Que dois-je faire ? (Kant)
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Thème 519
Connaître et penser chez Kant
Thème 520
Que dois-je faire ? (Kant)
• Connaître et penser
La Critique de la Raison Pure présente un inventaire des formes a priori de l'esprit humain.
D'abord la sensibilité : c'est la faculté de recevoir des intuitions sensibles.
Ces intuitions
s'effectuent dans l'espace et le temps, mais espace et temps ne sont ni des choses, ni des
concepts empiriques (formés à partir d'expériences antérieures) : Ce sont des conditions a priori
de la sensibilité.
Puis l'entendement : c'est la faculté de former des concepts qui permettront de lier le divers
donné dans l'intuition sensible.
Pour qu'il y ait connaissance, il doit nécessairement y avoir un
donné fourni par l'intuition et une mise en forme opérée par l'entendement.
La connaissance authentique (celle dont la
science révèle la possibilité) ne peut être expliquée ni par l'empirisme ni par le rationalisme dogmatique.
« Sans concept, les
intuitions sont aveugles » ; c'est-à-dire que s'il n'existait pas un entendement unifiant le divers, les données empiriques
resteraient éparpillées au hasard.
Mais en contre-partie « sans intuition, les concepts sont vides.» ; Si aucun donné ne vient
remplir le cadre fourni par le concept, il y a raisonnement dans le vide.
Les sciences fournissent un exemple de connaissance
universelle et nécessaire; la métaphysique offre au contraire l'exemple d'un fonctionnement « à vide » de l'esprit.
L'esprit
humain est d'abord sensibilité et entendement, mais il est aussi Raison, c'est-à-dire faculté des Idées — qui sont des
constructions de l'esprit qui s'efforce d'atteindre l'inconditionné, l'absolu.
Contrairement à ce qu'affirmait la métaphysique, ces
idées ne permettent pas d'atteindre une réalité car aucun objet ne vient leur donner un' contenu.
Kant reprend de façon
originale une évidence dont la métaphysique n'a pas su tirer les conséquences : l'homme pense.
Qu'est-ce à dire? On peut
sans doute identifier penser et connaître, et voir dans le connaître la forme achevée de la pensée : on prendra alors pour
modèle la démarche et la méthode des sciences.
Mais penser n'est pas seulement découvrir les propriétés et les relations
des objets; c'est aussi et surtout dépasser toute expérience et tout objet particulier, s'efforcer d'atteindre l'inconditionné.
Jusqu'au XVIIe siècle, connaître c'est essentiellement voir, contempler.
La révolution scientifique lancée par Copernic et
Galilée a entraîné un changement d'état d'esprit.
Connaître, ce n'est pas contempler un être hors de nous, tel qu'il serait «
en soi », mais construire ; on ne peut connaître que par rapport aux structures et aux limites de l'esprit, c'est-à-dire
seulement la chose pour nous, telle qu'elle nous apparaît : le phénomène.
C'est pourquoi la métaphysique qui prétend
atteindre la chose en soi échoue, elle ne progresse pas et le sceptique a beau jeu de dénoncer la vanité de son entreprise.
Pourtant la métaphysique témoigne d'une exigence naturelle de la Raison : elle subsisterait « quand bien même toutes les
autres conquêtes de la civilisation sombreraient dans le gouffre d'une barbarie dévastatrice ».
Peut-il y avoir un changement
d'orientation en métaphysique analogue à celui que l'on a observé dans les sciences ? Autrement dit, la métaphysique qui,
jusque-là, se bornait à contempler l'être, éventuellement à démontrer son existence, ne réussirait-elle pas mieux dans son
entreprise, si, comme les sciences, elle se rendait compte que son objet n'est pas donné mais construit, ou plutôt à
construire ? Que son objet n'est pas l'être mais le devoir être ?
La dialectique transcendantale montre que la métaphysique s'est consacrée historiquement à trois objets dont les divers
systèmes ont prétendu fournir une démonstration : le moi, le monde, Dieu.
Ces trois objets ne correspondent pas à des
données de l'expérience.
C'est pourquoi, on peut à leur propos « prouver» n'importe quoi : qu'ils sont ceci ou cela, qu'ils
existent, qu'ils n'existent pas.
La dialectique de la Raison Pure consiste à passer d'une thèse à l'autre, l'illusion est inévitable
car elle tient à la nature de la Raison et non à des éléments affectifs.
Contrairement aux penseurs des «Lumières» qui expliquent la métaphysique comme réponse à des besoins affectifs
(l'homme a peur, il veut être rassuré, donc il démontre qu'il y a un Dieu ou au contraire qu'il n'y en a pas et donc que ses
craintes sont vaines) Kant voit dans la métaphysique l'expression d'une tendance invincible et infatigable de la Raison à
l'inconditionné, tendance constamment contrariée par les maigres résultats auxquels elle parvient.
• Ce besoin d'absolu se manifeste dans la question primordiale que l'homme et le philosophe se posent : Que dois-je faire?
Cette question n'a de sens que parce que l'homme est libre.
Toutes les métaphysiques sont des tentatives de réponse
rationnelle à cette question et il faudrait pour bien les comprendre les remettre à l'endroit.
Considérons l'épicurisme : cette
philosophie se présente d'abord comme une théorie de la nature : que sont les choses? (des atomes et du vide) comment les
connaître? (par la sensation) et par suite une fois que ceci est établi, semble logiquement déduite la règle de vie : je dois
vivre selon la sensation, suivre la nature.
Mais c'est l'ordre inverse qui est seul réel.
Le philosophe a pensé : « Je dois vivre
selon la nature ».
Puis il a tenté de justifier ce choix et il a construit un système — en l'occurrence matérialiste.
A la question « que dois-je faire », aucune science — fut-ce celle de l'Être en tant qu'Être, ne peut répondre.
Au contraire de la connaissance qui est finie — même si elle progresse indéfiniment — la pensée est infinie; cet infini n'est pas
objet de savoir mais de foi.
Il n'y a là ni mysticisme ni irrationalisme, c'est simplement la prise en compte de ce qu'il est des
domaines qui ne relèvent pas d'un savoir de type scientifique.
Ainsi s'explique la phrase célèbre de la Critique de la Raison Pure « J'ai dû abolir le savoir pour laisser une place à la croyance
».
Entendons par là, non pas abolir le savoir scientifique mais la prétention à atteindre par voie de démonstration ce qui
relève de la liberté.
La science peut sans doute nous donner les moyens d'atteindre efficacement un but, mais ce but lui-même est librement
posé par le sujet..
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