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PRESENTATION DE L'OEUVRE "DE LA NATURE DES CHOSES" DE LUCRECE

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Signalons un vice grave de raisonnement. (...) Évite cette erreur et garde-toi bien d'y tomber. La clairvoyance des yeux n'a pas été créée, comme tu pourrais croire, pour nous permettre de voir au loin ; ce n'est pas davantage pour nous permettre de marcher à grands pas que l'extrémité des jambes et des cuisses s'appuie et s'articule sur les pieds ; non plus que les bras que nous avons attachés à de solides épaules, les mains qui nous servent des deux côtés, ne nous ont été donnés pour subvenir à nos besoins. Interpréter les faits de cette façon, c'est faire un raisonnement qui renverse le rapport des choses, c'est mettre partout la cause après l'effet. Aucun organe de notre corps, en effet, n'a été créé pour notre usage : mais c'est l'organe qui crée l'usage. Ni la vision n'existait avant la naissance des yeux, ni la parole avant la création de la langue : c'est bien plutôt la naissance de la langue qui a précédé de loin celle de la parole ; les oreilles existaient bien avant l'audition du premier son ; bref, tous les organes à mon avis sont antérieurs à l'usage qu'on en a pu faire. Ils n'ont donc pu être créés en vue de nos besoins. Lucrèce

« PRESENTATION DE L'OEUVRE "DE LA NATURE DES CHOSES" DE LUCRECE De la nature des choses est l'unique oeuvre de Lucrèce (vers 98-55 av.

J.-C.), auteur latin du 1er siècle avant J.-C. Écrit dans des temps très troublés, propices à la superstition, ce vaste poème philosophique entend guérir les hommes de leurs peurs et de leurs illusions en suivant la voie ouverte par Épicure : fonder la possibilité de la vie heureuse sur une connaissance rationnelle de la nature.

Mais Lucrèce ne se contente pas d'initier à la doctrine de son maître : il l'enrichit et la complète par ses propres analyses et met à son service la puissance séductrice de son style.

Décrié par la tradition chrétienne pour ses attaques contre la Providence, salué par les penseurs athées, de Diderot à Marx, comme un génie libérateur, Lucrèce a joué un rôle majeur dans la diffusion du matérialisme. Le malheur des hommes tient à l'aliénation de leur esprit : la superstition les condamne à vivre dans la crainte de la mort et du destin.

L'étude rationnelle de la nature, qui exclut tout recours aux dieux, vise à fonder une sagesse matérialiste permettant l'accès au bonheur. "Signalons un vice grave de raisonnement.

(...) Évite cette erreur et garde-toi bien d'y tomber.

La clairvoyance des yeux n'a pas été créée, comme tu pourrais croire, pour nous permettre de voir au loin ; ce n'est pas davantage pour nous permettre de marcher à grands pas que l'extrémité des jambes et des cuisses s'appuie et s'articule sur les pieds ; non plus que les bras que nous avons attachés à de solides épaules, les mains qui nous servent des deux côtés, ne nous ont été donnés pour subvenir à nos besoins. Interpréter les faits de cette façon, c'est faire un raisonnement qui renverse le rapport des choses, c'est mettre partout la cause après l'effet.

Aucun organe de notre corps, en effet, n'a été créé pour notre usage : mais c'est l'organe qui crée l'usage.

Ni la vision n'existait avant la naissance des yeux, ni la parole avant la création de la langue : c'est bien plutôt la naissance de la langue qui a précédé de loin celle de la parole ; les oreilles existaient bien avant l'audition du premier son ; bref, tous les organes à mon avis sont antérieurs à l'usage qu'on en a pu faire.

Ils n'ont donc pu être créés en vue de nos besoins." LUCRÈCE. Introduction Lucrèce, à travers son poème philosophique De la nature, souhaite non seulement vulgariser la pensée de l'école épicurienne, mais aussi la présenter comme la plus naturelle et la plus raisonnable, en saisissant toutes les occasions de ridiculiser les doctrines adverses.

Tout au long de l'ouvrage, il apostrophe son ami Memmius, dédicataire du poème, pour le mettre en garde contre tel ou tel point de vue qu'il juge irrationnel.

Dans ce texte, il s'en prend violemment aux explications par les causes finales, qu'Aristote, par exemple, applique à la compréhension des êtres vivants.

Notons bien que le mécanisme, ici, n'est pas confronté à un vitalisme (explication du vivant par des forces spécifiques échappant aux lois physico-chimiques) comme il pourra l'être plus tard.

L'histoire des idées sur le vivant n'en est pas encore là, car les philosophes de l'Antiquité n'ont pas encore clairement dégagé l'idée de la vie comme phénomène spécifique dont il faudrait justifier l'apparition.

S'il est un point commun entre les conceptions épicurienne et aristotélicienne, c'est bien qu'elles envisagent le vivant dans le simple cadre de leurs physiques, qui ne peuvent être elles-mêmes détachées de leurs contextes philosophiques.

C'est donc dans toute sa pureté que le débat sur la pertinence de la notion de finalité dans la connaissance du vivant est ici engagé.

Le texte, inauguré par une apostrophe, se décompose en deux moments, constitués chacun d'un élément argumentatif, précédé d'une accumulation d'images (l'une en faux contre Aristote, l'autre à l'appui d'Épicure).

Il n'est pas artificiel, sur un tel texte polémique, d'examiner successivement les deux conceptions en scène avant de se demander si leur opposition peut être dépassée. I.

Une conception finaliste du vivant 1.

Une physique hylémorphique Pour Aristote, toute chose est un composé de matière brute, indéterminée (hulé), et de forme (morphé ou eidos), la forme étant en quelque sorte à la fois organisation, information et finalité.

La matière, étant indéterminée, n'est rien de particulier ; elle n'est que pure puissance (au sens de potentialité) et ne peut s'actualiser, devenir réellement quelque chose, qu'en étant informée : ainsi, de proche en proche, les êtres s'organisent-ils en une hiérarchie dont le sommet est un Dieu conçu comme acte pur.

On peut dire de ce point de vue que les composants n'accèdent à l'être qu'à travers leur participation au composé.

Les êtres vivants, en eux-mêmes déjà hautement organisés, sont partie intégrante de cet ordre universel.

Lucrèce, dans la première partie du texte, stigmatise ce point de vue qui ne donne d'être aux éléments pourtant bien concrets de notre anatomie (yeux, cuisses, jambes, pieds, épaules, bras, mains) que pour autant qu'ils contribuent à des fonctions abstraites concourant au bien de l'individu global.

Cette idée de bien est ironiquement critiquée par les intensifs “ voir au loin ”, “ marcher à grands pas ”, “ solides épaules ” (comment comprendre le vieillissement du corps, et sa mort, si sa forme est une finalité orientée vers son bien ?). 2.

La cause finale est première C'est que, pour Aristote, il convient d'abord de distinguer les diverses causes d'une chose, et notamment d'opposer la cause efficiente (celle qui fait que l'organisme se compose), de la cause finale (ce en vue de quoi l'organisme est composé).

Il faut, ensuite, se demander laquelle de ces causes doit être considérée comme première.

La réponse d'Aristote (Parties des animaux, I) est qu'il “ semble que la première cause soit celle que nous appelons "en vue de quoi" ; en effet, elle est "raison" et la raison est principe, aussi bien dans les produits de l'art que dans ceux de la. »

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