Prendre conscience me rend-il extérieur à moi-même ?
Extrait du document
«
Il ne faut pas ramener la prise de conscience à un processus purement intérieur, à une expérience psychologique qui ne nécessiterait
aucun rapport avec le monde extérieur.
Ce sujet tente de nous faire réfléchir à se paradoxe de la fondation de la conscience qui aurait
besoin d'un autre qu'elle-même et qui de fait amènerait le sujet à se décentrer, à sortir de lui-même, à s'ouvrir à l'altérité.
C'est aussi en
repensant les philosophies existentialistes et phénoménologiques qui ont tenté de donner une réelle place à l'extériorité dans le
phénomène de la prise de conscience.
1) La prise de conscience nécessite un retour sur soi.
Pour Descartes, la plupart de nos jugements sont conditionnés par l'habitude, notre connaissance est faite d'opinions, opinions qui, du
reste, s'opposent souvent entre elles.
Pour entreprendre la recherche de la vérité, il faut donc « une fois » en sa vie douter « de toutes les
choses où l'on aperçoit le moindre soupçon d'incertitude ».Ces objets existent-ils réellement dans le monde ? Nous n'en saurions, à vrai
dire, avoir aucune preuve, car nous ne pouvons sortir de nous-mêmes, et le monde se réduit à l'ensemble de nos sensations.
Or nos sens
nous trompent parfois, et, en rêve, nous prenons pour réels des objets imaginaires.
Nous douterons donc d'abord de la réalité des choses
sensibles Aussi, le je impersonnel s'engage dès la Méditation première dans l'épreuve du doute.
Au reste, le doute a pour conséquence
immédiate la découverte de la première des vérités : celle du moi pensant.
De négation, il devient alors affirmation, affirmation de la
pensée qui doute.
Car au moment où je doute de tout, et du fait que je doute de tout, je suis assuré de l'existence de la pensée qui
doute.
C'est le fameux : « je pense donc je suis » du Discours de la méthode, le « cogito ergo sum » de la première partie des Principes.
Dans
la Méditation seconde, Descartes écrit de même : « Mais je me suis persuadé qu'il n'y avait rien du tout dans le monde, qu'il n'y avait aucun
ciel, aucune terre, aucun esprit ni aucun corps.
Ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n'étais point ? Non certes, j'étais sans doute
si je me suis persuadé, ou seulement si j'ai pensé quelque chose.
» Et il tient ainsi « pour constant que cette proposition : je suis, j'existe,
est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit ».Ainsi prendre conscience me renferme
sur ma sphère individuelle et m'enferme dans le solipsisme, solipsisme inconfortable dont il faudra s'extraire
2La nécessité de l'expérience de l'autre, contre le solipsisme.
Alors que la fondation cartésienne de la science passait par le dualisme de l'âme et du corps, la refondation husserlienne comprend au
contraire le « corps propre » (Leib, ce que les phénoménologues contemporains, à la suite en particulier de Merleau-Ponty, préfèrent
appeler la chair) radicalement autrement que les corps en général, tels qu'ils nous sont donnés à
connaître par la physique.
Lorsque la conscience met le monde entre parenthèses, s'isolant comme
solus ipse, elle produit une apparence d'elle-même, que l'explication phénoménologique, faisant retour
sur « l'intuition » d'être au monde, permet de dissiper.
Brisant net les frontières induites par une
philosophie de la conscience psychologique, l'intentionnalité reconnaît ainsi son propre fondement dans
« l'expérience de l'autre ».
Elle se rapporte à une « Nature intersubjective » qui est la condition (la
« première forme », écrit Husserl) de toute « objectivité ».
L'existence d'autrui est un embarras pour la pensée objective.
L'expérience "objective" du monde n'est
rien que le face à face d'une conscience seule et d'un objet qu'elle pense.
Quel est cet objet ? Des
événements, des faits qui sont constitués de propriétés générales, reliées les unes aux autres par de
multiples fonctions qui en permettent l'analyse et la compréhension.
Cet objet peut être aussi mon
corps, comme chose matérielle, un ensemble d'organes, animé de processus physiologiques que je
peux étudier dans les livres de médecine.
Le corps d'autrui est a priori identique : chose matérielle que
je peux décrire en ses propriétés.
Comme caractère psychologique, je peux l'analyser dans ses
comportements, pour le dépouiller de tout mystère.
L'autre, celui que je prétends "connaître bien", est
un comportement, un système de gestes et d'habitudes dont je peux dresser le tableau, afin d'achever
de le pétrifier dans une représentation.
Comme être empirique, l'être humain est une mécanique qui
se remue par ressorts, matériels ou psychologiques.
La conscience d'autrui ne peut trouver sa place
dans un tel système, elle ne peut apparaître qu'en tant que qualité occulte.
Pour la pensée objective, il
n'y a que deux modes d'être : l'être-en-soi, celui, objectif, de ce qui se trouve hors de moi devant moi
; et l'être-pour-soi, celui de ma propre conscience.
Hors de moi, autrui est un en-soi.
Mais s'il a une
conscience, c'est qu'il est pour-soi.
Par conséquent, si je dois le penser comme conscience, je ne peux le penser qu'en tant qu'il est moimême, un pour-soi identique à moi.
Toute altérité disparaît, connaissant l'autre je l'assimile.
L'autre en tant qu'autre ne peut donc avoir
aucune place pour la pensée objective.
3) La prise de conscience nécessite une sortie de soi-même.
Sartre, retient la description phénoménologique et existentielle de la conscience comme pouvoir de négation et comme projet.
Le poursoi, qui est néant néantisé au cœur de l'être et de l'en-soi opaque, est essentiellement projet, mouvement de soi hors de soi, être qui se
définit par ce qu'il n'est pas et par ce dont il manque : ce pouvoir est proprement la transcendance et celle-ci définit un être (le pour-soi)
qui est chose parmi les choses, homme parmi les hommes, immanent à ce monde qu'il constitue en le dépassant.
Aussi, L'horizon de
signification dont Husserl parlait à propos de la connaissance et de la perception est devenu l'horizon existentiel du projet, c'est-à-dire la
transcendance de la conscience qui se constitue en posant un monde à dépasser et en se faisant ce dépassement même.
La
transcendance (l'extériorité) du monde n'est que l'envers de la transcendance de la conscience comme négativité et temporalité.
La
véritable transcendance est donc non plus celle de l'au-delà vertical mais de l'horizon de l'action humaine, c'est donc celle du pour-soi
comme existence et projet, et non plus celle du sujet comme Ego transcendantal à la façon de Kant ou de Husserl.
Elle se rapproche de
plus en plus d'une histoire concrète de la conscience, où s'atteste l'enchaînement des synthèses de la connaissance sur les liaisons vécues
dans l'expérience du monde, et la dépendance des objectivités ou des vérités vis-à-vis des approches concrètes d e l'action ou des
échanges intersubjectifs que le langage entretient.
Conclusion.
Prendre conscience m'oblige à sortir de moi dans la mesure, où ma conscience se constitue en fonction de l'extérieur, de l'autre, de
l'altérité en général.
Descartes, dans sa démarche de prise de conscience réfute en doute l'existence du monde extérieur.
Mais en vérité,
il se sert du monde extérieur pour fonder sa conscience.
Mais une conscience sans conscience du monde extérieur serait bien vide et bien
plate, la véritable prise de conscience s'opère par un rapport avec le monde, un monde qui sera le lieu de mes projets et de ma vie..
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