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Que nous apprend l'expérience ?

Publié le 07/03/2023

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« Que nous apprend l’expérience ? Au Vème avant Jésus Christ, le philosophe Lao-Tseu exprime la pensée suivante : « l'expérience est une lumière qui n'éclaire que soi-même ».

Il envisage donc l’expérience comme un vécu essentiellement subjectif, individuel et partiel.

Vingtdeux siècles plus tard, le célèbre physicien Albert Einstein affirme que « la seule source de connaissances est l'expérience ».

Il entend par « expérience » la démarche scientifique consistant à répéter plusieurs fois une manipulation afin de valider une hypothèse formulée préalablement.

Contrairement à Lao-Tseu, Einstein envisage donc l’expérience comme une source de connaissances objectives, universelles et générales. Ce concept « d’expérience », qui intéresse autant les philosophes que les scientifiques, semble donc problématique lorsque l’on réfléchit à ses liens avec les concepts de « connaissance » et de « vérité ».

Que nous apprend l’expérience ? Autrement dit, quels enseignements et quelles connaissances peut-on tirer de l’expérience ? A mieux nous connaître dans notre vécu subjectif et individuel ou alors à nous révéler des vérités objectives et universelles ? Mais, si l’expérience n’est que subjective et individuelle, ne contribuerait-elle pas à nous couper du monde et à nous enfermer dans nous-mêmes ? Autrement dit, le problème peut se poser de la manière suivante : l’expérience, par nature partielle et limitée, constitue-t-elle un obstacle à l’atteinte de la vérité objective ou au contraire est-elle un moyen indispensable pour s’en approcher ? Pour répondre à cette problématique, nous envisagerons, dans un premier temps l’expérience comme trompeuse c’est-à-dire constituant un obstacle à la vérité objective.

Cependant, nous verrons, dans un deuxième mouvement, que l’expérience peut, tout de même, nous aider à mieux connaître le monde et à nous rapprocher de la vérité.

Ainsi, la troisième partie nous permettra de mettre en évidence la fécondité épistémique de l’expérience du fait même de son ambivalence. Tout d’abord, on peut affirmer que l’expérience sensible que l’on fait, chaque jour, du monde nous trompe assez souvent et nous éloigne des vérités scientifiques. Par sensible, on entend l’ensemble des impressions et des représentations obtenues par les sens, à savoir l’ouïe, le toucher, l’odorat, la vue ou encore le goût.

Puisque nos sens sont les seuls médiateurs nous permettant d’avoir un contact immédiat avec le monde qui nous entoure, nous les appréhendons spontanément comme l’indice du vrai. En effet, lorsque l’on entend un train à grande vitesse passer sur les rails d’un chemin de fer, nous ne doutons pas de notre capacité auditive, en réalité, sûrement défaillante et qui ne nous permet pas de discerner le véritable son émanant de l’engin bruyant.

Chaque jour, nous sommes donc abusés par nos sens ce qui a amené, à de multiples reprises les penseurs à conjecturer des théories erronées.

Nous pouvons notamment penser à la théorie du géocentrisme qui traversa le temps jusqu’au 16ème siècle.

Des philosophes comme Aristote, trompés par leur sens, défendaient un modèle géocentrique.

Quant à l’astronome Ptolémée, il stipulait dans son livre l' Almageste (IIème siècle) que la Terre était immobile, au centre de l’univers.

Ainsi, l’expérience du monde à travers nos sens peut s’avérer être un véritable obstacle à l’atteinte de la vérité scientifique. De plus, le fait de partir de l’expérience, c’est-à-dire, de la connaissance de la vie, des choses acquises par des situations vécues, ne nous apprend rien d’absolument indubitable d’un point de vue logique.

En effet, l’induction ce mode de raisonnement, qui consiste à établir des lois générales à partir d'un ensemble de données particulières, ne garantit pas la validité d’un résultat.

Après avoir effectué une série d'observations, on peut induire une loi plus générale, mais sans aucune certitude, car un seul contre-exemple suffit à la réfuter.

La valeur scientifique de l’induction est donc très faible.

Par exemple, si l’on a vécu toute notre vie dans l’hémisphère Nord et rencontré que des cygnes blancs, on peut très bien en conclure par raisonnement inductif que tous les cygnes sont blancs.

Cependant, si l’on va en Australie, où les cygnes sont noirs, toute la théorie s’effondrera.

Ainsi, notre expérience de la vie et du monde qui nous entoure ne nous apporte aucune connaissance indubitable et peut même nous tromper sur le plan de la logique. Au-delà du point de vue scientifique et du point de vue logique, l’expérience peut même être envisagée philosophiquement comme un obstacle à la vérité.

Ainsi, Platon, stipule dans la République (Vème siècle avant Jésus Christ), que les Hommes peuvent avoir une longue expérience sans acquérir aucune connaissance véritable. Dans son allégorie de la Caverne, il y dépeint des hommes enchaînés depuis leur naissance dans une caverne, qui n'ont jamais vu directement la source de la lumière du jour.

Par conséquent, ils ne connaissent que les ombres projetées sur les murs de leur caverne par un feu allumé derrière eux.

Ainsi, dans son livre, Platon nous montre que, des hommes qui, pour certains, vivent depuis longtemps et ont donc une longue expérience de la vie, n’ont acquis aucune connaissance et vivent dans une déplorable ignorance.

Platon adopte une position sceptique vis-à-vis de l’expérience.

Ainsi, l’expérience, ici envisagée de manière philosophique, ne nous permet en aucun cas d’atteindre la vérité objective. Ainsi, l’expérience d’un point de vue sensible s’avérerait être un obstacle nous empêchant d’atteindre la vérité objective sur le plan scientifique.

L’expérience, au sens d’évènements vécus, ne nous apporterait aucun savoir irréfutable et serait inutile dans le domaine de la logique.

Quant à l’expérience envisagée philosophiquement, elle serait, par essence, incapable de nous guider vers la vérité.

Il paraît alors étrange que le grand scientifique Einstein affirme que « la seule source de connaissances est l'expérience ».

En effet, puisque cet illustre physicien fait l’éloge de l’expérience, on peut douter que celle-ci ne soit qu’un vécu partiel et limité, une illusion trompeuse, voire même un handicap insurmontable de l’humanité pour atteindre la moindre vérité objective.

Ce doute nous incite donc à nous demander si l’expérience ne peut pas constituer, d’une certaine manière, un moyen pour s’approcher de la vérité ? Premièrement, l’expérience que l’on fait du monde sensible est absolument indispensable pour acquérir n’importe quelle connaissance.

Certes, Platon était sceptique quant à l’usage de l’expérience sensible pour atteindre la vérité et stipulait, dans la République, que l’âme devait pouvoir se délier de la sensibilité, si elle voulait accéder au sommet de la connaissance.

Cependant, quelques objections peuvent être émises concernant cette thèse car, même si les sens sont un obstacle à la vérité, ils sont nécessaires, ne serait-ce que lors de la transmission de connaissances d’un maître à son élève.

En effet, si ce même Platon était né sans aucun sens, il n’aurait jamais pu suivre l’enseignement de Socrate et aiguiser son esprit et ses connaissances.

Ainsi, si nous naissions sourd, muet, aveugle, hypoesthésique et agueusique, nous n’aurions aucun contact avec le monde sensible et tout apprentissage de la connaissance serait alors impossible.

L’expérience du monde sensible nous apporte donc, dans un premier temps, des connaissances.

Ces connaissances sont indispensables pour s’orienter, dans un second temps, sur le long chemin qui peut mener à la vérité. Deuxièmement, l’expérience, au sens scientifique d’Einstein, est un moyen indispensable pour valider une théorie scientifique car la déduction ne peut suffire. En effet, le mode de raisonnement uniquement déductif peut aboutir à des théories cohérentes, convaincantes et séduisantes mais qui n’ont aucune validité réelle et concrète.

Si l’on veut avoir une démarche scientifique rigoureuse, débouchant sur une théorie vraie, il est alors indispensable d’avoir recours à l’expérience.

Songeons à Aristote qui avait conjecturé la chose suivante : « Le gland tombe plus vite que la feuille de chêne ».

Cependant, il n’avait jamais effectué d’expérimentation pour valider ses propos.

Plusieurs siècles après, Galilée décide, quant à lui, de réaliser une expérience.

Du haut d’une haute tour, il jette simultanément deux objets de masse différente et découvre qu’ils arrivent tous deux en même temps au sol.

Galilée, grâce à ces expérimentations, peut alors affirmer que la vitesse est proportionnelle au temps et non à la masse.

Ainsi, l’expérience scientifique nous permet de mieux comprendre la Nature et par conséquent de nous rapprocher peu.... »

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