Que ce soit dans le domaine du roman, de l'autobiographie, du théâtre ou de la poésie, la littérature fait souvent de larges emprunts à l'Histoire : Corneille fait revivre dans ses pièces des héros romains, Mme de La Fayette nous dépeint dans La Princess
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Une oeuvre littéraire exige parfois un solide support historique. Le romancier comme l'auteur de théâtre créent ou animent des personnages divers. Ils doivent alors s'efforcer de les replacer dans leur époque. Ainsi Flaubert ne s'est-il pas transformé en archéologue pour faire revivre Salammbô ? Le poète, lui, veut parfois exalter un événement ou un personnage historique ; quoi de plus adapté à ce désir qu'une œuvre épique ? Mais la contribution de l'Histoire y est indispensable. Tous les genres littéraires peuvent donc requérir un contexte historique précis. Est-ce un bien ou un mal ?
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Que ce soit dans le domaine du roman, de l'autobiographie, du théâtre ou de la poésie, la littérature fait souvent de larges
emprunts à l'Histoire : Corneille fait revivre dans ses pièces des héros romains, Mme de La Fayette nous dépeint dans La
Princesse de Clèves une fresque de la Cour d'Henri II, Ronsard, d'Aubigné, Hugo, et bien d'autres rehaussent parfois leur
lyrisme de souvenirs ou de témoignages historiques ; en vous appuyant sur des exemples précis tirés de vos lectures,
vous essaierez de définir les avantages (ou les inconvénients) que représente cette contribution de l'Histoire à la
littérature.
Une oeuvre littéraire exige parfois un solide support historique.
Le romancier comme l'auteur de théâtre créent ou animent
des personnages divers.
Ils doivent alors s'efforcer de les replacer dans leur époque.
Ainsi Flaubert ne s'est-il pas
transformé en archéologue pour faire revivre Salammbô ? Le poète, lui, veut parfois exalter un événement ou un
personnage historique ; quoi de plus adapté à ce désir qu'une œuvre épique ? Mais la contribution de l'Histoire y est
indispensable.
Tous les genres littéraires peuvent donc requérir un contexte historique précis.
Est-ce un bien ou un mal ?
Malgré certains caractères éternels et universels, l'homme conserve selon son époque et sa « race » une tournure d'esprit
particulière.
Qui songerait à comparer un Méditerranéen du temps de César avec un Anglo-Saxon moderne ?
Voilà pourquoi l'auteur se doit de camper son personnage dans un pays et un siècle déterminés.
Sinon comment
comprendre les réactions d'Andromaque ou du jeune Jacques Thibault ?
Zola, en écrivant Les Rougon-Macquart, « histoire naturelle et sociale d'une famille sous le Second Empire», met en
évidence la misère du prolétariat alors qu'à cette époque l'enrichissement des bourgeois capitalistes bat son plein.
Voilà
expliqués la naissance et l'essor rapide des nouvelles idées socialistes et marxistes.
Dans Germinal, en particulier, Pierre
Lantier, dans sa harangue aux mineurs en grève, fait une rapide allusion aux théories de Marx.
« Il montre toute cette
famille usée à la mine, mangée par la compagnie, plus affamée après cent ans de travail.
» N'est-ce pas là l'illustration des
idées de Marx sur la paupérisation continue du prolétariat?
De tels courants de pensée ne seraient pas apparus sans l'essor du machinisme.
Rien de tel pour montrer les réactions et l'état d'esprit des hommes devant un événement que de replacer des
personnages face à cet événement.
Ainsi la guerre d'Espagne a fait couler
beaucoup d'encre.
Malraux et Hemingway se sont employés à faire revivre ces combattants avec leurs espoirs et leurs
désillusions.
Roger Martin du Gard, lui, a placé ses héros devant la guerre de 1914.
Comme dans la nation entière, il y eut
dans la famille Thibault plusieurs réactions : la révolte de Jacques et ses idées pacifistes, la soumission d'Antoine, le
médecin calme et raisonnable.
Certains écrivains nous font revivre la Résistance et les horreurs qu'amena avec lui le
«Führer»; ainsi Joseph Kessel dans L'Armée des Ombres.
Toutes ces révélations ou précisions sur des événements passés
donnent au lecteur à réfléchir : admirer ou s'indigner, il peut le faire en connaissance de cause, avec beaucoup d'éléments
à sa disposition.
Pour replacer son personnage dans un contexte historique précis, l'écrivain doit effectuer quelques recherches.
Pour peu
que ces études ne soient pas approfondies, le lecteur risque de n'avoir qu'une idée trop vague du cadre, donc une idée
imprécise de la mentalité du personnage.
Il peut arriver aussi au lecteur qu'il rencontre plusieurs interprétations d'un
même événement.
Comment alors savoir quelle est la bonne ? Voilà l'un des dangers que peut représenter l'introduction
de l'histoire dans la littérature.
Mais il en existe un autre, encore plus grave sans doute.
L'objectivité historique est chose fort difficile à respecter.
Entraîné par sa verve, l'écrivain pourrait présenter les
événements sous un jour favorable ou défavorable selon ses opinions En abusant de l'impact de la lecture sur l'homme, il
aura ainsi influencé bon nombre de lecteurs.
N'a-t-on pas récemment reproché à l'historien Alain Decaux un manque
d'objectivité à propos de l'affaire Rosenberg ? Insuffisamment documentée en la matière, je ne pourrai pas en juger.
Il peut arriver aussi que l'histoire prenne une place prépondérante dans l'œuvre au détriment des personnages.
Or, en
général, un auteur met en scène des personnages afin de les étudier, de faire connaître l'âme humaine, et non pour leur
attribuer un rôle de second ordre face à la vedette que serait l'Histoire.
Si, comme Victor Hugo dans La Légende des Siècles, un poète ou un écrivain met en scène des personnages légendaires
ou mythiques, il sait le faire sentir dans son œuvre ; sinon que de confusion dans l'esprit des lecteurs !
Voilà ce qu'il faut éviter en introduisant l'Histoire dans une œuvre littéraire.
Mais les auteurs contemporains recherchent surtout la méditation philosophique.
Le contexte historique, perdant alors son
importance, n'est qu'à peine suggéré.
Ainsi dans Les Mouches de Sartre ou dans La machine infernale de Cocteau.
Beaucoup d'écrivains se sont aisément passés de notations historiques ; leurs œuvres sont totalement intemporelles :
ainsi dans ses romans Giono évite le plus souvent de situer ses
personnages dans le temps.
Leurs liens avec la civilisation sont réduits au minimum.
Sartre aussi, malgré quelques
allusions discrètes, aurait fort bien pu mettre « L'Enfer, c'est les autres » dans la bouche d'un Garcin du XVIIIe siècle.
Anouilh, lui, a émaillé Antigone d'anachronismes.
Antigone ne compare-t-elle pas, dès la première scène, la nature à une
carte postale ? Ainsi Anouilh a voulu montrer que l'époque importe peu, que les hommes restent toujours les mêmes :
tyrans et révoltés, oppresseurs et opprimés, exploiteurs et exploités.
Si l'écrivain se contente de souvenirs ou de témoignages historiques justifiés, cohérents et réalistes, l'Histoire introduite
dans la littérature n'est pas à rejeter.
Mais il nous faut remarquer aussi que l'on a écrit de très belles œuvres sans le
concours de l'histoire.
Voltaire et Mauriac, Baudelaire et Vian, poètes et romanciers se sont passés de support historique
et leur œuvre n'en a nullement souffert..
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