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Qu'appelle-t-on "individu" ?

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« Dans le langage courant, on appelle « individu » une personne.

Cependant, il faut se rendre compte qu'il ne s'agit que d'un cas particulier d'un usage plus général.

Ainsi, qu'appelle-t-on « individu » ? Le terme lui-même, conformément à son étymologie, désigne une réalité en tant qu'on la considère 1° comme indivisible sous un aspect donné (« individuum » signifie « indivisible » et traduit le grec « atomon ») et 2° comme différente de tout autre.

Qu'en est-il précisément ? I – Les caractéristiques de l'individu Si on peut ranger les individus sous une espèce (tous les êtres humains sont des hommes, par exemple), l'individu n'est pas luimême une espèce.

En effet, ce qu'il est n'est attribuable à aucune autre réalité et c'est à lui que sont attribués les propriétés spécifiques.

En ce sens, l'individu n'est pas divisible, sous peine de perdre les qualités qui lui sont propres, de même qu'il est singulier, puisque ce qui le caractérise lui ressortit en propre. Il semble donc qu'on appelle individu une réalité dont l'unicité est attestée.

Cependant, une telle unicité ne suffit pas à elle seule à définir l'individu.

En effet, considérons l'ensemble de toutes les réalités ; cet ensemble est par définition unique.

Toutefois, il ne sera considéré comme un individu que pour autant qu'on peut exhiber un principe en vertu duquel il diffère d'une simple collection.

C'est pourquoi le modèle de l'individu emprunte souvent le modèle du vivant et de sa finalité interne. Les trois principales caractéristiques d'un individu vivant sont alors l'unité organique, l'unicité génétique et l'inscription dans une histoire moléculaire.

Par exemple, un zygote (un ovule fécondé par un spermatozoïde) est un individu en raison de son irréductible singularité génétique (unicité génétique), de son engagement dans l'ontogenèse, c'est-à-dire de son développement individuel (histoire moléculaire, par contraste avec la phylogenèse, qui concerne l'espèce), et à travers les processus de régulation qu'il met en place (unité organique). II – L'individuation Tel que nous l'avons déterminé, l'individu semble se donner sous la forme d'une totalité organique achevée, à la fois unitaire et singulière.

Depuis Aristote, on pense le développement de telles réalités selon un principe d'individuation particulier appelé entéléchie. Par ce principe, un tout individué tend à réaliser la perfection de sa nature.

En ce sens, l'individu à vocation à se séparer des autres réalités – il se singularise – et à s'accomplir par son développement. Cependant, contre cette conception de l'individu, comme produit achevé d'une activité individualisante antérieure, Gilbert Simondon, dans L'individu et sa genèse physico-biologique , propose de ne voir en l'individu qu'une des modalités d'une individuation en cours.

Dès lors, l'individu apparaît comme le théâtre, et non comme le terme, d'un processus d'individuation.

Ce processus se contente de développer, de sélectionner et d'amplifier des potentialités. Si on ne parle plus d'individu stable et clos, c'est que l'individuation possède une unité singulière à travers laquelle s'opère une communication informative et interactive entre ce qui est plus grand que l'individu et ce qui lui est plus petit.

Par exemple, la plante institue une médiation entre un ordre cosmique et un ordre inframoléculaire.

En ce sens, elle est un nœud interélémentaire entre un système pré-individuel et un autre, post-individuel, qui correspondent à deux couches de réalités primitivement sans communication. De ce point de vue, on appelle individu, non plus un être ou une réalité, mais un processus informatif complexe, un devenir qui met en relation différents niveaux de réalités.

Cette réflexion se retrouve au niveau politique et sociale, lorsque l'on considère la place de l'individu dans la société. III – Individu et société Le problème que pose la caractérisation de l'individu dans la réflexion politique et sociale revient à s'interroger sur la primauté de l'individu sur la société ou bien, inversement, de la société sur l'individu.

En ce sens, l'individu est-il l'atome logique du corps social (ainsi que le suggérait l'économiste et sociologue Schumpeter: individualisme méthodologoqique) ou bien n'est-il qu'un effet de la société envisagée comme un tout (comme le pensait le sociologue Durkheim:holisme) ? De ce point de vue, il semble imprudent de prendre unilatéralement parti pour l'une ou l'autre thèse, puisque si l'on peut à bon droit considérer les bouleversements macroscopiques qui affectent la société comme le résultat d'un ensemble de comportements individuels ou microscopiques, déniant ainsi toute réalité aux notions de loi, de force ou de structure sociales, il n'empêche que le symbolisme inhérent à toute société informe les pratiques individuelles.

En somme, si l'individu semble agir de son plein gré, il ne reste pas moins plausible qu'il le fasse en réponse à une injonction collective.

Par exemple, si j'assiste à un match de foot et que, dès le premier but marqué, je me lève d'un bond avec l'ensemble des supporters, il est indéniable que j'ai agis de mon plein gré, de même qu'il est difficilement concevable que j'eusse pu agir autrement étant données les circonstances. Une issue à ce paradoxe se trouve sans doute dans la considération de l'individu, non plus comme atome social isolé ou, au contraire, comme quantité négligeable dans le tout de la société, mais comme processus informatif – individuation plus qu'individu – qui met en relation deux niveaux qui ne communiqueraient pas autrement : le psychisme individuel et le tout de la société.

Dès lors, on n'appelle plus individu ce(lui) qui s'oppose à la société, mais ce qui la forme et la forme, à défaut de la constituer en qualité de composant distinct. Conclusion : Ainsi, on appelle individu une réalité douée d'une certaine unicité, dont le modèle organique représente les aspects les plus probants.

À la fois différencié (distinct des autres individus) et unique, l'individu possède une singularité, notamment en liaison avec son patrimoine génétique propre.

Cependant, une telle approche de l'individu semble en faire le produit stable et achevée d'une ontogenèse (développement individuel).

Nous avons vu, sur ce point, qu'il est possible de concevoir l'individu, non pas comme un être figé, mais comme un processus : l'individu est alors individuation.

Cette perspective nous permet alors de renouveler la pensée des rapports entre individu et société : l'individu n'est plus l'ultime composant de la société, la singularité qui s'oppose à l'homogénéité du tout et des comportements collectifs, mais ce qui assure la transmission de l'information (informer signifiant d'abord le fait de donner forme ou corps à quelque chose) entre deux niveaux de réalité, sans cela à jamais disjoints.. »

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