Punir, est-ce la même chose que se venger?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
CHOSE (n.
f.) 1.
— Désigne la réalité (res en latin : chose) en gén.
; cf.
DESCARTES : « chose pensante »
(âme), « chose étendue » (matière).
2.
— Désigne la réalité, envisagée comme déterminée et statique, existant hors de la représentation ; en ce sens,
KANT utilise l'expression « chose en soi ».
3.
— (Par ext.) À partir du sens 2, désigne la réalité inanimée, hors de son rapport à la pensée (le monde des
choses).
Rem.
: la chose se distingue de l'objet en ce que ce dernier est construit ; cela n'implique pas que la chose
soit chose en soi ; ce qui est chose se constitue comme ce qui est maniable, ce qui est disponible ; autrement dit,
l'objet se réfère à la pensée, la chose à l'action ; le monde des choses, c'est le monde qui se détermine dans la
pratique, et y résiste ; à partir du sens 3, le réaliste confond volontiers la chose et l'objet (cf.
DURKHEIM : « Il faut
considérer les faits sociaux comme des choses »).
4.
— Chosisme : attitude qui consiste à considérer la réalité
comme une chose au sens 2.
Punir, c'est toujours infliger une peine à quelqu'un, c'est sanctionner une action qui demande réparation.
Toutefois, ce sujet nous demande d'examiner une opinion souvent très répandue, et même communément admise
chez certaines personnes celle qui consiste à croire que la « peine » à laquelle un tribunal peut condamner un
coupable, peine de prison, ou même, dans certains États, peine de mort, est une vengeance que la société
accomplit au nom de la famille de la victime.
Après que la sentence a été exécutée, il n'est pas rare d'entendre alors
des phrases comme « la victime a été enfin vengée ! ».
Il nous faut revenir sur une telle association d'idée, comme
nous y invite la formule du sujet qui demande clairement si l'on doit considérer comme identique punition et
vengeance, le fait de punir et le fait de se venger.
Les deux termes sont-ils synonymes ? Dans le cas contraire, sur quels critères distinguer deux attitudes qui peuvent
sembler extérieurement identiques, surtout lorsque la peine infligée par les tribunaux à un coupable est la mort ?
L'application de la justice ne peut-elle être parfois le masque derrière lequel se cache l'organisation d'une véritable
vengeance ?
Il ne faut pas confondre la punition qu'inflige un juge à un condamné, avec une simple vengeance.
Un premier critère
peut être avancé pour soutenir cette idée et il repose sur l'identité de celui qui inflige la punition.
Lorsque celle-ci
émane de la victime ou de ses proches, et qu'on nomme en droit la « partie lésée », il ne peut s'agir que d'une
vengeance, quelle que soit la forme qu'elle peut prendre et quel que soit le degré de clémence qui peut en émaner.
Seule la punition est l'oeuvre du juge, dispensateur de la justice car le mobile (ou motif) qui inspire ses sentences ne
peut être comparé à celui qui anime les membres de la partie lésée.
En effet, dans la vengeance, la passion joue son rôle et par ce terme, il s'agit de désigner l'emprise de la colère et
de la haine qui empêche le « camp des victimes » de délibérer.
Dans ce cas, le droit se trouve « troublé », car la
raison aveuglée par la haine et le chagrin perd sa lucidité et la capacité de juger en toute équité de la nature du
délit ou du crime en question.
Tous les éléments qui déterminent chez un juge, extérieur aux parties, la qualité
délictueuse de l'acte incriminé (la motivation du coupable, le contexte du délit, les éventuelles circonstances
atténuantes et aggravantes, etc.) ne peuvent faire l'objet d'une délibération chez la victime, c'est-à-dire d'un
examen équitable par rapport à la loi et à l'échelle des peines qu'elle fixe en fonction de ces circonstances.
On peut
même aller plus loin : étant « partie prenante », on doit considérer que la partie lésée ne peut jamais juger en toute
équité, car même si, par hypothèse, elle y parvenait, elle serait toujours suspectée d'être inéquitable, pour la seule
raison qu'elle serait alors « juge et partie ».
On le voit, la vengeance n'a pas la forme du droit, et ne peut être confondue avec la punition juridique, car elle
n'est le fruit d'aucun examen contradictoire où s'opposent accusation et défense, avocat des victimes et avocat de
l'accusé.
Elle est arbitraire, c'est-à-dire qu'aucune règle préétablie et universelle ne vient mesurer équitablement la
nature du dommage et la peine qui doit lui correspondre.
En fonction des situations, en effet, les uns se vengeront
d'une manière plus cruelle que les autres.
Qu'on pense aux « lynchages » qu'ont subis, dans l'histoire, certains
criminels qui furent attrapés foule haineuse, tels ces de l'Ouest américain qui ont fait la popularité du genre «
western ».
Or cette irrégularité de fait dans l'application d'un châtiment est contraire au droit, qui pose un ordre qui
s'applique à tous.
Autrement dit, un criminel ne doit pas devoir la clémence dont il bénéficie ou la sévérité qu'il
endure au hasard de l'humeur de ses victimes ou de leurs proches.
Une telle variation serait la forme même de
l'injustice.
Toutefois, ce qui est décrit ici « dans l'idéal » demande à être considéré dans ses applications concrètes.
Ne peuton envisager des juges qui prennent parti, et donc une justice injuste ?.
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