Que peut on reprocher a la bonne conscience?
Extrait du document
«
Certains actes qu'on croit être fait par conscience morale sont parfois le fruit d'un égoïsme dissimulé.
Or un acte
moral n'a de valeur moral que s'il est désintéressé.
Ainsi on peut faire un acte charitable, bienveillant, on peut
respecter les règles de bienséances sans que cela soit véritablement moral car certains de ces actes peuvent être
accomplis par intérêt.
Par exemple je peux être charitable en faisant un don à des œuvres caritatives, mais je fais
peut être cela pour satisfaire mon ego, ma conscience morale, ou pour être bien vu par mes amis : d'où la question
de savoir ce qu'il y à reprocher à la bonne conscience.
La bonne conscience c'est la conscience morale et la
question peut surprendre car elle suppose qu'être moral peut faire l'objet d'un reproche.
Or la question est de savoir
ce qui constitue la valeur morale d'une action et rétrospectivement ce qui confère de la valeur à la conscience qui
l'exécute.
Car la bonne conscience peut signifier d'une part la conscience morale en tant qu'elle obéit aux
commandements du devoir moral, mais l'expression a aussi un sens péjoratif car elle désigne la conscience qui veut
le bien sans se donner les moyens réels de le satisfaire.
Ainsi agir moralement est-ce agir par bonne conscience ?
I
A : La bonne conscience désigne dans un premier sens la conscience qui se
veut bonne intrinsèquement dans la mesure où elle aspire au bien.
C'est
bonne conscience c'est la conscience morale.
Ainsi pour Rousseau dans
Emile, livre IV, la conscience morale nous détermine à aimer ce qui est juste
et en fait ainsi le mobile de mon action.
La conscience est un sentiment et
c'est en nous référant à elle que nous jugeons de la moralité des actions de
nos semblables.
Pour Rousseau la conscience est « un principe inné » c'est-àdire qu'elle est inhérente à la nature humaine ; elle est donc un sentiment
partagé par tous, ce qui fait que tout homme aspire à la même chose à savoir
l'amour du bien et de l'ordre.
"Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ;
guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge
infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est
toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans
toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le
triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un
entendement sans règle et d'une raison sans principe.
Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de
philosophie : nous pouvons être hommes sans être savants ; dispensés
de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce
dédale immense des opinions humaines.
Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le
reconnaître et le suivre.
S'il parle à tous les coeurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh !
c'est qu'il parle la langue de la nature que tout nous a fait oublier.
La conscience est timide, elle aime la
retraite et la paix ; le monde et le bruit l'épouvantent ; les préjugés dont on l'a fait naître sont ses plus
cruels ennemis [...], le fanatisme ose la contrefaire et dicter le crime en son nom." ROUSSEAU
• Le problème posé par le texte
Il est facile de constater la diversité historique et géographique des moeurs ("dédale immense des opinions
humaines").
Peut-elle constituer un argument contre l'idée qu'il existe des principes moraux universels, susceptibles
de guider tous les hommes de la même façon ? Autrement dit, la diversité des moeurs peut-elle justifier un
relativisme qui rendrait incertaine l'idée même de moralité ?
Par le terme de « conscience », le texte désigne donc exclusivement la conscience morale.
• Le raisonnement
Il est un fait que chacun entend en lui-même la voix de sa conscience qui lui dicte son devoir.
Quelle est la nature de cette voix ? Rousseau emploie l'expression a instinct divin ».
Le mot « instinct » est en
général utilisé pour caractériser les conduites animales ou ce qui, en l'homme, relève de son aspect « animal » et
s'oppose à la raison.
Or, ici, Rousseau l'emploie au contraire pour nommer ce qui va diriger l'homme vers une
conduite non animale (« sans toi je ne sens rien qui m'élève au dessus des bêtes »).
Parler d'instinct à propos de la conscience permet de ne pas l'identifier à la raison.
Comme l'instinct animal, la
conscience n'est pas le résultat d'un apprentissage ou d'une réflexion, le fruit de connaissances : elle est
spontanée, « innée ».
Mais, en même temps, l'adjectif « divin » différencie la conscience de l'instinct animal en
soulignant son caractère éminemment spirituel.
Pourquoi sommes-nous « sourds » ? Si la conscience était à nos actions ce que l'instinct est à la conduite animale,
nous ne pourrions lui résister.
Mais, précisément, « tout » nous fait oublier cette voix de la nature.
a Tout », c'està-dire l'éducation que nous recevons dans la société et qui, dès l'enfance, inculque des préjugés.
La voix de la
conscience n'est ni celle de la raison instruite, ni celle du fanatisme nourri dès l'enfance.
D'où le projet de Rousseau
dans l'Émile d'expliquer ce que pourrait être une éducation --qui préserve, pour l'enfant, la possibilité d'entendre
cette voix à la fois naturelle et divine.
• Rapprochements possibles et intérêt philosophique du texte
On retrouvera chez Kant la même idée selon laquelle le sens moral est à la portée de tout homme, même non instruit.
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