Quel est le rôle du mythe en politique ?
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Il n’y a apparemment aucun rapport entre les mythes, récits fictionnels qui décrivent l’origine d’un état de chose, comme le mythe de la Genèse par exemple qui raconte l’origine du monde, et la politique, activité consistant à gouverner une communauté humaine. En effet, la politique porte sur le réel, non sur le fictionnel, et c’est une technique qui semble demander un certain nombre de connaissances sur le peuple à gouverner et les manières d’y arriver et non des discours métaphoriques comme les mythes.
Mais si les mythes ne peuvent apparemment que peu servir pour faire de la politique, ils peuvent peut-être avoir une certaine capacité pour décrire cette activité. La quatrième fable du Livre III de l’ouvrage de La Fontaine, intitulée « Les Grenouilles qui demandent un roi, » fait ainsi le récit d’une assemblée de Grenouille qui réclame un autre Roi que le doux Soliveau que leur a donné Jupiter et se retrouve à être gouvernée par une Grue qui les dévore. Ce récit est certes métaphorique mais vise à décrire les dangers du gouvernement politique et à mettre en balance deux défauts : la trop grande clémence d’une part et la tyrannie de l’autre. Le mythe semble donc bien avoir ici un rôle en politique, mais un rôle purement théorique : il symbolise et rend compréhensible cette activité complexe qu’est la politique.
Néanmoins, le mythe peut aussi avoir un rôle pratique : la communauté humaine que l’activité politique a à charge de gouverner peut l’être par des mythes. La première pièce du livre VIII des Fables, adressée à l’ambassadeur français en Angleterre et intitulée « le pouvoir des fables, » raconte ainsi comment un orateur sut se faire écouter du peuple d’Athènes en lui racontant une histoire et en la laissant en suspens. La communauté politique ne se réglant pas toujours sur la raison, il faudrait ainsi pour la gouverner savoir faire appel à ses passions et affections, et donc à des mythes religieux ou non. Grâce à eux on pourrait faire respecter des ordres ou des lois que l’on n’arriverait pas à faire admettre par la raison. Mais alors, ne risque-t-on pas de légitimer la manipulation des peuples par leurs dirigeants ? Ne leur dénie-t-on pas le droit et à la légitimité à se gouverner eux-mêmes si on ne peut s’adresser à eux que par des mythes et non par un discours rationnel qu’ils seraient capable de discuter ?
Le problème à résoudre ici est donc de savoir quelle est la valeur du mythe dans les affaires publiques d’une société : est-il uniquement descriptif ou est-il un outil pratique de cette activité ? De cette question dépend la réponse à une autre : dans quelle mesure peut-on légitimer l’emploi d’un discours non rationnel en politique ?
«
Il n'y a apparemment aucun rapport entre les mythes, récits fictionnels qui décrivent l'origine d'un état de chose,
comme le mythe de la Genèse par exemple qui raconte l'origine du monde, et la politique, activité consistant à
gouverner une communauté humaine.
En effet, la politique porte sur le réel, non sur le fictionnel, et c'est une
technique qui semble demander un certain nombre de connaissances sur le peuple à gouverner et les manières d'y
arriver et non des discours métaphoriques comme les mythes.
Mais si les mythes ne peuvent apparemment que peu servir pour faire de la politique, ils peuvent peut-être avoir
une certaine capacité pour décrire cette activité.
La quatrième fable du Livre III de l'ouvrage de La Fontaine,
intitulée « Les Grenouilles qui demandent un roi, » fait ainsi le récit d'une assemblée de Grenouille qui réclame un
autre Roi que le doux Soliveau que leur a donné Jupiter et se retrouve à être gouvernée par une Grue qui les dévore.
Ce récit est certes métaphorique mais vise à décrire les dangers du gouvernement politique et à mettre en balance
deux défauts : la trop grande clémence d'une part et la tyrannie de l'autre.
Le mythe semble donc bien avoir ici un
rôle en politique, mais un rôle purement théorique : il symbolise et rend compréhensible cette activité complexe
qu'est la politique.
Néanmoins, le mythe peut aussi avoir un rôle pratique : la communauté humaine que l'activité politique a à charge
de gouverner peut l'être par des mythes.
La première pièce du livre VIII des Fables, adressée à l'ambassadeur
français en Angleterre et intitulée « le pouvoir des fables, » raconte ainsi comment un orateur sut se faire écouter
du peuple d'Athènes en lui racontant une histoire et en la laissant en suspens.
La communauté politique ne se
réglant pas toujours sur la raison, il faudrait ainsi pour la gouverner savoir faire appel à ses passions et affections,
et donc à des mythes religieux ou non.
Grâce à eux on pourrait faire respecter des ordres ou des lois que l'on
n'arriverait pas à faire admettre par la raison.
Mais alors, ne risque-t-on pas de légitimer la manipulation des peuples
par leurs dirigeants ? Ne leur dénie-t-on pas le droit et à la légitimité à se gouverner eux-mêmes si on ne peut
s'adresser à eux que par des mythes et non par un discours rationnel qu'ils seraient capable de discuter ?
Le problème à résoudre ici est donc de savoir quelle est la valeur du mythe dans les affaires publiques d'une
société : est-il uniquement descriptif ou est-il un outil pratique de cette activité ? De cette question dépend la
réponse à une autre : dans quelle mesure peut-on légitimer l'emploi d'un discours non rationnel en politique ?
I./ Le mythe pour gouverner un matériau affectif : les communautés humaines.
A./ Le mythe est un discours fictionnel, qui prend la forme d'un récit, c'est-à-dire narre une histoire qui se déroule
dans le temps, et qui a pour objet l'origine d'un état de chose.
Par exemple, le mythe des Androgynes raconte
comment l'espèce humaine a été divisée en deux sexes par la démesure des êtres androgynes qui existaient
auparavant et qui furent séparés en deux par Zeus lorsqu'ils tentèrent de s'attaquer à l'Olympe.
Le mythe, à la
différence du conte ou de la légende, présente donc une histoire qui vient légitimer, expliquer par des entités
surnaturelles, l'état actuel des choses.
Il en rend ainsi raison, le rend moins arbitraire, et par conséquent annule
tout motif de se révolter contre lui.
B./ Or le premier des problèmes de la politique est d'empêcher que la communauté humaine qu'elle a à gouverner
sombre dans la guerre civile et les conflits internes.
La plupart de ces conflits sont dus à des inégalités au sein de
cette communauté.
Or même dans une Cité idéalement juste, où chacun ne recevrait que ce qu'il mérite, il y a de
telles disparités entre plusieurs parties de la communauté.
Platon par exemple, qui conçoit une telle Cité dans la
République, la divise aux livres II et III en trois classes : les artisans et paysans d'une part, les gardiens (c'est-àdire les militaires) d'autre part, les archontes (c'est-à-dire les dirigeants) enfin.
Seuls ceux qui font de la politique
peuvent comprendre la nécessité d'une telle tripartition pour que la Cité soit juste.
La politique porte sur le réel,
c'est une activité technique qui découle d'un savoir du réel, c'est-à-dire d'une science.
En tant que telle, elle ne
peut être enseignée qu'avec la dialectique, qui représente pour Platon le plus haut niveau de toutes les sciences.
Or, seuls les archontes et les gardiens doivent, selon le livre VII, recevoir un tel enseignement, car tous ne sont pas
par nature doués pour la spéculation, tous n'ont pas le « naturel philosophe.
» Voilà pourquoi on ne peut éviter la
stasis, c'est-à-dire la désunion de la Cité, qu'en employant ce que l'on trouve appelé au livre III des « mensonges
nécessaires, » qui font admettre cette tripartition en la légitimant par un mythe.
C./ Ainsi Socrate, porte-parole de Platon dans ce dialogue, exige que l'on persuade les citoyens de sa Cité idéale
« qu'en réalité ils étaient formés et élevés dans le sein de la terre […] et qu'à présent ils doivent regarder la terre
qu'ils habitent comme leur mère, la défendre si on l'attaque, et considérer les autres citoyens comme des frères,
sortis comme eux du sein de la terre.
[…] Mais le dieu qui [les] a formés a mêlé de l'or dans la composition de ceux
qui sont capables de commander ; de l'argent dans les gardiens ; du fer et de l'airain dans celle des laboureurs et
des autres artisans.
» Ce mythe renforce l'union de la Cité en en faisant une grande famille, mais aussi en légitimant
les inégalités de classes, et donc en supprimant une cause possible de conflits.
Platon emploie bien parfois des
mythes descriptifs, à visée théorique, mais jamais pour rendre compte de la politique.
On peut donc dire que la
politique devant être une science, seuls ceux qui ont cette science doivent gouverner et ils ne font aucun appel à
des mythes descriptifs de l'activité politique ; par contre ils sont dans la nécessité d'employer des mythes actifs afin
de rendre raison, sans pourtant employer la raison, de leurs mesures qui quoique rationnelles peuvent soulever des
mécontentements dans la population qui est avant tout dirigée par les affections et non par la raison.
Mais s'il est facile d'admettre que tous les hommes sont, à un moment ou un autre, soumis aux affections et aux
passions et non à la raison, cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut les entretenir dans cet état en employant
des mythes pour les gouverner.
Cela peut même avoir un effet contraire à celui recherché.
Y a-t-il alors une place
pour les mythes dans l'activité politique ?
II./ Mythes et superstitions : les dangers d'une politique fondée sur la fiction..
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