Que faire des croyances héritées de l'enfance ? ?
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Thèmes : Afin de clarifier la structure problématique de l’énoncé, deux notions doivent être analysées en tant qu’elles en constituent les thèmes principaux. (i) L’héritage : cette notion peut se définir par l’état dans lequel se trouve le légataire à l’endroit de ce dont il n’est pas l’origine. L’héritier n’hérite pas ce dont il est lui-même la cause, le géniteur. L’héritage suppose, et cela va de soi, un ordre de précession temporelle. L’état d’héritier suppose quant à lui l’acceptation du patrimoine légué (on peut en effet refuser un héritage). (ii) Les croyances (de l’enfance) : en un sens négatif, on peut définir la croyance comme portant sur ce que l’on ne sait pas, que l’on ne veut pas savoir, ou encore sur ce que l’on ne peut savoir. La croyance consiste donc pour partie dans un acte d’acceptation de contenu de pensée extérieur qui s’impose sur le mode catégorique de l’autorité. On ne peut questionner, ou plutôt on ne doit questionner ce que l’on croit, car sinon déjà on ne croit plus. La croyance implique ainsi en quelque sorte une posture de passivité à l’endroit du contenu de connaissance transmis, passivité qui indique l’état de limitation dans lequel se trouve le croyant à l’endroit de la connaissance (n.b. nous ne parlons pas ici forcément de foi, mais de l’acte de croyance comme attitude gnoséologique générale). Et c’est dans cette posture de passivité à l’endroit du transmis qu’il y a lieu de parler d’héritage.
L’acte de la croyance héritée est ainsi celui d’une réception de quelque chose dont la provenance est extérieure au sujet et qui en quelque sorte, dans le cas de la croyance, dépasse les limites qu’il accepte de s’imposer, c’est-à-dire qui excède la finitude qu’il s’attribue. Dans le cas de l’enfance, l’état de finitude étant évidemment constatable, la croyance peut à plus forte raison consister dans une posture de soumission à l’endroit de l’autorité. Les croyances de l’enfance sont ainsi ce que excède l’état et le pouvoir de connaissance de l’enfant (noter que jusqu’à l’Emile de Rousseau, l’age de l’enfance a constamment été considéré sur le mode privatif : l’enfance est celui qui n’est pas encore homme – il n’y a pas là de place pour l’innocence créatrice nietzschéenne).
Problème : Maintenant que nous avons caractérisé l’héritage des croyances de l’enfance comme l’état de passivité réceptif (contenus de pensée étranger imposés par autorité) d’une période qui nous – sujets pensants – a précédé (une fois l’age de la maturité atteint), posons donc la question de l’usage et de l’utilité présente d’un tel legs. Usage et utilité recoupent ici la polysémie du verbe “ faire ” employé par l’énoncé. Cette ambivalence structure les deux enjeux de notre développement : quel est l’usage des croyances de l’enfance ? quelle en est l’utilité ? La réponse apportée à ces question permettra incidemment de répondre à la question de leur légitimité.
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Incipit : Le syntagme “ croyances héritées de l'enfance ” fait évidemment référence à la Première méditation de Descartes.
M ais la question n'est pas neuve.
A vrai dire, on pourrait aller jusqu'à affirmer qu'elle est elle-même héritée des investigations socratico-platoniciennes et de la mise en œuvre, dans les
dialogues de jeunesse en particulier, de la méthode de la définition par divisions successives.
C ar dans le cadre desdits dialogues, l'instrument qu'est le
concept, si la fonction en est de produire la définition correcte et l'atteinte d'une connaissance vraie, c'est qu'il s'agit déjà de révoquer en doute les préjugés
acquis (hérités de l'enfance, éventuellement), et de toujours éviter croire déjà savoir.
Thèmes : A fin de clarifier la structure problématique de l'énoncé, deux notions doivent être analysées en tant qu'elles en constituent les thèmes principaux.
(i) L'héritage : cette notion peut se définir par l'état dans lequel se trouve le légataire à l'endroit de ce dont il n'est pas l'origine.
L'héritier n'hérite pas ce
dont il est lui-même la cause, le géniteur.
L'héritage suppose, et cela va de soi, un ordre de précession temporelle.
L'état d'héritier suppose quant à lui
l'acceptation du patrimoine légué (on peut en effet refuser un héritage).
(ii) Les croyances (de l'enfance) : en un sens négatif, on peut définir la croyance
comme portant sur ce que l'on ne sait pas, que l'on ne veut pas savoir, ou encore sur ce que l'on ne peut savoir.
La croyance consiste donc pour partie dans
un acte d'acceptation de contenu de pensée extérieur qui s'impose sur le mode catégorique de l'autorité.
On ne peut questionner, ou plutôt on ne doit
questionner ce que l'on croit, car sinon déjà on ne croit plus.
La croyance implique ainsi en quelque sorte une posture de passivité à l'endroit du contenu de
connaissance transmis, passivité qui indique l'état de limitation dans lequel se trouve le croyant à l'endroit de la connaissance ( n.b.
nous ne parlons pas ici
forcément de foi, mais de l'acte de croyance comme attitude gnoséologique générale).
Et c'est dans cette posture de passivité à l'endroit du transmis qu'il y
a lieu de parler d'héritage.
L'acte de la croyance héritée est ainsi celui d'une réception de quelque chose dont la provenance est extérieure au sujet et qui en quelque sorte, dans le cas
de la croyance, dépasse les limites qu'il accepte de s'imposer, c'est-à-dire qui excède la finitude qu'il s'attribue.
Dans le cas de l'enfance, l'état de finitude
étant évidemment constatable, la croyance peut à plus forte raison consister dans une posture de soumission à l'endroit de l'autorité.
Les croyances de
l'enfance sont ainsi ce que excède l'état et le pouvoir de connaissance de l'enfant (noter que jusqu'à l'Emile de Rousseau, l'age de l'enfance a constamment
été considéré sur le mode privatif : l'enfance est celui qui n'est pas encore homme – il n'y a pas là de place pour l'innocence créatrice nietzschéenne).
Problème : Maintenant que nous avons caractérisé l'héritage des croyances de l'enfance comme l'état de passivité réceptif (contenus de pensée étranger
imposés par autorité) d'une période qui nous – sujets pensants – a précédé (une fois l'age de la maturité atteint), posons donc la question de l'usage et de
l'utilité présente d'un tel legs.
Usage et utilité recoupent ici la polysémie du verbe “ faire ” employé par l'énoncé.
C ette ambivalence structure les deux
enjeux de notre développement : quel est l'usage des croyances de l'enfance ? quelle en est l'utilité ? La réponse apportée à ces question permettra
incidemment de répondre à la question de leur légitimité.
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I.
Le fondationnalisme cartésien
Qualifier le projet cartésien de Descartes dans les Méditations (1641) de fondationnaliste indique simplement la pratique de la table rase.
C ette dernière n'a
d'autre fonction que de permettre le développement correct de la connaissance à partir de principes, c'est-à-dire de fondements, certains et indubitables.
C eci répond au constat permanent de la tromperie des sens, mais également, et c'est le cas des croyances enfantines, du savoir hérité des maîtres et des
nourrices.
On pourrait décider d'investiguer plus avant les raisons d'un tel savoir transmis et hérité, car cela déjà ne serait plus le croire.
Mais parce que ce
qui une fois trompe est susceptible de toujours tromper, parce ce qui appartient au domaine du trompeur (les croyances héritées de l'enfance) est
susceptible d'être le vice propre à tout le domaine auquel il appartient, la totalité de l'héritage doit être révoqué en doute, ou plus radicalement supprimé.
Le
rejet des croyances héritées de l'enfance est ainsi nécessaire et constitutif du projet fondationnel de Descartes.
Pour connaître véritablement, pour accéder
au savoir de la vérité, le rejet des croyances est un préalable nécessaire.
Si cela n'est qu'un préalable, c'est qu'il en est certes la condition nécessaire, mais
non suffisante.
Le développement de la raison doit ensuite suivre les règles de la méthode pour le bonne direction de l'esprit.
Mais n'être qu'un préalable
peut également signifier à terme leur réintégration (par exemple, en se pourvoyant d'une morale par provision en s'adaptant aux coutumes environnantes),
mais une telle réintégration doit avoir lieu avec la conscience critique quant à leur statut.
Si pour fonder la connaissance, la révocation des croyances
héritées de l'enfance est nécessaire, en va-t-il de même pour ce qui est de la vie pratique quotidienne ?
II.
La légitimité pragmatique des croyances héritées
Fonder la connaissance exige de ne pas faire usage des croyances héritées.
C eci n'implique certainement pas pour autant qu'elles doivent être
définitivement condamnées.
Suite à la reconnaissance conscience de l'état de finitude dans lequel se trouve tout sujet de connaissance, la croyance
héritée, le serait-elle de l'enfance, peut être d'une certaine utilité.
C ar, puisque la connaissance humaine est fondamentalement finie et que le pouvoir de
connaître l'est a fortiori pour l'individu, il est raisonnable de parfois reconnaître la nécessaire limitation de ses propres prétentions à connaître “ pour faire
place à la croyance ” (Kant, Critique de la raison pure).
Mais nous n'entendons pas ici la limitation kantienne transcendantale de la raison humaine, et qui
ouvre la voie à la foi religieuse.
Cette limite est plutôt celle nécessaire à la simplicité de la vie pratique quotidienne.
L'épistémologie du pragmatisme
américain contemporain (James, Dewey) développe une conception de la croyance fondée sur l'efficacité existentielle.
Il est sans doute vain, mais plus
encore stupide de vouloir, en tant qu'individu, être capable de rendre raison de toute chose.
Un fond constant de nos quotidiens repose sur la mise en
pratique de croyances héritées de l'enfance, mais si ces dernières peuvent parfois être rationalisée ou expérimentée.
Ces exemples ont ceci de malheureux
qu'ils sont aisément réfutable (le cas de l'apprentissage savant et de l'expérience personnelle).
Et ils ne dévoilent pas ce qu'il y a de plus irrationnel dans
les attitudes quotidiennes du sujet pensant (qui peut se prévaloir de connaître et d'expliquer les lois de l'aérodynamique avant de prendre l'avion ?, dira le
physicien Feynman).
Mais il y a plus radical : la possibilité même du raisonnement et de la connaissance pourrait en dernier recours reposer sur une
croyance d'un certain type : l'habitude enracinée en les us et coutumes.
Telle est la position épistémologique de Hume (Enquête sur l'entendement humain),
pour qui la loi même de causalité, principe de tout raisonnement et de toute démonstration, n'est que l'expression cognitive d'une habitude intégrée dans le
comportement et qui s'exerce, dans la connaissance empirique, par induction, c'est-à-dire supplée par l'imagination : la possibilité même de la
démonstration est elle-même indémontrable.
Enfin, la simple certitude du fait d'exister ( sum, existo) n'est démontré, chez Descartes même, que sur la base
d'une pétition de principe dont la validité trouve en la véracité divine sa garantie.
La certitude de l'existence individuelle personnelle, mais également de la
réalité effective du monde extérieur, ne se démontre pas (malgré la tentative insipide du philosophe anglais Moore).
La croyance en est héritée.
Et si elle ne
provient pas de l'enfance sous forme de contenu de pensée, du moins y est-elle déjà présente.
La légitimité des croyances héritées, de l'enfance ou non, est
d'ordre pragmatique.
Les croyances héritées sur la base d'une affirmation d'autorité sont d'une utilité quotidienne.
*
Conclusion
-
L'important dans le rapport aux croyances héritées est la conscience par le sujet pensant de leur statut de croyance (ceci évite de les ériger en
dogme et d'alors pratiquer la superstition – ce qui est précisément ce que Descartes avait d'abord en joue).
C eci doit permettre d'en limiter la pertinence
de l'intervention.
L'attitude à avoir à l'endroit des croyances héritées de l'enfance n'est en aucun cas univoque, mais toujours relative et contextuelle –
vouloir fonder la science n'a pas les mêmes exigences que vivre au quotidien… L'utilité et l'usage des croyances héritées de l'enfance sont donc
également toujours relatifs et contextuels.
Leur valeur est pragmatique, non épistémologique (le cas de Hume impose de nuancer cette conclusion ; la
posture adoptée par la philosophe écossais est qualifiée par lui-même de scepticisme mitigé)..
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