Puis-je connaître le point de vue d'autrui ?
Extrait du document
«
Remarques sur l'intitulé du sujet :
·
« point de vue » renvoie ici à l'idée de perspective.
Vocabulaire spatial.
Ainsi la question porte sur la place
du sujet en tant que corps.
Ainsi l'un des enjeux du sujet sera la question de l'âme et du corps.
·
« Puis-je » renvoie à ce qui est possible.
Or on distingue deux sortes de possibles : 1- ce qui est de fait
réalisable (« puis-je » = « ai-je les moyens de...
») 2- ce qui est permis (« puis-je » = « ai-je le droit de...
»).
·
Ici, la question du droit ne semble pas se poser dans la mesure où, moralement, il semble que connaître le
point de vue de l'autre soit un devoir ; en effet, 1- je ne vis pas seul et ne peux donc me contenter de mon seul
point de vue, sans jamais, tenir compte du point de vue d'autrui 2- le point de vue de l'autre a pour enjeu la
connaissance a) que j'ai de moi-même [Cf.
les analyses de la psychanalyse : le Je se construit par expérience de
l'altérité, d'une différenciation entre le moi et le non-moi] b) la connaissance en général (objectivité comme accord
inter-subjectif et la vérité comme dépassement des opinions particulières [Cf.
importance du dialogue chez Platon] )
·
La question du fait sera donc première : autrui étant celui qui n'est pas moi, comment puis-je parvenir à
connaître son point de vue ? De quels moyens puis-je disposer pour franchir la distance qui nous sépare, c'est-àdire minimiser son altérité (l'autre étant ce lui qui est étranger à soi) ?
·
Cependant, on voit alors aussi que la question du droit n'est pas à éluder : en admettant que j'ai la capacité
de connaître le point de vue d'autrui, le problème sera : puis-je connaître le point de vue d'autrui sans réduire son
altérité, sans nier ce qui fait sa spécificité par rapport à moi ? En un mot, peut-on ramener plusieurs « Je » à un
« nous » ? Un tel passage peut-il se faire sans porter préjudice à la subjectivité, à l'individualité ? (on sait bien que
les régimes totalitaire ont pour credo : « l'état est tout, l'individu n'est rien »)
Problématique : comment est-il possible de connaître un point de vue qui, par définition, n'est pas le sien ?
Comment parvenir à la connaissance d'un point de vue autre qui égale celle de mon point de vue ? Et
réciproquement, puis-je faire connaître à autrui mon point de vue tel qu'il est pour moi-même ou suis-je condamné à
être seul ?
1-
JE NE DISPOSE PAS, PAR PRINCIPE, DES MOYENS DE CONNAÎTRE LE POINT DE VUE D'AUTRUI
a)
le cogito ne peut s'énoncer autrement qu'à la première personne[1].
Le moi se définit par la conscience directe qu'il a de lui-même.
Ainsi que le dit Descartes, j'ai avant tout la
certitude d'être un sujet pensant ; ma pensée est ce qui se manifeste à moi avec le plus d'évidence (à tel point
d'ailleurs qu'elle seule est capable de résister aux assauts du malin génie).
Mais d'emblée, il semble alors impossible
de rendre compte de l'expérience d'un autre moi : pour connaître un point de vue autre que le mien, pour éprouver
comme conscience celle d'un autre, il faudrait que je sois moi-même cette conscience – ce qui, de fait, est
impossible.
b)
le point de vue de l'autre peut être imaginé et non connu
On voit donc que pour connaître le point de vue d'autrui, il faudrait, en quelque sorte, qu'autrui ne soit plus
alter ego mais ego tout court– ce qui contredit sa définition.
Du coup, il y a une distance qui sépare l'autre de moi,
mais une distance qui n'est pas celle du « chacun ne pense que ce qu'il pense » : elle relève de la certitude que j'ai
de mon être : cette certitude est supérieure à celle que je peux avoir de la pensée d'autrui.
Autrement dit, la
différence de point de vue qui existe entre autrui et moi est une différence de degré et non de nature.
Ainsi, il semble que je ne puisse connaître le point de vue d'autrui parce que, quelque soit la connaissance
supposée que j'en ai, celle-ci sera toujours douteuse en comparaison de celle que j'ai de moi-même.
Si autrui me fait
part de son point de vue, je peux l'écouter attentivement et m'en faire une idée ; cependant, cette idée n'aura pas
la vivacité suffisante pour me faire connaître l'expérience de l'autre : je n'éprouverais jamais son point de vue
comme il l'éprouve lui-même (en tant que sujet pensant, seule sa propre conscience peut faire l'objet d'une
évidence indubitable).J'imagine toujours ce que l'autre pense mais je ne peux m'en faire une idée claire et distincte.
Transition :
·
On vient de voir que connaître le point de vue d'autrui = atteindre un degré de certitude aussi grand que
celui que j'ai de moi-même (éprouver une conscience qui n'est pas la mienne).
Ce qui a priori est impossible : je
ne peux qu'imaginer, ma faire une idée de ce point de vue.
·
Cependant, si seule ma conscience est l'objet d'une certitude immédiate, celle-ci ne peut-elle servir de
point de départ pour élaborer une connaissance du point de vue d'autrui ? La certitude de mon être et de ma
pensée ne peut-elle servir de référent ?
·
Enjeu : sincérité des rapports humains.
Celle-ci semble compromise par la position défendue : si je ne peux
qu'imaginer le point de vue de l'autre, je peux me tromper (autrui peut m'abuser ou je peux me former une idée
très superficielle de son point de vue).
2-
IL M'EST POSSIBLE DE CONNAÎTRE LE POINT DE VUE D'AUTRUI
a) critique des présupposés cartésiens
Avec Descartes, se pose le problème de la connaissance du point de vue d'autrui en tant qu'il est du registre
de la conscience, de l'intériorité.
Ainsi, on voit que Descartes pose le sujet pensant comme « désincarné ».
Or, estil si certain que la connaissance doive faire abstraction de l'expérience et plus précisément de la sensibilité ? Telle
est la critique de Hume adressée au rationalisme cartésien : nos idées nous viennent des sens et non de l'esprit
seul.
La conséquence de le thèse empiriste = le corps étant partie prenante dans le point de vue que nous avons,.
»
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