Que peut le langage ?
Publié le 24/02/2023
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«
Que peut le langage ?
Khûbe
L’expression courante « surveiller son langage » signifie qu’une
personne doit faire attention à la manière dont elle doit parler, qu’elle
doit accorder son registre de langue avec la situation.
Toutefois, le fait
qu’il faille « surveiller » son langage induirait que le langage pourrait être
indépendant, qu’il pourrait être exprimé sans notre volonté.
Si cela
semble invraisemblable il convient de se demander que peut le langage.
Est-ce que le langage est commun à tous les êtres vivants ? Si ce n’est
pas le cas et que l’homme est seul à pouvoir jouir de cette faculté, cela
fait-il du langage un critère de l’humanité ? De fait, puisque l’homme vit
en société, dans quelle mesure est-ce le langage qui permet aux
hommes de vivre ensemble ?
Est-ce que tous les êtres vivants usent du langage ? Certains
animaux ont développé des formes de communication qui sont par
certains point particulièrement évoluées.
Par exemple les abeilles
communiquent entre elles pour indiquer les sources de nourriture.
L’ethnologue Karl von Frisch a étudié le comportement des abeilles pour
comprendre leurs messages.
Il distingue deux danses, l’une consiste à
tracer des cercles horizontaux de droite à gauche, puis de gauche à
droite
successivement ;
l’autre
accompagnée
d’un
mouvement
de
l’abdomen, danse pour former un huit : l’abeille court droit, puis décrit
un tour complet vers la gauche, de nouveau court droit, recommence un
tour complet sur la droite, et ainsi de suite.
Ces deux danses ont une
signification déterminée, la première annonce que la nourriture doit être
cherché une faible distance, l’autre que le butin est à une plus grande
distance.
Malgré des variations minimes entre les ruches, ces deux
danses sont communes à toutes les abeilles.
Toutefois si ce mode de
communication est performant pour indiquer la présence de nourriture et
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Paul Cavé
Que peut le langage ?
Khûbe
sa direction, cela reste très limité comparé au langage humain.
Déjà la
communication des abeilles, uniquement visuelle ne peut se faire dans le
noir contrairement au langage humain qui utilise la parole.
De plus le
seul sujet des abeilles est la nourriture contrairement au langage humain
qui peut avoir une infinité de sujets abordables.
Les animaux émettent
des signaux, des faits physiques qui provoque une réaction automatique
chez celui qui le constate, ces signaux sont toujours les mêmes et ont un
sens identique à chaque fois.
Les hommes, eux, peuvent dialoguer avec
leurs congénères.
De fait, chaque parole est unique et va exprimer une
pensée originale.
Le langage est donc la faculté d’exprimer et de
communiquer sa pensée par des mots, cette faculté est donc propre à
l’espèce humaine.
Mais comment le langage peut-il exprimer une
pensée ? Comment le langage peut restituer un raisonnement humain ?
Le langage c’est ce qui permet l’expression de nos pensées et de
nos sentiments, on exprime notre intériorité et le communique à autrui.
Le langage a donc une fonction de communication.
Il semblerait d’abord
que notre pensée soit première puisqu’elle est intérieure.
En effet, je vais
penser d’abord et parler ensuite.
Ainsi, utiliser le langage, parler c’est
extérioriser la pensée.
Pourtant lorsque nous pensons, nous le faisons
avec des mots.
Même lorsque nous pensons intérieurement, nous
sommes déjà en train d’extérioriser, la pensée s’extériorise même si elle
ne l’est pas vers autrui.
Le langage est une extériorisation de la pensée :
en s’extériorisant à travers les mots, la pensée existe réellement.
Toutefois pour Bergson, le langage est un outil encore trop inadapté à
l’extériorisation de notre pensée.
Selon lui, le langage est déficient pour
rendre compte de l’originalité de notre vécu, il écrit cela : « Le mot aux
contours bien arrêtés, le mot brutal qui emmagasine ce qu’il y a de
stable,
de
commun
et
par
conséquent
d’impersonnel
dans
les
impressions de l’humanité, écrase ou recouvre les impressions délicates
et fugitives de notre conscience individuelle ».
En effet, il semblerait que
le langage soit trop rigide, trop universel pour correspondre à une
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Paul Cavé
Que peut le langage ?
Khûbe
pensée originale, qui dévie de la norme.
Notre expérience singulière du
monde semble ainsi opposée au commun et l’impersonnalité du langage.
Malgré cela, comment certains hommes parviennent à utiliser le langage
comme moyen de s’affirmer comme individu singulier ?
Le langage est capable de dire aussi bien ce qui existe que ce qui
n’existe pas.
Il permet aussi bien de décrire un événement qui s’est
réellement produit, qu’un événement ou une situation parfaitement
imaginaire.
C’est en effet ce que révèle l’usage artistique et poétique du
langage.
L’écrivain fait surgir grâce aux mots des situations qui n’existent
que dans son esprit.
De fait le langage semble déjà permettre d’exprimer
une singularité.
Mais même en admettant que le langage est trop
impersonnel et commun à travers les langues, Victor Hugo affirme que :
«la littérature prend le défaut des mots et en fait une qualité car chacun
voit des choses différentes sur des mots similaires ».
De fait, l’emploi de
termes génériques et universel permet à chaque lecteur d’avoir un
espace indéterminé à investir avec sa propre imagination, sa propre
expérience.
De fait le langage permet de s’affirmer comme être singulier
à la fois en l’employant pour communiquer, mais aussi en le recevant par
la manière de l’investir.
Nous avons ainsi pu voir dans quelle mesure le langage peut être
un critère de l’humanité puisqu’il est propre à l’homme et lui permet de
s’exprimer, et même d’exister comme sujet singulier.
Or l’homme est
social, il vit en société.
Mais puisque le langage est déjà ce qui permet à
l’homme se définir, dans quelle mesure le langage est ce qui permet aux
hommes de vivre ensemble ?
Le langage est ce qui permet aux hommes de s’organiser entre
eux pour obtenir une forme d’efficacité dans la société.
C’est par la
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Paul Cavé
Que peut le langage ?
Khûbe
parole que les hommes vont s’organiser.
L’ethnologie a démontré que les
hommes s’organisent systématiquement de manière verticale.
Les
groupes sociaux humains ont besoin de chef pour s’organiser.
Les chefs
s’imposent notamment par le langage, ils vont soit en user eux même
pour se placer à la tête de la hiérarchie, ou bien tous les membres du
groupe vont parler pour déterminer le chef.
Avec un chef le groupe sera
efficace, l’organisation verticale permet une répartition des taches
optimisés qui améliorera l’efficacité.
Le chercheur Medhi Moussaid a mis
en place une expérience pour mettre à l’épreuve l’organisation d’un
groupe dans différentes situations.
Il a rassemblé plusieurs centaines
d’individus qui ont pour objectif de reproduire des pictogrammes de
différentes couleurs et de formes complexes.
Pour cela ils doivent
récupérer des grandes feuilles de couleur pour les brandir au-dessus de
leur tête.
L’objectif est que vu du dessus, l’assemblage des feuilles
corresponde au pictogramme de départ.
Il répète cette expérience
plusieurs fois, et le groupe devient de plus en plus performant grâce à
des leaders qui vont organiser la foule....
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