Punir, est-ce se venger ?
Extrait du document
«
Introduction :
Par la punition, on inflige à quelqu'un un châtiment en expiation d'une faute.
La punition est donc, comme la
vengeance, un mal du point de vue de celui qui la subit.
Pour autant, la vengeance suppose une véritable intention
de nuire.
Celui qui se venge ne le fait pas par sens de la justice, mais parce qu'il éprouve le besoin de voir l'autre
souffrir.
La punition se présente au contraire bien souvent sous l'aspect d'une loi : loi positive lorsque la punition est
sanctionnée par un tribunal, loi parentale lorsqu'elle est décidée par un des deux parents.
Mais pour autant, le
principe même de la punition, qui consiste à faire faire à la personne coupable un acte qui lui est pénible (l'enferment
carcéral, les travaux forcés, les phrases que l'écolier doit recopier cent fois…) n'est-il pas contradictoire ? Ne
consiste-t-il pas à faire du mal à celui qui a fait du mal, et ainsi à se montrer soi-même coupable d'un dommage ?
Celui qui punit n'entre-t-il pas finalement toujours dans le cercle vicieux de la volonté de faire le mal ? N'est-il pas
toujours animé d'un désir de nuire semblable à celui du coupable, qui les met sur un même plan et fait de toute
punition une vengeance motivée par les passions ? La question centrale est donc de savoir si entre punition et
vengeance, il y a une différence autre que celle de l'institutionnalisation et de la justification de la première, par
opposition à l'arbitraire de la seconde.
I.
Punition légitime et vengeance personnelle
A.
On peut distinguer plusieurs formes de punitions, en fonction du
contexte et de l'autorité qui décide de cette tradition.
Mais la
distinction la plus forte est celle qui existe entre justice et
vengeance, au sein même de l'ensemble des punitions.
Hegel, dans
les paragraphes 100 à 103 des Principes de la philosophie du droit
montre qu'il y a même contradiction.
La punition est juste, même
par rapport au criminel.
Elle est donc une manière d'exister de sa
liberté, de son droit.
La punition consiste à faire « violence à la
violence »
B.
Pourtant, la loi elle-même a quelque chose de la vengeance
(toujours selon Hegel) : l'abolition du crime dans la sphère du droit
immédiat prend le nom de vengeance.
Mais la vengeance peut être
juste si elle est une compensation.
La différence entre la justice et
la vengeance est que la vengeance n'est que l'action d'une volonté
subjective et particulière.
La vengeance devient donc une nouvelle
violence, parce qu'elle est le fait d'une volonté particulière.
Enfin,
nous dit Hegel, vouloir que cette contradiction de l'abolition de la
faute par la vengeance soit abolie, c'est vouloir que la justice soit
dépouillée de tout intérêt particulier.
Passer de la vengeance à la
punition, c'est donc passer de la forme particulière à l'universel.
Punir, ce n'est donc pas se venger, tout simplement parce que dans le cadre de la punition infligée par un juge, ou
même par une autorité parentale, celui qui punit n'est pas celui qui a subi un mal, il n'est que le médiateur légitime
(par sa fonction) de la punition.
La punition pourrait donc être vengeance ou justice.
L'une est personnelle et arbitraire en ce qu'elle décide seule
des sanctions et des conditions du châtiment, l'autre est décidée par un juge.
La justice pourrait en quelque sorte
être représentée par la loi du talion, « œil pour œil, dent pour dent », loi qui avait pour rôle à l'origine de limiter la
justice personnelle et d'éviter la vengeance.
En effet, dans cette maxime, on voit qu'il y a une égalité : 1 dent = 1
dent, 1 œil = 1 œil.
Loin d'être un exemple de vengeance, cette égalité de valeur entre le crime et le châtiment
nous montre que l'on est loin ici du processus de vengeance, qui par définition prône une punition qui soit plus
grande que le crime.
La vengeance étant un acte personnel exécuté sous le coup de la passion, elle n'est pas
raisonnable, et s'apparente plutôt aux Erinyes de la tragédie grecque : ces déesses de la vengeance punissent non
seulement le coupable, mais aussi sa descendance.
Transition : pourtant, même dans le cadre d'une punition infligée par la justice, le juge agit au nom des victimes.
La
punition se fait au nom d'un besoin de justice et de reconnaissance de ces dernières.
N'y a-t-il donc pas là quelque
chose qui s'apparente fortement à la vengeance, avec pour simple modification l'institutionnalisation de celle-ci ?
II.
Punition et vengeance : une distinction qui ne va pas de soi..
»
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