Quel est le sens de l'appel du retour à la nature ?
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«
Pour comprendre le sens d'un retour à la nature, il faut scruter les raisons qui poussent l'homme à y revenir qui peuvent différer suivant les époques.
Mais le
fond du problème reste que ce retour est une volonté de revenir aux origines, à une nature quasi sauvage avant l'apparition de l'homme.
C e qui peut
précipiter l'homme à revenir à la nature sont les dégâts causés par l'homme sur celle-ci par le biais de l'industrie, de la technique.
La civilisation elle-même
peut être jugée responsable de cette perte d'un rapport direct avec la nature.
Quelque chose s'est perdu dans le procès de la civilisation.
Mais est-ce une
quête pourvu de sens ou un pur irrationalisme dangereux pour toute la civilisation ?
1) Le sens du retour à la nature romantique.
A partir de la fin du 18 e siècle, la nature retrouve une certaine importance.
De nombreux progrès techniques réussissent à ce que l'homme ne soit plus
astreint à regarder la nature comme une simple réserve de nourriture ou comme le lieu de son travail.
On redécouvre la contemplation et on porte son regard
sur des choses qui ne sont plus immédiatement utiles.
Ce n'est pas un hasard si Kant, dans la Critique de la faculté de juger publiée en 1790, affirme que le
rapport au beau doit être libre de tout désir.
Le plaisir esthétique est une satisfaction ressentie à la vue d'une belle forme.
On regarde désormais les objets
tel qu'ils sont en eux-mêmes et non plus en fonction de ce qu' ils peuvent apporter On commence, entre autres à porter un intérêt à la formation des nuées
et à leur mouvement et cela d'une manière plus gratuite.
La pensée des Lumières entrevoit une nature réelle et mouvante capable de refléter les états d'âmes changeants des hommes.
Cela s'exprime en
particulier dans le mouvement Sturm und drang qu'on peut situer entre 1772 et 1781.
Goethe, qui est le chef de file de ce mouvement, fait dire à Faust dans
la première version du livre : « Le sentiment est tout ».
Il est l'un des premiers à exprimer en poésie ce retour à la nature.
Pour lui, la nature révèle des
formes originelles, elle est le lieu du panthéisme (de la présence de dieu dans la nature) dans ces poèmes, Goethe veut montrer l'omniprésence du créateur
à travers toute la création.
La nature dans la poésie allemande du 19e siècle est vue généralement comme un monde meilleur comparé à la ville et à la
civilisation.
Mais pour Goethe, la nature dévoile la présence d'une Raison lumineuse qui lui permet d'entrer dans un rapport harmonieux avec elle.
Les
romantiques verront la nature comme le lieu d'une force mystérieuse qui fait plonger l'homme dans les abîmes de l'univers.
Goethe contemple la nature mais
ne se charge pas de résoudre ses énigmes.
La réaction aux Lumières trop rationaliste prend donc des visages différents comme un retour à la nature mais à une certaine nature.
On peut rétorquer que
l'homme n'a jamais vraiment quitté l'idée de nature.
Mais ce que reproche les intellectuels romantiques, c'est une vision de la nature trop rationalisée par
l'homme, une nature qui ressemblerait aux jardins versaillais, trop organisée pour être elle-même.
L'anthropomorphisme visible dans les représentations
artistiques comme les paysages artistiques ou jardinier déplaît à ces penseurs.
C et excès de pittoresque, de rocailles et de fontaines baroques n'a plus de
sens dans une époque qui a compris le sens de l'origine et de l'originel.
Les strates de recouvrement de l'homme sur la nature doivent être détruites pour
trouver ce qui était là avant sa présence.
La nature sera retrouvé telle qu'elle se présente dans ce qu'elle a d'élémentaire.
Le romantisme est donc
caractérisé par la vision spéculative de l'unité cosmique et par la volonté de s'imprégner de la divine sacralité de la nature.
En ce sens, le génie allemand
aime vivre seul avec la nature et il est pieux au sens antique du terme, c'est-à-dire, pieux avec les Dieux et avec les éléments.
Il est enclin à voir dans la
nature des forces comme la manifestation du divin.
, l'art utilise le même langage que Dieu présenté sous forme hiéroglyphique.
La nature est à déchiffrer
pour y trouver l'absolu.
Tout homme devant la nature éprouve un certain sentiment du divin.
La redécouverte de la nature prend ici un sens véritablement religieux .A cela, on peut
trouver une raison historique.
La promenade est devenue une habitude depuis le 18 e siècle.
Jean- Jacques Rousseau dans La Nouvelle Héloïse, montre aussi
l'effet purificateur de la promenade en montagne : « Il semble qu'en s'élevant au-dessus du séjour des hommes, on y
laisse tous les sentiments bas et terrestres, et qu'à mesure qu'on approche des régions éthérées, l'âme contracte
quelque chose de leur inaltérable pureté.
» Les phénomènes de la nature ne doivent pas être compris seulement d'après
les lois de la matière, quelque bien combinées qu'elles soient ; ils ont un sens philosophique et un but religieux dont la
contemplation la plus attentive ne pourra jamais connaître toute l'étendue.
2) Le retour à la nature pour sauver l'art.
C'est finalement les idées rousseauistes qui perdurent dans le romantisme avec la thèse sous-jacente selon laquelle
l'entreprise conquérante de l'homme détruirait la nature.
L'homme est parti en guerre contre la nature, et il faut aller à la
recherche d'une autre nature, celle là intacte.
Pierre-Henri Valenciennes, peintre et théoricien [1] écrit : « Il faut partir
à la recherche d'une autre nature, intacte celle-là, farouche, solitaire, où l'on ne rencontre guère de présence humaine ;
abandonner toute rêverie sociale et devenir un voyageur, un exilé, un contemplateur séparé du monde.
» L'artiste doit
faire son choix, et quitter oui ou non, la civilisation.
On préfère au début du 19 e siècle la nature sauvage où l'homme n'a
rien touché, les montagnes plutôt que les villes habitées.
Le romantisme prône donc un retour général à la nature.
Barbizon, petite bourgade près de Fontainebleau accueillit un certain nombre de peintres dès les années 1820.
Ces
artistes y cherchèrent un retrait loin de la civilisation, et une certaine fuite de la société urbaine.
Vers les années 1830,
ces peintres atteignirent leur maturité artistique.
On compte à leur nombre, C orot, Daubigny, Diaz de la Pena, Théodore
Rousseau, Millet, Troyon.
C ependant, ils utilisèrent des moyens d'expression différents mais se rejoignirent par leur
volonté d'étudier le modèle sur le motif.
3) Un retour à la nature impossible.
Selon Rousseau, dans le Discours sur l'origine de l'inégalité, il pense que l'état primitif de l'homme, cet état de nature où l'être humain connaissait
l'innocence et la bonté, n'est peut-être qu'une vue de l'esprit, mais c'est une hypothèse qui doit nous faire regretter un passé qui n'est plus et qui ne
reviendra jamais, car l'histoire ne rétrograde pas.
L'homme de la nature est introuvable, on ne peut observer que l'homme social.
L'homme ne peut vivre
en dehors de la société, de la cité.
V ouloir imaginer un homme dans l'abstrait, en soi est impossible.
L'état de nature est bien plus une fiction que la
réalité.
De l'homme, retirée ses qualités naturelles, il ne reste plus qu'un animal.
Les préceptes de sagesse antique recommandent comme le stoïcisme
de suivre la nature.
Mais n'est-ce pas réduire la part de culture qu'il y a en l'homme ? Tout retour à la nature supprimerait les avancées culturelles.
Mais
en comprenant la culture comme prolongement de la nature, il serait peut-être seulement question de revenir à la source d'un ensemble nature/culture
constitutif de la nature humaine
Conclusion.
Le retour à la nature a un sens dans l'histoire de la civilisation et dans l'histoire, c'est une réaction contre une perte des valeurs et des origines, contre une
industrie triomphante contre une science trop présente et trop directive.
On revient à la nature mais pas à n'importe laquelle, pas à une nature
mathématisée mais à une nature mystérieuse quasi inhumaine.
La nature est la source de la culture, sa perte fait entrevoir la fin de la culture elle-même.
Il
s'agit en vérité de trouver le bon équilibre entre la nature et la culture et non de revenir à la nature entièrement.
[1] V alenciennes (1750-1819) Peintre de paysage attaché à l'esthétique néo-classique avec des tendances romantiques qui annoncent l'art de Corot..
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