Pulsions et caractère nous déterminent-ils ?
Extrait du document
«
Termes du sujet:
CARACTÈRE (n.
m.) 1.
— Signe distinctif servant à reconnaître un objet.
2.
— (Lato) Propriété (FREGE distingue
les caractères du concept et les propriétés de l'objet).
3.
— (Psycho.) Ensemble des propriétés d'un individu.
4.
—
Caractérologie : classification ou étude des caractères au sens 2.
5.
— Caractéristique : a) Art de bien représenter
les pensées par des signes ; pour LEIBNIZ, la caractéristique universelle est une écriture servant au raisonnement
(— algèbre universelle).
b) Caractère spécifique.
Pulsion
Du latin pulsio, « action de pousser ».
Chez Freud, poussée, force à la limite du somatique et du psychique, faisant
tendre l'organisme vers un but et exigeant satisfaction.
Freud pose l'existence de pulsions de vie (pulsions sexuelles et d'autoconservation) et de pulsions de mort.
Nous croyons d'ordinaire que nous faisons ce que nous voulons dès lors que nous ne sommes pas sous une
contrainte ; une contrainte est une force extérieure qui s'exerce sur nous pour que nous exécutions exactement
l'acte qui nous est commandé.
Suffit-il de ne pas être sous la menace d'une violence pour être réellement libre? L'impression de liberté que nous
éprouvons correspond-elle à la réalité profonde de notre être? Spinoza remarquait : «L'homme ivre croit dire par libre
décret de son esprit ce que, dégrisé, il aurait voulu taire...
Beaucoup d'individus croient parler par libre décret de
l'esprit quand ils sont impuissants à contenir leur envie de parler» (Éthique, III, 2, scolie) ; ainsi, «les hommes se
croient libres parce qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes qui les déterminent» (ibid.).
Depuis Socrate et Platon, les philosophes soulignent la puissance secrète de ces poussées intérieures, dissimulées à
nos yeux quand nous estimons que nous agissons comme nous voulons.
L'homme ivre proclame : «Je suis libre de
faire ce que je veux»; mais, plus tard, conduit à réfléchir par les circonstances ou par le remords, il dira: «C'était
plus fort que moi.» Cet exemple particulier est typique de beaucoup d'autres où, sans tomber dans les hontes
manifestes de l'ivrognerie, nous regrettons ce que nous avions cru vouloir par nous-mêmes.
Faut-il dire que nos
actes étaient alors déterminés?
Dans les sciences expérimentales le principe du déterminisme pose que tout phénomène est rigoureusement
déterminé, selon des lois, par les phénomènes qui le précèdent ou l'accompagnent; d'où résultent la prévisibilité et la
répétition du même phénomène quand les mêmes conditions sont reproduites : dans un laboratoire quel-conque, où
qu'il soit situé, on obtiendra les mêmes effets à partir des mêmes causes.
Est-ce en ce sens que des «causes»
intérieures produiraient en nous des effets déterminés, prévisibles, reproductibles?
Un contemporain, Paul Ricœur, a publié un volumineux traité, Philosophie de la Volonté.
Au début du premier tome il
remarque : «Il y a de l'inévitable, de l'involontaire absolu par rapport à la décision et à l'effort.
Cet involontaire du
caractère, de l'inconscient, de l'organisation vitale, etc., est le terme de cet acte original du vouloir qui, au premier
abord, est plus dissimulé que lui : c'est à lui que je consens.» L'involontaire absolu : que faut-il comprendre par
cette expression, si l'absolu est ce qui est sans relation, ce qui contraint sans laisser prise à nos moyens d'action?
Ricœur énumère trois grandes catégories : le caractère, l'inconscient, les conditions biologiques.
Cet «involontaire
absolu» est dissimulé.
Quelle est la puissance de ces éléments involontaires? Peut-on les considérer comme des causes de nos actes,
causes déterminantes? Pour le savoir, il faut d'abord connaître la nature de ces réalités internes, tendances,
pulsions, désirs.
La psychologie contemporaine pose leurs produits comme inconscients ; mais ce mode d'être en
fait-il des causes internes qui nous détermineraient? Quel sens le principe scientifique du déterminisme pourrait-il
prendre ici? Une «cause» intérieure à une personne humaine peut-elle être en elle un élément étranger, semblable à
une contrainte externe?
1.
Tendance, pulsion, désir
Tout être tend à faire ce qui est conforme à sa nature, si rien ne l'en empêche : la pierre tombe ; la pluie rend la
terre meuble, permettant la végétation ; le chien court à travers les bois.
Cette tendance est universelle : c'est la
détermination interne absolue, résultant de ce qu'est la chose (l'agir découle de l'être : operari sequitur esse, disait
la philosophie classique).
Chez l'animal, cette tendance prend une forme vivante, et non plus simplement inerte : son corps est entraîné par la
pesanteur, mais vivant, éveillé, il se dresse de lui-même, spontanément.
L'homme va aussi dans ces deux directions
: physique, «matérielle », et aussi vivante ; la pesanteur le fait tendre vers le sol, et, s'il se laisse aller, il va tomber
; mais, comme le chien, il se redresse, marche, saute, etc.
Nous pouvons reprendre la troisième partie de l'Éthique de Spinoza qui donne des définitions précises, claires, bien
enchaînées.
D'abord, de par la nature de son être, chacun s'efforce de persévérer dans son être (de perdurer) ; cet
effort (ou élan interne : conatus) n'est rien d'autre que la nature même de son être qui, ainsi, possède un
dynamisme interne (P.
7 ; Spinoza retrouve Aristote, qui avait vu que la nature de l'être est son principe interne de
mouvement et de repos).
L'effort d'être, effort-élan naturel à persévérer dans l'être, n'inclut par suite aucune limite
de temps : il va vers une durée indéfinie (P.
8 : ce constat réfute l'hypothèse de l'"instinct de mort" freudien, dont
nous allons parler dans la 2e partie).
Quand ce conatus se rapporte à la fois à l'esprit et au corps, c'est la tendance
(appetitus, qui traduit le grec hormè) – ainsi la tendance, au sens fort, unifiant toutes les puissances internes, est
l'essence (= nature) de l'homme (P.
9).
Quant à l'esprit, il tend aussi à être, à être esprit, c'est-à-dire conscience
de soi.
Son conatus, pris dans son ensemble, s'appelle «volonté» ; quand la tendance est accompagnée de la
conscience d'elle-même, elle s'appelle désir (ibid., scolie).
Puis viennent les définitions de la joie et de la tristesse
(P.
11, scolie : la joie est ressentie quand l'esprit passe à une perfection plus grande, la tristesse quand il passe à.
»
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