Que peut-on connaître du vivant ?
Extrait du document
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L'être vivant est un organisme.
Il n'est pas constitué d'une juxtaposition de parties ajoutées les unes aux autres.
Ces parties forment un tout car elles sont interdépendantes (le fonctionnement d'une partie est tributaire de celui
des autres) et paraissent toutes participer à une fin commune : le maintien de l'être vivant en vie.
Parce qu'il est un
organisme, l'être vivant est un organisme.
Tout être vivant est un individu au sens où il forme une unité distincte,
ne ressemblant exactement à aucune autre, qui ne peut être divisée sans être détruite.
Leibniz au XVII ième avait
énoncé l'existence d'un principe, nommé principe des indiscernables, selon lequel il n'y a pas deux êtres identiques
dans la nature.
Qu'est-ce qui différencie les organismes vivants des choses naturelles ou objets fabriqués ? Jacques Monod,
généticien, prix Nobel de médecine en 1965, retient dans Le hasard et la nécessité trois critères qui doivent être
présents simultanément dans un être pour que celui-ci puisse être qualifié de vivant.
Le premier est la téléonomie (du grec télos : fin et nomos : loi).
L'être vivant est toujours un être qui, pris dans son
ensemble ou chacune de ses parties, répond à une fonction, donc apparemment à une fin.
Du point de vue de
l'ensemble, l'être vivant semble "fait pour" se perpétuer.
Se perpétuer lui-même, du moins le temps nécessaire à la
reproduction, et perpétuer son espèce.
Du point de vue de chacune des parties, ces dernières semblent "faites
pour" accomplir telle ou telle fonction.
L'oeil est "fait pour" voir, la langue du fourmilier "pour" attraper les fourmis ...
comme si une fin à réaliser était à l'origine de chaque organe, comme si la fonction créait l'organe.
Le second critère retenu par Monod est la morphogenèse autonome (du grec morphé : forme et genesis
développement).
L'être vivant est en relation constante avec un milieu extérieur ; néanmoins, le processus de
formation et de développement d'un être vivant est indépendant du milieu extérieur.
Même si, pour son entretien et
sa croissance, un organisme vivant a besoin d'assimiler des substances étrangères (nourriture, oxygène, gaz
carbonique, etc.), même si, sans ce type de relations la vie ne pourrait ni exister, ni se développer, toujours est-il
que sa forme et sa croissance sont régies par une programmation interne qui n'est pas le résultat des forces
extérieures qui s'exercent sur l'être vivant.
Par exemple, un poisson rouge ne peut survivre sans eau et daphnies,
mais aucune force physique ne peut transformer ce dernier en éléphant.
Les manifestations principales de cette
morphogenèse autonome sont l'auto-formation, l'autorégulation et l'auto-réparation.
Cette dernière, bien qu'elle ne
concerne pas tous les organes, s'étend cependant à un nombre infini d'agressions et de blessures.
C'est ainsi que
l'écorce du pin entaillé se refait, que la pince du crabe repousse et que les blessures se cicatrisent.
Le troisième critère est l'invariance reproductive.
Les êtres vivants se reproduisent.
En outre, cette reproduction est
marquée par l'invariance, soit complète en cas de reproduction par sissiparité (division des cellules), soit partielle en
cas de reproduction sexuée.
Il existe alors des différences individuelles (à l'exception des jumeaux univitellins) mais
les caractéristiques de l'espèces sont conservées.
Il ne faut pas confondre la variabilité des individus et l'invariance
propre à l'espèce.
Ces trois critères, présents en un même être, nous permettent-ils de distinguer assurément le vivant de l'inerte ?
Après tout les machines sont également des objets téléonomiques, les machines peuvent s'autoréguler et les
ordinateurs, en raison de la programmation, ont une certaine autonomie.
Il est moins aisé qu'il ne le paraît au
premier abord de dégager des critères permettant de différencier un être vivant d'une machine complexe toutefois,
la machine ne se reproduit pas, ne croit pas et connaît une autonomie très limitée.
Il y a dans les êtres vivants un principe immatériel de cohésion et de
mouvement : l'âme.
«Il appartient au naturaliste de parler de l'âme et d'en avoir la science, sinon
de toute l'âme, du moins de ce qui fait de l'animal ce qu'il est.» Aristote, Des
parties des animaux (Ive siècle av.
J.-C.).
• Pour Aristote, ce qui fait la spécificité des êtres vivants par rapport à la
matière inerte, c'est ce principe qu'il appelle l'âme et qui assure la cohésion
de ses parties et son mouvement.
Ce principe permet de distinguer le vivant
du mort: mourir, c'est perdre son âme, et laisser sa matière se dissoudre.
• Il ne faut pas concevoir ici l'âme de manière religieuse, mais comme un
concept scientifique (qui ressemble à ce que l'on appelle aujourd'hui le
«programme génétique»), qui permet à Aristote de penser le vivant et d'en
penser les différentes formes: aux végétaux l'âme végétative (principe de
croissance); les animaux y ajoutent l'âme sensitive (sensation et
mouvement); l'homme y ajoute l'âme intellective (facultés intellectuelles).
• Connaître le vivant, c'est donc connaître, dans chaque être, son âme, sa
«cause finale» (son telos), son principe organisateur.
Les animaux ne sont que des machines sophistiquées.
La cinquième partie du "Discours de la Méthode" expose la physique cartésienne, forme résumée du Traité du monde
; c'est une déduction rationnelle des principales lois de la nature à partir d'un chaos initial fictif.
« Démontrant les
effets par les causes » (V), il s'appuie sur le principe mécaniste d'une nature explicable par figure et mouvement, et
fait ainsi l'économie du recours à la notion d'âme (il développe l'exemple de ses travaux sur les fonctions
cardiaques).
C'est particulièrement dans l'étude du vivant qu'un tel geste se trouve mis en relief.
De là, le modèle de
la machine ou de l'automate pour penser le corps animal et ses divers mouvements, l'image technique ayant pour
vocation de souligner ici l'approche mécaniste du monde naturel.
Mais, là où l'animal peut s'y réduire complètement
(car il est tout matière), on doit reconnaître en l'homme, et en l'homme seulement, une composition de deux.
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