les notions de froid, de tiède cm de chaud On substitue des degrés mesurables, c'est-à-dire des notions
précisas et objectives.
Les sensations que nous éprouvons sont vagues et subjectives précisément parce qu'elles
sont qualitatives ; le mesurable est au contraire précis et objectif parce qu'il relève de la raison et non de la
sensibilité.
C'est pour cela que Poincaré disait des Mathématiques qu'elles fournissent au Physicien « la seule langue
qu'il puisse parler ».
C'est pour cette même raison que Descartes voulait que toutes nos connaissances eussent la
forme mathématique et rêvait d'une science dont les démonstrations fussent à l'image de « ces longues chaînes de
raison toutes simples et faciles dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles
démonstrations ».
Cette idée d'une « mathématique universelle » semble s'être en partie réalisée puisqu'on parle
aujourd'hui d'Astronomie mathématique et de Physique mathématique, et que d'une façon générale les
mathématiques semblent jouer un rôle de plus en plus important dans toutes les sciences.
Mais la question est de
savoir dans quelle mesure cette intervention des Mathématiques, si caractéristique de la science, ne traduit pas le
caractère artificiel de la connaissance scientifique..
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