Puis-je avoir pleinement conscience de ce que je suis ?
Extrait du document
«
Introduction
Dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie d'André Lalande, on peut lire que la conscience
est une « intuition (plus ou moins complète, plus ou moins claire) qu'a l'esprit de ses actes ».
Cette définition nie
implicitement la possibilité ou la capacité d'une pleine prise de conscience.
Qu'en est-il exactement ?
La conscience de ce que je suis ne peut-elle être qu'incomplète ? Ne puis-je pas être transparent à moi-même ?
On peut affirmer avec Descartes et Kant que l'on peut avoir pleinement conscience de ce que l'on est, c'est-à-dire
une chose pensante et un ego, une personne.
Or, ces qualifications sont générales.
Elles nous indiquent plutôt que
l'on peut avoir pleinement conscience que l'on est, d'exister.
Il est en effet difficile d'être pleinement conscient de
ce que l'on est, cette conscience est toujours partielle.
I-
Je peux avoir pleinement conscience de ce que je suis
La conscience de soi pour Descartes est la seule certitude qui résiste au doute.
Elle est le fondement de
toute connaissance.
La conscience me fait connaître que j'existe (« je pense donc je suis ») et ce que je suis : une
chose pensante, distincte d'un corps et plus aisée à connaître que celui-ci.
Kant est proche de cette position lorsqu'il énonce que « le je pense doit
pouvoir accompagner toutes mes représentations ».
En effet, de même que
chez Descartes, la pensée en première personne prime et rend possible la
connaissance.
Si le je pense accompagne toutes mes représentations, cela
signifie qu'à tout moment, je suis conscient.
Je suis conscient de ce que je
suis c'est-à-dire un je, une personne.
Ainsi, dans L'Anthropologie du point de
vue pragmatique, Kant affirme : « Posséder le je dans sa représentation, ce
pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants
sur la terre.
Par là, il est une personne ; et grâce à l'unité de la conscience
dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même
personne ».
Selon Descartes et Kant, j'ai donc toujours pleinement conscience de ce que
je suis : une chose pensante et une personne.
Or cela qualifie en droit tous
les hommes et ne permet pas de saisir chacun dans sa singularité.
La conscience n'est pas un objet, mais elle rend possible la saisie des objets.
Pour qu'une expérience soit possible, il faut une unité du « je pense ».
Par
exemple, je suis dans un demi-sommeil et une horloge sonne plusieurs coups,
indiquant l'heure exacte : j'entends un, puis, un autre coup, puis un autre…
La conscience non-éveillée, j'ai entendu divers coups sans savoir quelle heure
il est.
Trois minutes après, l'horloge sonne de nouveau.
Eveillé, je n'entends
plus plusieurs coups séparés, mais une fois sept coups et je me dis qu'il est
sept heures.
Ma conscience a unifié les divers coups de l'horloge, je peux les
saisir comme une unité : il est 7 heures.
Lors de la première étape, pour entendre vaguement des coups séparés, il
fallait déjà que ma conscience soit un peu vigilante, dans un sommeil profond, je ne les aurais pas entendus : ceci
signifie que pour qu'une représentation soit mienne, il faut toujours et déjà la conscience, le « je pense ».
Mais la conscience est aussi nécessaire pour saisir comme une unité la diversité des représentations, ici saisir en
une seule fois les 7 coups et me dire : « Il est 7h00 ».
Si je peux saisir que l'horloge a sonné 7 coups, c'est parce
que le « Je pense » a accompagné le divers de mes représentations et parce que le « Je pense » demeure le même
quand les représentations se succèdent.
La conscience est donc acte de synthèse, elle est unificatrice.
C'est
l'identité de la conscience dans le temps qui rend possible l'unité de nos représentations.
Ainsi, ce que nous
saisissons par nos sens, n'est pas lié.
C'est la conscience qui opère cette liaison.
Il n'y a donc d'expérience possible que parce qu'il y a l'unité du « Je pense », que parce que la conscience est acte
de synthèse.
Définir la conscience comme pouvoir de synthèse est fondamental puisqu'il s'agit alors de montrer que
les objets que nous saisissons se règlent sur notre pouvoir de connaître, sur les structures de notre esprit.
C'est ce
qui permettra à Kant de montrer que nous ne connaissons pas les choses en soi, mais seulement des phénomènes,
que « Nous ne connaissons des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes »
Dans la Critique de la Raison pure, Kant s'interroge sur l'essence de la connaissance humaine et montre qu'elle
suppose le jeu de deux facultés du sujet : l'entendement et la sensibilité' : « l y a deux souches de la connaissance
humaine, qui partent peut-être d'une racine commune mais inconnue de nous, à savoir la sensibilité et
l'entendement; par la première les objets nous sont donnés, par la seconde ils sont pensés ».
Leur union seule peut
déterminer en nous des objets.
L'unité de l'objet renvoie donc à deux facultés du sujet.
Dans cette étude des conditions de possibilité de la connaissance humaine, Kant découvre, comme condition de
toute expérience possible, l'unité transcendantale de la conscience de soi.
l n'y a pas de représentation sans
conscience qui serait une représentation sans rapport au sujet.
Le rapport au sujet est présent dans toute
représentation; il est nécessaire à toute représentation pour qu'elle soit telle.
Toute liaison d'une diversité
(conceptuelle ou sensible) ne saurait être le fait que de la spontanéité de l'entendement et en aucun cas de la
sensibilité.
En effet, la liaison du divers suppose un acte qui ne peut, en tant que tel, être le fait de la sensibilité
dont la nature est réceptivité.
Pour se représenter l' unité du divers, l'entendement est obligé d'en opérer la.
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