Quel rôle la conscience joue-t-elle dans la perception ?
Extrait du document
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Termes du sujet:
Perception: Du latin percipere, saisir par les sens, recueillir, comprendre.
Faculté par laquelle le moi se forme, à partir de ses
sensations, une représentation unifiée des objets extérieurs à lui.
Lorsque je perçois quelque chose, je le vise en fait sous la forme d'un « comme » : je me rapporte à la cruche comme à ce qui sert
à boire, etc.
C'est en ce sens qu'il n'y a pas de perception sans signification.
Surtout, la conscience constitue la perception : par exemple, je ne verrai jamais d'un seul regard les six faces d'un cube.
Il faut donc
que ma conscience fasse la synthèse des différents moments perceptifs (le cube de devant, de côté et de derrière) pour construire ma
représentation du cube.
Toute perception est une construction qui suppose une de la
conscience : c'est ce que Husserl nomme la synthèse temporelle passive – passive, parce que ma conscience opère cette synthèse
sans que je m'en rende compte, et temporelle, parce qu'elle synthétise différents « moments » perceptifs qui se succèdent.
Introduction
La perception semble être une action automatique dans l'existence humaine : nous ne réflechissons pas pour percevoir, la vision des
objets se fait par exemple de façon spontanée.
Cependant, il nous est possible de prendre cette perception elle-même comme objet de
conscience ; et c'est par là-même que peuvent se déterminer une perception correcte ou erronée.
C'est donc que la prise de
conscience de notre perception joue un rôle décisif quant au statut de celle-ci...
Mais de quelle manière ? La conscience est-elle
réellement constituante de notre perception ? Où n'est-elle qu'un outil secondaire, peut-être décisif, mais néanmoins extérieur ?
I Un rôle de correction extérieure : Descartes et Leibniz
-Descartes : le cogito (Discours de la méthode) me permet de découvrir le fondement de toute évidence (fondant ainsi déjà la
certitude de ma propre existence) : mon état de conscience, que je découvre comme conscience de moi-même.
Ce cogito permet de
trouver la certitude de base pour établir l'édifice de la science, et son critère : l'évidence, comme vertu claire et distincte fournie par la
conscience.
Dès lors, percevoir correctement c'est ramener une perception à des éléments simples et fondateurs, évidents, selon le
modèle absolu d'évidence donné par la conscience.
-Leibniz : la conscience permet ainsi, par la conscience de cette conscience première qu'est la perception, d'établir des critères
normatifs pour toutes nos perceptions.
C'est le rôle des définitions réelles mais non causales mais , qui sans révéler la nature profonde
de l'objet, nous en fournit les critères de reconnaissance : le vif-argent est ainsi un fluide très lourd et assez volatile (Discours de
métaphysique).
La conscience est donc la norme de la perception, horizon normatif de cette activité, et norme locale et pratique
comme définition identifiante de l'objet.
II Un rôle de fondation et d'unification : Kant et Husserl
-Kant : atténuer la différence de nature entre perception et conscience.
La conscience n'est plus la norme extérieure de la perception :
toute perception est déjà une forme pleine de conscience, à part entière ; c'est une forme de jugement dans le sens où c'est l'activité
de perception du sujet qui fonde la nature de son objet.
Ainsi, percevoir, c'est avoir fondamentalement une expérience de temps et
d'espace, qui sont les deux dimensions du jugement minimal de la conscience, qu'exprime la perception (Critique de la raison pure).
La
conscience joue donc un rôle de forme immanente (au même niveau) pour la perception.
-Husserl : aller plus loin encore que cette forme sensible de la conscience qu'est la perception.
Percevoir, c'est aussi percevoir sous la
forme "je perçois ici et maintenant".
Percevoir, c'est percevoir dans l'espace et le temps, mais aussi en tant que "je", personne
singulière et identique à elle-même au cours de ses perceptions (Méditations cartésiennes).
Dès lors, non seulement la conscience
forme la perception, mais elle l'unifie selon le lieu, l'espace et le sujet percevant.
III Un rôle de sélection : Nietzsche et Bergson
-Nietzsche : que la conscience forme et unifie la perception, c'est une chose ; mais elle ne constitue le fondement ultime de cette
perception.
Le rôle de la conscience est lui-même soumis à d'autres facteurs qui produisent eux-mêmes l'unité et la forme que semble
fournir la conscience.
Ainsi pour Nietzsche, toute perception est expression d'une volonté de puissance singulière ; la conscience n'est
qu'une illusion qui vient recouvrir le devenir permanent de l'expression des volontés de puissance (Par-delà bien et mal).
Percevoir,
c'est donc essentiellement changer, se changer soi-même, ce dont la conscience ne peut rendre compte que très partiellement.
-Bergson : cette partialité de la conscience est décrite par Bergson comme nécessaire.
Loin d'être la forme fondamentale de la
perception, qui relève plutôt pour Bergson de l'immédiateté de l'intuition, la conscience n'est qu'une rigidification spatialisée de cette
perception, laquelle se joue à un stade beaucoup plus inconscient de notre psychisme.
Mais cette émergence consciente de la
perception permet pour Bergson de renouveler nos perceptions moins conscientes (Matière et mémoire) : percevoir consciemment,
c'est donc nous rendre capables de nouvelles perceptions inconscientes.
Conclusion
-La conscience joue un rôle décisif dans la perception ; mais ce rôle n'est ni extérieur ni fondamental (interne).
La conscience n'est
qu'un moment du processus plus important de perception, relevant en majeure partie de notre inconscient.
-Mais effectivement, ce moment est indispensable : il est celui qui fait émerger le produit de cette activité réelle qu'est notre
perception, et qui révèle ainsi nos propres changements.
Sans cette prise de conscience de ces évolutions, le changement lui-même ne
pourrait plus se faire, n'aurait plus de sens.
-Il ne s'agit donc pas d'introduire la conscience là où elle n'apparaît pas encore, même de façon formelle : on risquerait de nuire à son
rôle de réactualisation de notre perception, en circonscrivant les possibilités de celles-ci aux catégories déjà produites de la conscience..
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