Quel est le critère qui permet de juger une oeuvre d'art ?
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«
Quel est le critère qui permet de juger d'une œuvre d'art ?
S'il fallait en tenter une définition en dehors de l'histoire de l'art ou d'une sémiotique, on pourrait dire que la critique d'art ne relève pas
d'une science ou d'une pratique théorique, qu'elle ne situe donc pas son objet comme objet de connaissance, mais le considère en tant
qu'il relève d'une pratique de l'interprétation.
Il est difficile en ces termes de trouver un critère évident et scientifique qui permette de
juger une œuvre d'art sans tomber dans l'académisme et l'habitude.
Le critère pour juger d'une œuvre ne serait-il pas finalement
subjectif ?
1) Le critère académique.
Le critère pour juger d'une œuvre d'art est tout simplement le respect des codes et des enseignements qui ont présidé à sa
réalisation, et par le respect de l'enseignement de l'école.
Comme le pense Charles Lebrun, de l'époque classique : « La matière doit
être prise noble, qui n'ait reçu aucune qualité de l'ouvrier.
Pour donner lieu au peintre de montrer son esprit et industrie, il la faut
prendre capable de recevoir la plus excellente forme.
Il faut commencer par la disposition, puis par l'ornement, le décoré, la grâce, la
vivacité, le costume, la vraisemblance et le jugement partout.
Ces dernières parties sont du peintre et ne se peuvent apprendre.
C'est
le rameau d'or de Virgile que nul ne peut trouver ni cueillir s'il n'est conduit par la fatalité.
» au temps de la fondation de l'Académie
française.
Le temps a passé depuis que la fondation de l'Académie française instaurait la dictature de l'académisme, pourtant, la
suspicion où est tenue, aujourd'hui plus que jamais, l'idée de beauté, a sans doute là son origine.
D'autant que l'académisme est une
hydre à cent têtes, tout discours sur le beau est spontanément normatif, et il n'en peut être autrement.
Premièrement, parce qu'il porte
sur une valeur et que toute valeur appelle un faire : il est difficile de porter, et encore plus d'expliciter pour le justifier, un jugement de
goût, sans inviter à refaire ce qui a été fait, ou du moins à poursuivre le même effort.
Deuxièmement parce que le beau comme valeur
est la norme de l'objet beau ; les qualités ou les structures qu'on décèle en cet objet apparaissent en effet constituantes et comme
appelées par lui, de la même façon que la santé est requise, organisée et défendue par l'organisme vivant.
Troisièmement, enfin, le
discours sur le beau est dogmatique aussi parce qu'il est un discours, il promeut la norme à la généralité du verbe.
2) Un critère normatif ?
Ce qui est en effet caractéristique de toute l'histoire de l'art, c'est que les traits retenus comme traits distinctifs des œuvres ne sont
jamais purement descriptifs mais en grande partie prescriptifs : il n'est pas possible de poser à la fois des règles et leurs exceptions ;
l'histoire de l'art est aussi théoriquement (par une nécessité qui fait se rencontrer Winckelmann, Lessing, Goethe) une critique d'art.
L'histoire définit une normalité de ses objets, mesurée sur les périodes les plus longues : les traits retenus pour une période n'en sont
caractéristiques que parce qu'ils sont distinctifs par rapport à ceux de toutes les autres périodes.
Si une œuvre enfreint ces traits, elle
s'oppose à une normalité de l'histoire.
C'est déjà en vertu de ce principe d'une perfectibilité dans l'histoire, posée par Vasari, que
Diderot reproche aux peintres de faire de mauvais Véronèse ou des copies maladroites de Carrache.
Tel sera aussi le principe de
classification descriptive retenu par Wölfflin : une partie caractéristique d'une œuvre est ce qui peut être désigné par son référent.
Le
goût d'une époque est fréquemment une réaction contre celui de l'époque précédente.
Les différentes étapes de l'histoire du goût ne
sont pas les phases successives d'une évolution continue, mais recèlent en elles-mêmes leur point de départ et leur terme.
Celui-ci est
marqué d'abord par la création d'un style, plus ou moins éphémère et, parallèlement, par l'apparition de modes, de « manies »,
d'engouements, qui s'épuisent par leur excès même.
On comprend que dans la définition même du goût, il n' y a pas uniquement des
prérogatives subjectives, mais le goût est façonné par l'entourage proche ou par la société.
3) Le respect du bon goût : un critère subjectif ?.
Le goût, en effet, désigne, d'une part, un « don » personnel, d'autre part un phénomène collectif, l'orientation d'une société ou d'un
milieu vers certaines formes d'art nettement déterminées ; c'est la faculté d'éliminer, de choisir, de créer des associations heureuses,
qui naît d'une certaine intuition de la qualité, de la « saveur » des choses, parallèle en somme à celle qui s'exerce sur le plan sensoriel
et gastronomique.
Le goût personnel est, en quelque sorte, un sixième sens, la faculté de déceler la beauté d'une forme, au-delà
d'adjonctions extérieures disparates et en faisant abstraction de l'opinion d'autrui.
Le goût c'est l'intuition de l'harmonie, le sens des
couleurs et des rythmes.
L'art de susciter des accords satisfaisants, de mettre en valeur les éléments rares ou précieux d'un ensemble
à première vue sans accents particuliers.
Chaque personnalité établit spontanément une sélection dans le « matériel » intellectuel ou
visuel mis à sa portée.
La mémoire enregistre, élimine, crée des hiérarchies.
Et ce choix, déterminé par le goût, modifie
l'environnement individuel, influence les choix ultérieurs et développe les tendances majeures de la personnalité.
Il n'en reste pas
moins que l'œuvre des peintres, des sculpteurs, des architectes peut exercer une influence décisive sur le goût, soit que les artistes
s'imposent d'eux-mêmes et imposent leur propre conception de la beauté, soit qu'ils se trouvent mis en vedette, protégés, imposés par
les puissants du jour.
Citons encore une fois Voltaire : « Le goût se forme insensiblement dans une nation qui n'en avait pas parce
qu'on y prend peu à peu l'esprit des bons artistes.
On s'accoutume à voir les tableaux avec les yeux de Le Brun, du Poussin, de Le
Sueur ; on entend la déclamation notée des scènes de Quinault avec l'oreille de Lulli, et les airs, les symphonies, avec celle de
Rameau.
On lit les livres avec l'esprit des bons auteurs.
» Quant à l'art de cour, des palais minoens aux salons de la princesse
Mathilde, certes il impose un style, mais il oriente aussi le goût, d'abord dans le pays où il est né, puis partout où s'exerce l'influence de
celui-ci.
Aussi le critère pour juger d'un œuvre d'art sera le bon goût, en somme l'harmonie, le respect d'une certaine décence, une
certaine normalité.
Conclusion.
Il est difficile de trouver un critère pour juger d'une œuvre d'art sans tomber dans l'académisme qui n'a plus beaucoup de sens dès
l'instant où l'on regarde l'histoire de l'art, la relativité des critères pour juger d'une œuvre d'art sont relatifs à l'époque.
Les critères de
l'époque classique ne sont pas ceux de l'époque romantique, comme ils ne sont pas ceux de notre époque.
Il est certainement vain de
chercher un critère objectif pour juger une œuvre d'art en dehors des critères subjectifs qui ont un rapport au bon goût..
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