Quand nous percevons, ne faisons-nous qu'enregistrer des données sensibles ou bien jugeons-nous en même temps ?
Extrait du document
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Vocabulaire:
SENSIBLE: Du latin sensibilis, doué de sensibilité ou qui peut être senti.
Au sens actif, qui est capable de sensation et de perception.
Au sens passif, qui peut être senti, perçu par les sens
(exemple : le monde sensible).
§ 1.
Position du problème
Nous ne donnerons pas pour débuter une définition précise de la perception, car ce serait justement préjuger de la
réponse à la question.
Disons seulement que la perception est la prise de conscience, grâce aux sens, des objets
extérieurs, choses ou êtres.
Je vois un bateau au loin, j'entends sonner le téléphone, je sens mes clefs dans ma
poche, etc.
La première thèse, qui fait de la perception le simple enregistrement passif des données sensibles, représente un
courant de pensée continu qui va de Protagoras, contemporain de Platon («L'homme est la mesure de toutes choses
»), à l'empirisme anglais de Locke et de Hume, au sensualisme de Condillac jusqu'au pragmatisme de Bergson et
même à la doctrine philosophique que, de nos jours, les psychologues de la Forme (Gestalttheorie) ont cru pouvoir
tirer de leurs travaux psychologiques.
La seconde thèse, selon laquelle les données sensibles ne prennent signification que par l'exercice du jugement, va
de Platon (Théétète) à Descartes (Seconde Méditation), jusqu'à Lagneau et Alain.
C'est la thèse souvent qualifiée
d'intellectualiste.
Platon montre que c'est l'acte de l'âme qui fait l'unité des données des différents sens dans la
perception.
Descartes établit que, malgré le changement total des apparences d'un même objet, par exemple de la
cire, le jugement en reconnaît l'identité.
Pour Lagneau et pour Alain, c'est aussi le jugement qui confère l'unité à
l'infinité des perspectives sous lesquelles peut se présenter un même objet, par exemple un dé cubique.
Entre ces
deux courants, Merleau-Ponty, dans la Phénoménologie de la perception, prend une position originale, qui veut être
«un retour aux phénomènes».
§ 2.
La perception et l'empirisme anglais.
La thèse de Locke (1632-1704) est que l'esprit est à l'origine une table rase, une tablette de cire vierge sur laquelle
les données extérieures viennent s'inscrire.
Ces empreintes de l'expérience, en l'absence de l'objet, forment les
idées, leur association par contiguïté ou ressemblance expliquant toutes les opérations de l'esprit.
La perception
n'est donc bien que le simple enregistrement des données sensibles.
• La théorie empiriste, dont Locke est un des représentants, fait dépendre toute connaissance de l'expérience.
Il n'y
a pas, pour elle, d'idées innées: toutes les idées sont acquises, y compris celles des nombres, à travers des
processus plus ou moins complexes selon qu'il s'agit d'idées simples qui viennent directement des sens, ou d'idées
complexes qui nécessitent une élaboration.
• L'induction est le processus mental qui permet de former une idée générale à partir des multiples données des
sens.
Aristote parlait à son sujet d'un regroupement progressif, comme des troupes qui battent en retraite.
• L'empirisme philosophique et scientifique de Locke ne méconnaît pas le rôle de la réflexion rationnelle dans la
formation des idées et des théories, mais il le place en second (ce qui ne veut pas dire qu'il soit secondaire)..
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