Que nous apprend sur l'homme le sentiment de la faute ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
HOMME: Le plus évolué des êtres vivants, appartenant à la famille des hominidés et à l'espèce Homo sapiens (« homme sage »).
• Traditionnellement défini comme « animal doué de raison », l'homme est aussi, selon Aristote, un « animal politique ».
Ce serait en
effet pour qu'il puisse s'entendre avec ses semblables sur le bon, l'utile et le juste que la nature l'aurait pourvu du langage.
Faute
Du latin fallere, «tromper », « manquer à ».
Manquement intentionnel au devoir, à la morale ou à la loi.
• Le terme, à la différence de péché, n'a pas de connotation religieuse.
• Contrairement à l'erreur, qui est le plus souvent involontaire, la faute est entièrement imputable au sujet qui la commet.
Introduction
Le sentiment de la faute consiste à se sentir coupable d'une conduite passée non conforme à la loi morale intériorisée par le sujet.
Il
regroupe l'ensemble des expériences vécues où le sujet juge lui-même négativement sa propre conduite.
Il implique donc un jugement
de valeur.
Le sentiment de la faute désigne une expérience de culpabilité de la part d'un être qui n'est pas seulement conscience
psychologique, mais aussi conscience morale, dont l'exigence constitutive dépasse ce qui est au profit de ce qui doit être ; c'est en effet
au regard de cette conscience normative que le sujet peut s'apparaître à lui-même comme coupable.
Mais, précisément, le paradoxe
de la culpabilité ne réside-t-il pas dans cette structure de la conscience de soi par laquelle un être peut juger l'ensemble de sa
personne, pour la considérer comme blâmable, au-delà du caractère limité de la faute objectivement commise ?
I - Culpabilité et conscience de soi
a) Il y a une dimension subjective de la culpabilité ; celle-ci s'exprime fréquemment selon la métaphore de l'oppression (un « poids »
pèse sur la conscience), et se propage à l'ensemble de la personnalité sur le mode de l'auto-accusation, dont les formes extrêmes
peuvent confiner à la pathologie d'un véritable « masochisme moral » (Freud).
b) Cette métaphore du tribunal intérieur n'est possible que par la structure dédoublée de la subjectivité ; en tant qu'auto-observation,
auto-accusation et auto-condamnation, la culpabilité implique la dualité de la conscience observante-observée.
Seul un être capable de
se dédoubler, dans son identité, peut se juger d'un point de vue moral : seule la structure de la conscience de soi rend possible
l'imputation personnelle du mal.
c) En tant qu'elle désigne le moment subjectif de la faute, la culpabilité est inséparable de l'avènement de l'homme comme conscience
de soi.
Le sentiment de la faute ne peut apparaître dans une culture où la culpabilité est encore collective (comme la Grèce ancienne)
et est contemporain de la promotion de la conscience comme instance suprême.
C'est par là que le sentiment de la faute devient
conscience de faute.
II - Culpabilité et responsabilité
Mais ce processus de scission intérieure n'est qu'une condition nécessaire, et non suffisante, de l'avènement de la culpabilité, en ce que
cette dernière requiert encore, comme l'a montré Paul Ricoeur, « l'intériorisation de l'expérience du mal, et, par conséquent, la
promotion d'un sujet moral responsable » (P.
Ricoeur, Le Conflit des interprétations, Le Seuil, 1969, p.
421).
a) La culpabilité implique l'aptitude à m'imputer mes actes ; être coupable, c'est se reconnaître responsable, accepter de répondre de
ses actes, parce que le sujet s'identifie à ses actions.
S'imputer un acte signifie nécessairement s'en reconnaître l'auteur, c'est-à-dire
s'identifier à l'ensemble de sa conduite présente ou passée.
Comme l'a montré Paul Ricoeur dans une remarquable analyse consacrée
à la culpabilité : cette auto-imputation vaut pour l'avenir : j'assume les conséquences de mes actes ; c'est là la dimension prospective
de la responsabilité.
Mais elle vaut également pour le passé, que la culpabilité assume rétrospectivement.
b) C e mouvement rétrospectif de la responsabilité constitue l'identité du sujet moral à travers passé, présent et avenir : la
reconnaissance de la culpabilité implique donc, comme sa condition, l'existence d'un moi identitaire.
c) Autrement dit, je me maintiens identique à moi-même dans le temps ; je m'affirme dans mon ipséité, malgré le pouvoir de
dispersion temporelle qui tend constamment à me séparer de moi-même et de mes actes.
L'homme est l'être coupable, parce qu'il est
l'être en qui le passé ne cesse d'être présent, comme l'atteste l'expérience du remords, où le passé et le présent coïncident.
III - Culpabilité et liberté
Mais si culpabilité implique sentiment de responsabilité, cet acte d'imputation n'implique-t-il pas la reconnaissance de la liberté humaine
?
a) Comment comprendre en effet ces figures majeures de la culpabilité que sont le regret, le remords et le repentir autrement que
comme l'aveu de cette liberté par laquelle j'aurais pu agir autrement ? De fait, j'aurais pu, et par conséquent j'aurais dû agir
autrement.
b) Le remords, par exemple, est un révélateur éthique : il me rappelle à la conscience de mon devoir, parce qu'il est la faute du devoir
non accompli.
Je me découvre ainsi comme sujet capable de suivre la loi morale, mais aussi de la transgresser.
La liberté qui est en
moi m'apparaît comme pouvoir d'agir selon la représentation d'une loi et de passer outre à l'obligation.
L'homme découvre le pouvoir
de son arbitraire, et la violence de ses passions.
Conclusion
L'analyse du sentiment de la faute en révèle l'ambivalence : juste expression de l'exigence éthique, présente au coeur de la conscience
morale, il peut se pervertir sous la forme pathologique de la rumination obsessionnelle et du scrupule, qui signe l'entrée de la
conscience dans ce que Paul Ricoeur appelle « l'enfer de la culpabilité ».
Le passage du remords au repentir, c'est-à-dire du sentiment
de l'irréparable à celui de la liberté intacte, de l'histoire devenue destin à l'existence comme possibilité, doit symboliser le mouvement
de la conscience morale vers sa propre libération..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Que nous apprend sur l'homme le sentiment de la faute?
- A l'aide d'exemples tirés de votre expérience de lecteur, de spectateur, d'auditeur, commentez cette opinion d'Alexandre Soljenitsyne : « Les artistes peuvent surmonter la faiblesse caractéristique de l'homme qui n'apprend que de sa propre expérience tan
- Madame de Staël écrit on 1800 dans De la Littérature (Première Partie, chap. 11 ) : « Ce que l'homme a fait de plus grand, il le doit au sentiment douloureux de l'incomplet de sa destinée. Les esprits médiocres sont, en général, assez satisfaits de la vi
- A l'aide d'exemples tirés de votre expérience de lecteur, de spectateur, d'auditeur, commentez cette opinion d'Alexandre Soljenitsyne : « Les artistes peuvent surmonter la faiblesse caractéristique de l'homme qui n'apprend que de sa propre expérience tan
- La vertu est-elle la sage recherche du bonheur ? Si vous le croyez, en concluez-vous Qu'un homme ou un peuple malheureux par la faute d'événements Qu'ils n'ont pu éviter et dont ils ne sont pas responsables ont entièrement manqué leur destinée et Qu'ils