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Pouvons-nous penser autrui autrement qu'à partir de nous-mêmes ?

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« ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION • Article « autrui » du Littré : « Autrui de alter-huic, cet autre, à un cas régime : voilà pourquoi autrui est toujours au régime, et pourquoi autrui est moins généra) que les autres.

» • Lévinas : « Autrui, en tant qu'autrui, n'est pas seulement un alter ego (un autre moi-même).

Il est ce que moi je ne suis pas.

» L'autre ne serait-il pas absolument autre qu'en étant un ego c'est-à-dire, d'une certaine façon, le même que moi ? • Reconnaître le semblable dans la différence ne serait-ce pas la condition de toute éthique et de tout « respect » de « la personne »? La reconnaissance de l'essence de l'étant (quelqu'un étant comme autre, comme autre soi), la reconnaissance « d'autrui » ne conditionnerait-elle pas le respect de l'autre comme ce qu'il est : autre. Sans cette « reconnaissance », sans ce « laisser-être » d'un autrui comme existant hors de moi dans l'essence de ce qu'il est (est d'abord dans son altérité), une éthique est-elle possible ? • « L'autre » et le moi de l'enfant.

La psychologie de l'enfant nous indique qu'il n'y a pas d'abord opposition entre le moi et autrui.

L'enfant part d'un syncrétisme ou, si l'on veut d'un confusionnisme.

C'est précisément le rapport avec autrui qui l'amènera à un changement de perspective. • L'évolution de là personnalité de l'enfant s'accomplit à tous les stades, en fonction d'autrui : — opposition à autrui, — se donner en spectacle à autrui, — jouer le rôle de l'autre, puis de l'autre généralisé (Cf.

l'ethnologie G.-H.

Mead), — la crise dite d'originalité juvénile. • Se demander si ce qui est donné en second lieu, ce ne serait pas le moi; si la connaissance du moi (et l'évolution de la connaissance du moi) ne serait pas dépendante et en tout cas seconde par rapport à la connaissance d'autrui (et l'évolution de la connaissance d'autrui). • S'interroger sur ce qui amène l'adulte à penser que le « moi » est premier.

L'adulte peut-il penser autrui autrement qu'à partir de lui-même? § 1.

Sens du mot autrui Comme le dit Littré, «autrui» est moins général que «les autres ».

Les autres, c'est tout le monde, excepté moi ; autrui, c'est cet autre-ci comme le montre l'étymologie (alteri huic, datif qui implique qu'en bon français, le terme ne devrait pas être sujet, et devrait toujours dépendre d'une préposition ; mais c'est un usage que Sartre a rendu courant). § 2.

La conscience insulaire et le problème Je suis isolé dans mon moi comme dans une île.

Ma conscience m'apparaît comme un monde fermé à toutes les autres consciences.

Le mur qui m'en sépare est infranchissable.

Je suis seul, à la rigueur, à percevoir, sentir, penser ce que je perçois, sens, pense.

Je suis même impénétrable à autrui, en ce double sens que, non seulement je suis insaisissable en mon for intérieur à autrui, mais que je suis incapable, quand je le voudrais, de m'ouvrir tout entier à autrui, ce qui est le drame de toute communication.

A la fois, il n'est point de connaissance qui puisse forcer ce réduit et j'en suis moi-même prisonnier.

Il en est de même pour moi à l'égard de tout autre homme, qui m'échappe en tant que conscience et sujet.

S'ensuit-il que je ne puisse connaître autrui qu'indirectement par une connaissance médiate et discursive, c'est-à-dire par l'intermédiaire d'un raisonnement ou n'est-il pas possible de le connaître directement de façon intuitive ? § 3.

La théorie de la connaissance indirecte d'autrui et le raisonnement par analogie Cette analyse de la conscience insulaire est, d'un point de vue absolu, incontestable et, d'être humain à être humain, il reste toujours de l'incommunicable.

Découle-t-il de là que je ne puisse avoir d'autrui comme lui de moi qu'une connaissance indirecte ? C'est l'opinion du sens commun, qui s'accorde avec la thèse classique que je ne puis connaître autrui que d'après moi-même.

Sachant, par exemple, par expérience personnelle, que le rire est l'expression de la joie, en voyant rire un autre homme, j'en induis qu'il est joyeux.

Par cette induction spontanée, appuyée sur le principe de causalité, je pose que la joie chez autrui est cause du rire comme elle l'est pour moi. Explicitée, l'induction se présente comme un raisonnement par analogie, que Sartre, qui d'ailleurs rejette cette thèse, expose avec netteté : « l'âme d'autrui est séparée de la mienne par toute la distance qui sépare tout d'abord mon âme de mon corps, puis mon corps d'autrui, enfin le corps d'autrui de son âme» ; mais, en vertu d'un raisonnement par analogie, j'infère de l'observation extérieure d'autrui toute sa vie psychologique par comparaison avec ce que représente psychologiquement cette attitude quand elle est la mienne.. »

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