Qu'admire-t-on dans une oeuvre d'art ?

« I - LES TERMES DU SUJET L'admiration est un sentiment fort.

Il contient de la surprise, face à quelque chose d'inattendu qui s'impose soudain, dans sa force, sa plénitude, son exactitude, telle une oeuvre d'art apparaissant dans sa perfection.

En tant que sentiment, elle exprime la passivité de notre être.

Mais elle contient un acte de reconnaissance du beau, du bon, du vrai. II - ANALYSE DU PROBLÈME On dit souvent qu'on est "saisi" d'admiration,comme on est traversé par un frisson.

Nous sommes en effet le siège des sensations, dont nous ne sommes pas responsables.

L'admiration que fait naître en nous la magnificence d'un lieu, l'exactitude d'une formule semble ainsi passive.

L'admiration cependant est un sentiment qui introduit à l'idée d'une grandeur.

Devant l'oeuvre d'art, l'expérience est parlante : la gravité de l'admiration que je lui porte tranche avec un plaisir simple, accueillant ; avec un bouleversement superficiel de mes sens.

J'admire sérieusement, entièrement, quelque chose qui en VAUT la peine.

Cette admiration suppose donc la connaissance de l'objet admiré. Qu'admire-t-on dans l'oeuvre d'art ? Est-ce sa perfection impénétrable, incompréhensible ; ou bien l'admiration estelle motivée par la vérité de l'oeuvre ? III - GRANDES LIGNES DE LA RÉFLEXION L'oeuvre suscite l'admiration car elle se présente dans une perfection déroutante.

Elle échappe à ma compréhension, elle s'impose à ma vue comme un tout fermé, impénétrable.

Cependant l'oeuvre est le support d'un échange, qui peut être compris, approché.

On doit se l'approprier pour lui donner son sens plein.

On admire alors son efficacité à "trouver les voies de l'âme humaine".(Kandinsky) IV - UNE DÉMARCHE POSSIBLE A - LE CARACTERE SAISISSANT DE L'OEUVRE 1 - L'originalité formelle provoque un saisissement sensible : Ce qui fait naître l'admiration est d'abord la perfection formelle de l'oeuvre : son habileté à toucher la sensibilité, sa capacité à nous émouvoir.

Nous sommes surpris de cette capacité qu'ont les artistes à jouer avec nos états d'âme. Nous admirons ici l'art du marionnettiste qui manipule avec peu de moyens si efficacement notre esprit et notre sensibilité. 2 - Les symboles nous séduisent : L'oeuvre d'art est un signe au sens large.

Elle suscite l'interprétation.

Sans vocabulaire préalable, il nous appartient de donner sens à ces formes inhabituelles.

L'artiste a su créer de nouveaux symboles qui stimulent la pensée, et la poussent à prendre forme.

Ce que nous admirons ici est cette capacité à créer de nouveaux signes, nous qui sommes réduits à répéter sans grâce un langage impersonnel ! 3 - La perfection de l'oeuvre est sans commune mesure : Ce que nous admirons c'est donc le caractère unique de l'oeuvre, et son être original.

Son existence sort de l'ordinaire, nous admirons cette capacité à exister hors normes et cependant parfaitement.

Nous avons vu comment l'oeuvre nous accule à l'admiration.

Elle est née de notre extériorité à l'oeuvre.

Cependant la séduction de l'oeuvre nous introduit à un autre mode de présence à l'oeuvre. B - LA VERITE DE L'OEUVRE : 1 - L'oeuvre est une production humaine située dans l'histoire et la vie politique des hommes : L'oeuvre suscite l'admiration de celui qui comprend sa pérennité, sa capacité à traverser le temps.

L'oeuvre donne ainsi l'image d'une continuité réelle, sensible.

L'homme s'admire donc lui-même, déjouant le temps, son ennemi tenace.

Cette admiration n'est pas passive, elle suscite l'adhésion, l'affirmation de valeurs communes. 2 - L'oeuvre affirme la possibilité de la liberté : Elle témoigne en effet de notre nature ouverte et indéfinie.

Elle rend notre sensibilité plastique, mouvante.

Elle nous libère d'une nature fixée par les limites d'une espèce et d'une éducation.

Libérés de notre nature et de notre temps, c'est de notre propre nature qu'il nous est donné d'être admiratifs.. »